La Suisse au secours de l’ONU?

Article paru sur le site du journal Le Temps le 07/11/2017 par Blaise Lempen

Ignazio Cassis arrive à la tête du DFAE à un moment charnière. Plutôt que du côté de Bruxelles, c’est du côté de Genève et de l’ONU que le nouveau chef de la diplomatie suisse pourrait faire la différence.

Violations massives des droits de l’homme et du droit humanitaire dans les conflits, impunité, extrémisme, multiplication des foyers de tension, le nouveau chef de la diplomatie suisse Ignazio Cassis a trouvé sur son bureau des dossiers qui requièrent des réponses urgentes.

L’ampleur des crises humanitaires est sans précédent depuis 1945, avec plus de 65 millions de déracinés, 125 millions de personnes qui ont besoin d’aide, le double d’il y a dix ans. Faute de consensus au sein du Conseil de sécurité pour résoudre les conflits, l’ONU est confinée à un rôle d’organisation humanitaire, destinée à réparer les dégâts du désordre mondial – avec des budgets insuffisants pour répondre à tous les besoins.

Le triumvirat qui domine la scène mondiale, Etats-Unis, Chine et Russie, veut garder les mains libres. Donald Trump a attaqué l’ONU dans ses prises de position et affiché sa volonté de couper dans les opérations de maintien de la paix. La Russie a fait son retour sur la scène internationale à la faveur de la guerre en Ukraine et en Syrie et continue d’avancer ses pions de manière unilatérale. La Chine de Xi Jinping s’affirme, mais reste en retrait dans le soutien aux activités des Nations unies. Quant à l’Union européenne, les velléités d’Emmanuel Macron ne trouvent à ce stade pas beaucoup d’écho parmi les autres pays membres.

Lutte contre l’impunité

Pays multiculturel considéré comme indépendant des grandes puissances, sans passé colonial, sans troupes à l’étranger, hôte des organisations internationales, la Suisse est bien placée pour se porter au secours de la paix dans le monde. Pays hôte des négociations sur le dossier nucléaire iranien et sur un règlement politique en Syrie, la Suisse pourrait s’engager plus activement dans des médiations, à l’instar du rôle joué par Didier Burkhalter lors de la crise entre l’Ukraine et la Russie à la tête de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Du Yémen à la Corée du Nord, les occasions ne manquent pas.

La défense du droit international est vitale pour un petit pays et pour l’ordre mondial. La lutte contre l’impunité est une priorité parce qu’elle a une fonction dissuasive et préventive. Si la Cour pénale internationale est en panne, faute d’être saisie par le Conseil de sécurité, la Suisse pourrait être moins timorée pour faire progresser la justice universelle. La mise en œuvre du principe de la compétence universelle serait à cet égard un développement bienvenu dans le but de sanctionner les pires abus.

Faire entendre une autre voix

Pour un petit pays comme la Suisse, accueillir davantage de réfugiés est problématique. C’est donc bien en amont qu’il faut agir. Les mesures sécuritaires ne suffisent pas pour gagner la guerre contre le terrorisme. Il faudrait régler les conflits au Moyen-Orient, apaiser les rivalités confessionnelles, résoudre les problèmes d’inégalités explosives, d’arriération, d’aliénation, les injustices, les privations. On en est loin. On préfère faire la cour aux potentats locaux pour leur vendre encore plus d’armes, comme le président américain Donald Trump l’a fait en Arabie saoudite. La Suisse peut et doit faire entendre une autre voix.

Ignazio Cassis arrive à la tête du Département fédéral des affaires étrangères à un moment charnière. Les partis politiques attendent le Tessinois sur le dossier européen, mais il est urgent d’agir pour réduire les tensions internationales. Plutôt que du côté de Bruxelles, c’est du côté de Genève et de l’ONU que le nouveau chef de la diplomatie suisse pourrait faire la différence. La prospérité de la Suisse n’est-elle pas directement liée à la paix dans le monde?


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