Conférence internationale sur la protection du patrimoine en péril
Article paru sur France Diplomatie le 03/12/2016
Les destructions et pillages de sites historiques, notamment en Afghanistan, en Syrie, en Irak ou encore au Mali, ont conduit la France et les Emirats Arabes Unis à s’associer afin de trouver des solutions concrètes.
François Hollande et Jean-Marc Ayrault se sont rendus aux Émirats arabes unis les 2 et 3 décembre 2016 à l’occasion de la Conférence sur la protection du patrimoine en péril qu’il clôturera avec le Prince héritier Cheikh Mohamed bin Zayed.
La conférence sur la protection du patrimoine en péril est le fruit d’une initiative de la France et des Émirats arabes unis, préparée depuis plus de trois ans.
Elle est le pendant culturel de la lutte menée contre le terrorisme sur les plans militaire et politique.
Les objectifs de la conférence d’Abou Dabi
La conférence permettra de mettre en place de nouveaux outils pour protéger le patrimoine menacé par le terrorisme ou les conflits armés.
Elle poursuit notamment trois grands objectifs
- Mise en place d’un fond international dédié au financement d’action pour la protection du patrimoine culturel en péril :
Ce fonds se révèle aujourd’hui indispensable pour accroître les ressources consacrées à la protection du patrimoine culturel menacé, et parvenir à une meilleure coordination des nombreuses initiatives qui existent déjà dans le monde.L’objectif de la collecte de fonds initiale est de 100 M$. Les contributions des deux Etats fondateurs, la France et les Emirats Arabes Unis, seront complétées par un effort des autres Etats volontaires et des partenaires privés. La France participera à hauteur de 30 M$ - Mise en place d’un réseau international de refuges, c’est-à-dire un réseau de pays s’engageant sur des garanties communes pour accueillir , de manière temporaire, les biens culturels d’un pays faisant face à une situation de conflit armé ;
- Adoption d’une déclaration politique commune en faveur de la protection du patrimoine en péril, visant à encourager l’adoption d’une résolution cadre sur la protection du patrimoine en péril au Conseil de sécurité des Nations unies.
Cinq prix Nobel lancent un appel en faveur de la Conférence internationale d’Abou Dabi sur la protection du patrimoine culturel en péril
- Aung San Suu Kyi, conseillère d’Etat et ministre des affaires étrangères de Birmanie, Prix Nobel de la Paix en 1991
- Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations unies, Prix Nobel de la Paix en 2001
- Helen Johnson Sirleaf, Présidente du Libéria,Prix Nobel de la Paix 2011
- Orhan Pamuk, écrivain, Prix Nobel de littérature en 2006
- Mario Vargas Llosa, écrivain, prix Nobel de littérature en 2010
« Partout dans le monde, les guerres et le terrorisme menacent un patrimoine parfois millénaire, témoignage de la diversité des civilisations humaines et de notre commune humanité. […]
Nous lançons aujourd’hui un appel à la prise de conscience de la communauté internationale. Nous demandons aux gouvernements, à l’UNESCO et à la société civile de se mobiliser pour protéger et sauvegarder le patrimoine culturel de l’humanité.[…]Dans cet esprit, nous saluons la tenue à Abou Dabi le 2 décembre de la conférence internationale sur la protection du patrimoine en péril et appelons tous les participants à faire face à leurs responsabilités. Le défi est historique. Sachons le relever. »
La protection du patrimoine, un des fils directeurs de la diplomatie culturelle française
La protection du patrimoine est un des fils directeurs de la diplomatie culturelle française et ce, dès février 2013, avec la visite au Mali effectuée par le président de la République en présence de la directrice générale de l’UNESCO, Irina Bokova.
Ce déplacement avait été l’occasion de lancer le processus de reconstruction et de restauration des mausolées de Tombouctou, mais aussi d’initier une réflexion internationale sur les moyens de :
renforcer la protection des biens culturels menacés par les conflits
préserver la diversité culturelle mise en péril par le fanatisme terroriste
Déclaration d’Abou Dhabi
Miroir de notre humanité, gardien de notre mémoire collective et témoin de l’extraordinaire esprit de création de l’humanité, le patrimoine culturel mondial porte en lui notre avenir commun.
