La rétention de migrants à un niveau record en 2015

Un rapport sur les centres de rétention administrative, cosigné par plusieurs ONG, dénonce la « politique du chiffre » actuellement à l’oeuvre en France.

En 2015, 47 565 migrants ont été incarcérés dans l’un des 43 centres de rétention administrative disséminés à travers l’Hexagone, mais aussi dans les territoires d’outre-mer (Tom). Ce qui porte à près de 240 000 le nombre d’individus à avoir subi un internement forcé en vue d’une reconduite à la frontière sur les cinq dernières années.

Pour la sixième année consécutive, cinq associations (la Cimade, Forum réfugiés-Cosi, France Terre d’asile, l’Association service social familial migrants-Assfam et l’Ordre de Malte France) dressent un bilan de la politique de placement en rétention dans notre pays. Le rapport qu’ils ont publié, mardi 28 juin, est particulièrement sévère pour l’administration française. Les auteurs de cette étude dénoncent à la fois l’illégalité et l’inefficacité de cet « usage massif, voire démesuré, de l’enfermement des personnes étrangères en vue de leur éloignement ».

L’enfermement dissuasif

Les membres de ce collectif associatif critiquent particulièrement l’attitude de la préfecture du Pas-de-Calais qui a déclenché, sur instruction du gouvernement, une opération de grande envergure visant à vider, afin de les démanteler, les campements de migrants du littoral calaisien. Selon son rapport, plus de 1 900 personnes ont été orientées vers un hébergement avec une qualité d’accompagnement très variable. Mais, de l’autre, plus de 1 100 personnes, pour la plupart inexpulsables, ont été évacuées de force pour être enfermées illégalement dans des centres de rétention très éloignés du Calaisis.

« En 2015, une opération sans précédent a consisté à enfermer illégalement plus d’un millier d’exilés de Calais uniquement pour les dissuader d’y revenir », pointent les ONG.

Les réfugiés concernés, d’origine syrienne, irakienne, afghane, soudanaise ou encore érythréenne, pouvaient pourtant prétendre à une protection internationale en raison des conflits qui ravagent leurs pays, insiste le document. De fait, presque tous les individus enfermés ont fini par être libérés au bout de quelques jours, par la préfecture elle-même ou par les juges, avant de reprendre le chemin de la jungle.

Roumains et Albanais en tête

Les migrants d’origine albanaise et roumaine sont ceux qui ont le plus souvent été expulsés de France, l’an dernier.

L’an dernier, cependant, seul un quart des « personnes internées en centre de rétention administrative » ont été reconduites à la frontière. Ce qui signifie que les trois quarts des rétentions n’étaient pas nécessaires puisqu’elles n’ont pas abouti à une expulsion.

« Devant le constat d’un enfermement trop souvent abusif, inutile et disproportionné, les cinq associations coauteurs de ce rapport appellent une nouvelle fois de leurs vœux la mise en œuvre de véritables alternatives à la rétention », lit-on en conclusion de cette étude.

Les ONG signataires dénoncent par ailleurs avec force le fait que de plus en plus de mineurs isolés et de familles avec enfants se retrouvent privés de liberté. Et ce, alors que François Hollande s’était engagé, lors de sa campagne présidentielle de 2012, à mettre fin à la rétention administrative des enfants. La Convention européenne des droits de l’enfant, que la France a ratifiée, prévoit, en effet, que les mineurs (quelle que soit leur origine) doivent être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.

L’épineuse question des mineurs

Quelque 280 mineurs non accompagnés ont été privés de liberté en 2015, contre 170 en 2014. Ce qui représente une augmentation de 64 %. « Dans les CRA de métropole, le nombre [de familles] a plus que doublé par rapport à 2014, passant de 24 familles et 45 enfants à 52 familles et 105 enfants », lit-on dans le rapport du collectif associatif. Qui pointe le zèle des préfectures de Moselle et du Doubs en la matière. « En 2015, sur les 52 familles placées en centre de rétention, le CRA de Metz a concentré à lui seul 40 % des familles placées. Il est suivi de celui de la Moselle avec 13 familles et du Doubs avec 10 », détaille le document. Dans les faits et, pour ne pas avoir à confier les individus concernés à l’aide sociale à l’enfance, la plupart des préfectures contestent leur minorité, déplorent les ONG.

Contacté mardi, le ministère de l’Intérieur n’avait pas encore réagi au moment de publier cet article.

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