La population va tripler en Afrique, mais elle diminuera au niveau mondial

Article paru sur le site du journal Le Temps le 15/07/2020 par Simon Petite

La planète devrait compter 2 milliards d’habitants en plus d’ici au milieu du XXIe siècle mais ensuite la population mondiale diminuera. Cette projection surprenante émane de l’Institute for Health Metrics and Evaluation (IHME), un organisme basé à Seattle aux Etats-Unis et qui fait autorité. Parue mercredi dans la revue scientifique The Lancet et financée par la Fondation Bill et Melinda Gates, l’étude est plus optimiste que les estimations des Nations unies. La population africaine continuera de croître durant tout le siècle, mais dans une proportion moindre que celle redoutée par l’ONU.

Les chercheurs de Seattle projettent un pic de la population mondiale dès 2064. La planète compterait alors 9,7 milliards d’habitants, contre 7,7 milliards aujourd’hui. Mais la tendance s’inverserait dans la seconde moitié du siècle et la population mondiale retomberait à 8,8 milliards d’êtres humains en 2100.

Le Nigeria, la RDC, l’Ethiopie et la Tanzanie, parmi les pays les plus peuplés

Principal facteur de cette inversion démographique: la baisse de la fécondité des femmes. Au niveau global, le taux de fécondité devrait chuter à 1,66 enfant par femme. D’ici à 2050, une grande majorité de pays devraient être en dessous du seuil de 2,1 enfants par femme, qui assure un renouvellement de la population sans apport migratoire. Selon ce modèle, une vingtaine de pays auront perdu plus de la moitié de leur population, à l’instar du Japon, de l’Espagne ou de la Thaïlande. La Chine, aujourd’hui le pays le plus peuplé du monde avec 1,4 milliard d’habitants, n’en compterait plus que 730 millions en 2100.

A l’opposé, l’Afrique subsaharienne verrait sa population tripler, passant de 1 à 3 milliards d’habitants au tournant du siècle. Sur le continent, la fécondité baisse aussi mais bien plus lentement qu’ailleurs dans le monde. Les femmes d’Afrique subsaharienne faisaient encore en moyenne 4,8 enfants entre 2015 et 2020, selon les chiffres de l’ONU. Pour l’IHME, le Nigeria sera en 2100 le second pays le plus peuplé du monde derrière l’Inde, avec 790 millions d’habitants. Et trois autres Etats africains figureront parmi les dix pays les plus peuplés: la République démocratique du Congo, l’Ethiopie et la Tanzanie.

Education des filles en Afrique

Pour sa part, l’ONU ne prévoit pas de pic démographique avant 2100. Selon elle, la Terre hébergera alors 10,9 milliards de personnes. Comment expliquer cette différence de 2 milliards avec l’étude publiée mercredi? Les chercheurs de l’IHME tablent sur une baisse continue de la fécondité dans de grands pays comme la Chine et l’Inde mais aussi en Afrique subsaharienne, supposant que les efforts d’éducation des filles sur le continent redoublent. «Dans les deux cas, ce sont des hypothèses, commente Clémentine Rossier, professeure associée à l’Institut de démographie et socioéconomie de l’Université de Genève. Il n’est pas dit que les grandes puissances en déclin démographique ne réagissent pas avec des mesures énergiques de soutien à la natalité. L’accélération de l’éducation des filles en Afrique présente aussi un gros point d’interrogation.»

La chercheuse cite l’exemple du Nigeria, où le taux d’enrôlement des filles dans les écoles primaires et secondaires est bon. Mais, faute de débouchés, les jeunes femmes se replient très souvent dans un rôle de ménagère et de mère. «De manière générale, les projections démographiques sont relativement fiables pour les prochaines décennies mais davantage aléatoires à plus long terme», met en garde Clémentine Rossier.

Les auteurs de l’étude concèdent que leurs prévisions ne sont pas «gravées dans le marbre» et que l’avenir démographique de la planète dépendra beaucoup des futurs choix politiques. En voici un préconisé par les chercheurs de Seattle: le vieillissement de la population dans de nombreux pays et l’arrivée sur le marché du travail d’innombrables jeunes, en particulier en Afrique, plaide pour des «politiques de migration plus libérales».


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