Père Samir Khalil Samir : « La question des migrants impose le dialogue islamo-chrétien »
Article paru sur le site Aleteia le 21/06/2017 par Sylvain Dorient
Le prêtre jésuite égyptien Samir Khalil Samir, spécialiste de l’islam, voit dans les déplacements massifs de musulmans vers l’Occident une occasion historique de renouer le dialogue entre chrétiens et musulmans.
Ne comptez pas sur ce professeur d’université, qui a vu son pays natal secoué par l’islamisme, pour porter une vision angélique de l’islam. Pourtant à la question : « Faut-il accueillir, en Europe, des migrants, quand on sait que la majorité d’entre eux sont musulmans ? », le père Samir Khalil Samir répond oui sans hésiter : « Il n’y a que deux options, les refuser ou les accueillir. La première n’est pas chrétienne ».
Conférencier polyglotte, le père Samir constate qu’il existe des pays où les relations entre chrétiens et musulmans sont possibles, et qu’elles produisent de bons fruits. Au Liban, en Jordanie, voire en Syrie : les chrétiens et les musulmans parlent les mêmes langues, se comprennent et il leur est possible d’entretenir des relations d’amitiés. Les choses ne sont pas idylliques, bien sûr, mais le contact est possible, alors qu’en Europe, la différence des cultures met un obstacle entre les personnes.
L’Occident a perdu son attrait
Au cours du XIXe siècle, l’Occident attirait les élites musulmanes, notamment grâce aux écoles fondées en Orient, par des congrégations chrétiennes. Au Liban comme en Égypte, ces écoles ont formé les personnalités politiques les plus éminentes de ces pays. Mais l’Occident n’est plus regardé comme un modèle à imiter, en raison du déclin de la religion. « L’amour libre » et surtout l’élargissement du concept de famille choquent profondément les musulmans. Ils en viennent à la conclusion qu’il faut s’éloigner du modèle occidental, corrompu. Ils préfèrent retourner à l’islam, qui est un projet global et pas seulement une religion. Il est pourtant indispensable de faire accepter à ceux qui viennent dans un pays étranger les lois de ce pays, assure le père Samir. « Il ne s’agit pas de dire qu’il y a des lois et des coutumes supérieures à d’autres, mais simplement que chaque pays a sa propre culture et ses propres règles, qui sont par définition normatives ».
La place de la femme au cœur du débat
Parmi ces coutumes et ces règles, il ne faut « rien lâcher » sur la position de la femme et sur les rapports hommes-femmes, assure le père Samir. Dans l’islam rigoriste, en particulier hérité des Saoud, qui s’impose en réaction à l’Occident, les hommes contrôlent tout : « Même les petits frères ont autorité sur leurs grandes sœurs ! » Or, on ne peut pas laisser cette question à l’appréciation de chacun : l’égalité de droit et de devoir entre hommes et femmes est une règle absolue, ne pas la respecter serait un crime.
Malgré les différences de culture, qui existe entre migrants et européens autochtones, « ils ne sont pas vos ennemis », clame le père Samir, « ils sont vos frères ! ». Cette arrivée est à ses yeux une occasion de mettre en œuvre notre foi : « Sommes-nous de vrais chrétiens, prêts à partager notre foi, la source de notre joie ? » Il ne s’agit pas de faire de la propagande, mais par exemple d’aider une famille musulmane à envoyer son enfant dans une école chrétienne.
Les fêtes chrétiennes, aussi, pourraient être une occasion de rencontres et d’échanges, de même que les familles musulmanes n’hésitent pas à inviter leurs amis de toutes religions pour fêter le ramadan. « N’ayez pas peur des musulmans ! » résume le père Samir : « Ils sont comme nous, à ceci près qu’ils n’ont pas eu la chance de connaître le Christ, la Vierge Marie et les Évangiles. Ils y ont droit, nous ne pouvons pas les garder pour nous. Mais de toute évidence, si je veux partager l’Évangile avec quelqu’un, je dois être le premier à le connaître et à en vivre ! »
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