Aujourd’hui, les conflits armés et le terrorisme qui sévissent sur tous les continents touchent des millions d’hommes et de femmes sans épargner leur patrimoine plurimillénaire. Les extrémistes portent violemment et parfois délibérément atteinte aux cultures des pays et des peuples qu’ils dévastent, cherchant à détruire le patrimoine culturel, bien commun de l’humanité.
Menacer, attaquer, détruire et piller le patrimoine, revient à s’en prendre aux fondements même de l’identité des peuples, de l’histoire dans laquelle ils s’inscrivent et des repères sur lesquels ils se construisent. Sans ce patrimoine, c’est l’identité entière d’un peuple qui disparaît, sa mémoire qui s’efface et son avenir qui se trouve compromis.
Le patrimoine, dans sa diversité, est une source de richesse collective et incite au dialogue. Il constitue un facteur de rapprochement, de tolérance, de liberté et de respect. Sa destruction représente une menace pour la paix, tout comme le trafic illicite de biens culturels dont le développement est souvent le corollaire des temps de crises.
En conséquence, nous, chefs d’État, de gouvernement, et leurs représentants, organisations internationales et institutions privées, sommes réunis à Abou Dhabi, Émirats Arabes Unis, pour réaffirmer notre volonté commune de sauvegarder le patrimoine culturel en danger de tous les peuples, contre sa destruction et son trafic illicite. Nous avons décidé d’unir nos efforts.
Nous nous félicitons de l’appel lancé par le Directeur général de l’UNESCO et nous exprimons notre soutien à la coalition mondiale « Unis pour le patrimoine » qui a été lancée pour protéger notre patrimoine commun des destructions et des trafics. Nous accueillons favorablement la Stratégie de renforcement de l’action de l’UNESCO pour la protection de la culture et la promotion du pluralisme culturel en cas de conflit armé.
Nous devons veiller au respect des valeurs universelles qui, depuis les Conventions internationales successives de La Haye de 1899, 1907 et 1954 et de ses protocoles de 1954 et 1999, nous imposent de protéger les vies humaines ainsi que les biens culturels en période de conflit arme. Ce processus doit être conduit en étroite liaison avec l’UNESCO, qui œuvre inlassablement depuis 1945 à la préservation du patrimoine, à la lutte contre le trafic illicite de biens culturels et à la promotion de la culture comme instrument de rapprochement et de dialogue entre les peuples.
Aussi, dans un esprit d’universalité et dans le cadre des principes des conventions de l’UNESCO, nous nous engageons à poursuivre deux objectifs ambitieux et pérennes, pour garantir la mobilisation de la communauté internationale en faveur de la sauvegarde du patrimoine :
La constitution d’un fonds international pour la protection du patrimoine culturel en péril en période de conflit armé, qui permettrait de financer des actions préventives ou d’urgence, de lutter contre le trafic illicite de biens culturels ainsi que de participer à la restauration de biens culturels endommagés.
La création d’un réseau international de refuges pour sauvegarder de manière temporaire les biens culturels mis en péril par les conflits armés ou le terrorisme sur leur territoire, ou, s’ils ne peuvent être en sécurité au niveau national, dans un pays limitrophe, ou en dernier ressort dans un autre pays, en accord avec les lois internationales à la demande des gouvernements concernés, et prenant en compte les caractéristiques nationales et régionales et le contexte des biens culturels à protéger.
À l’occasion de cette conférence, nous, chefs d’État et de gouvernement et leurs représentants, organisations internationales et institutions privées, unissons nos efforts en faveur du patrimoine en appuyant l’action internationale destinée à sauvegarder le patrimoine culturel menacé par les conflits armés ou le terrorisme. Une conférence de suivi, organisée en 2017, permettra notamment d’évaluer la mise en œuvre des initiatives lancées à Abou Dhabi et des premiers projets financés par le fonds international.
Nous reconnaissons le rôle éminent des Nations Unies et des institutions qui en relèvent, en particulier l’UNESCO, qui est la seule institution des Nations Unies ayant pour mandat de protéger la culture. Nous appelons le Conseil de Sécurité des Nations unies pour solliciter son appui à la réalisation de nos objectifs, en plein accord avec la Charte des Nations Unies.
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