Le Burundi au bord du chaos
Alors que l’économie plonge et que les assassinats d’opposants se multiplient, les dirigeants burundais se radicalisent de plus en plus, allant jusqu’à une forme d’épuration au cœur du pouvoir
En 2015, le Burundi est devenu le pays de la planète où le produit intérieur brut (PIB) par habitant est le plus minuscule (315 dollars, environ 290 euros). Ce, malgré une bonne récolte de café. Les hôtels sont vides, les entreprises licencient. «Jusqu’ici, le gouvernement est arrivé à payer les fonctionnaires, on se demande comment», remarque un fin connaisseur de l’économie.
Le même gouvernement vient d’annoncer des perspectives de croissance (3,6%) pour 2016, en contradiction avec les calculs du Fonds monétaire international (FMI), qui prévoit une contraction de 7% de l’économie. D’ici à quelques mois, la situation deviendra «intenable», juge cette source.
Les devises manquent, le franc burundais est en chute libre. Certains hommes d’affaires locaux quittent le pays sur la pointe des pieds, pour fuir les demandes de «contributions» du pouvoir, de plus en plus pressantes, explique un membre du patronat local, qui précise: «Ils ont reçu des menaces de gens qui savent combien d’argent ils ont sur leurs comptes. Il n’y a plus de neutralité: si tu restes, il faut payer. Alors, certains préfèrent partir en voyage…»
Plus de 400 morts
On n’a recensé à ce jour aucun assassinat d’homme d’affaires, contrairement aux jeunes, étudiants, activistes, ex-leaders des manifestations ou passants malchanceux: plus de 400 morts au cours des dix derniers mois, et la liste s’allonge. Parallèlement, plusieurs groupes rebelles se sont déclarés. En plus de Red Tabara, une autre formation rebelle s’est créée. Le Forebu (Forces républicaines du Burundi) regroupe des officiers supérieurs ayant fait défection, avec à leur tête le général Godefroid Niyombaré, ex-compagnon de route du chef de l’Etat, qui a tenté de prendre le pouvoir lors du putsch de mai 2015. Il vit aujourd’hui en exil. On ne peut connaître avec précision le poids de ces mouvements, mais ils ont en commun de mélanger Hutu et Tutsi.
D’autant qu’à Kigali, on tient un raisonnement implacable: le pouvoir burundais est accusé de collusion avec les Hutu génocidaires rwandais (regroupés dans le mouvement des Forces démocratiques de libération du Rwanda), pour préparer, en substance, le massacre des Tutsi burundais. Et on ne dissimule pas que le Rwanda, dans ce cas de figure, interviendrait pour sauver ceux qui pourraient l’être.
Ce conflit n’a pris fin, en 2005, qu’au terme d’un long processus de paix, laissant un pays endeuillé par plus de 200 000 victimes. La paix était en fait la chose la plus désirée par les Burundais. Même les ex-rebelles et les soldats se sont mélangés dans une nouvelle armée avec un enthousiasme réel. Aujourd’hui, cette unité nationale est en train d’être détruite méthodiquement.
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