Une nouvelle approche pour la paix
Une tribune publiée par le site l’Orient Le Jour le 21/04/2018 par Miroslav Lajcak
Lors de la création des Nations unies, ses fondateurs envisageaient un monde différent.
Un monde dans lequel les différends seraient résolus dans des salles de réunion et non sur des champs de bataille. Un monde dans lequel les guerres seraient évitées avant qu’il ne faille les stopper. Un monde qui agirait avant que des vies ne soient perdues.
Pourtant, les conflits violents sont en augmentation dans de nombreuses parties du monde – ils sont de plus en plus longs, de plus en plus complexes et meurtriers. Des populations civiles ne sont plus prises entre deux feux, mais ciblées par des attaques directes, et nous voyons un nombre sans précédent de gens obligés de fuir la violence et le désespoir. C’est pour tout cela que l’ONU a besoin d’une nouvelle approche pour la paix.
Pérennisation
Pour cela, j’ai convoqué une réunion de haut niveau portant sur la consolidation et pérennisation de la paix qui se tiendra à New York, les 24 et 25 avril. L’événement réunira des leaders mondiaux pour discuter de la prévention de conflits, de la médiation, du dialogue et de la diplomatie. Cette réunion s’inscrit dans le cadre d’un effort global des États membres des Nations unies pour soutenir l’organisation à faire mieux dans la promotion de la paix.
Quand je parle de paix, je parle d’une paix qui puisse être considérée comme acquise. Le type de paix qui ne s’évanouira pas dès le prochain cycle électoral. Le type de paix qui ne sera pas mesurée en mois ou en années, mais en générations. C’est ce que l’on appelle « la pérennisation de la paix ». Nous devrions y consacrer nos efforts au lieu de chercher des solutions quand le conflit a déjà éclaté.
Certains diront qu’une paix réellement durable est impossible dans certaines régions du monde. Je ne suis pas d’accord. Quand le Monténégro s’est séparé de la Serbie, la paix n’était pas garantie. Certains prédisaient même de graves violences. Cependant, à travers d’intenses efforts diplomatiques et une réelle volonté politique, la paix a tenu. Et elle a perduré jusqu’à nos jours, sans aucun signe d’affaiblissement.
Le mois dernier, je me suis rendu dans l’ouest de la Colombie où j’ai pu constater le travail accompli par les communautés indigènes et les Nations unies pour renforcer les liens sociaux. J’ai été inspiré par des paysans confiants quant à leur avenir, après avoir souffert durant un demi-siècle de conflit. L’une de ces femmes m’a fait part de la détermination de sa communauté à tout faire pour éviter de retomber dans la violence.
La norme plutôt que l’exception
Ce sont quelques exemples actuels de pérennisation de la paix à travers le monde. Il est vrai qu’une grande partie de nos discussions se passent à New York, mais elles doivent être guidées par l’expérience du terrain. Il faut souligner tout d’abord le travail entrepris par les agents de consolidation de la paix – de ceux qui dirigent des associations de femmes pour la paix au Liberia à ceux qui organisent des ateliers de médiation au Kirghizistan. C’est pour cela que la réunion de haut niveau réunira des acteurs de différents pays, secteurs et sociétés, avec l’objectif de promouvoir l’échange de perspectives.
Évidemment l’engagement de ceux qui croient à la pérennisation de la paix n’est rien s’il n’est pas accompagné des financements nécessaires. Nous avons besoin de plus d’investissements dans la prévention. Quand les conflits frappent une société, le tissu social se désagrège aussi. Des bâtiments sont détruits et personne ne reconstruit. Les salaires ne sont plus payés. L’eau ne coule plus des robinets.
Des sommes colossales sont ensuite nécessaires à la reconstruction, des sommes plus importantes que celles qui auraient pu permettre de prévenir le conflit. Outre les souffrances qu’on aurait pu éviter, cela n’a aucun sens d’un point de vue économique. Investir davantage dans la prévention des conflits, même dans une poignée de pays, pourrait représenter des milliards de dollars d’économies pour la communauté internationale.
Enfin, on ne doit pas oublier que l’ONU a été fondée pour la paix. C’est en tout cas ce que son drapeau devrait symboliser. Le succès des Nations unies dans la prévention des conflits devrait être la norme, et non pas l’exception. L’ONU doit être l’intermédiaire mondial de la paix.
Miroslav LAJCAK, Président de l’Assemblée générale des Nations unies
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