Parviendra-t-on enfin à un monde exempt de lèpre ?

Article paru sur le site du journal Le Figaro le 25/01/2019 par Francis Chaise et Sylvie Faucompret

Les professeurs Sylvie Faucompret et Francis Chaise reviennent sur la mobilisation nécessaire face à une maladie qui, en 2018, a comptabilisé 210.000 nouveaux cas.

Alors que les associations caritatives et les fondations évoluent actuellement dans un contexte de générosité particulièrement difficile, plus que jamais les équipes de l’Ordre de Malte France s’engagent dans la lutte contre la lèpre.

Depuis plus de cinquante ans, l’Ordre de Malte France développe des partenariats avec les autorités sanitaires des pays touchés et participe activement aux programmes nationaux de lutte contre la lèpre (PNLL). Les 25, 26 et 27 janvier 2019, plus de 10.000 quêteurs se mobilisent pour que les malades de la lèpre puissent être identifiés à un stade précoce de leur maladie, soignés, opérés si nécessaire et réinsérés socialement avec le moins de séquelles possibles. Cette lutte implique de poursuivre aussi les actions de formation des personnels soignants et la recherche pour stopper la transmission de la maladie. Autant d’actions rendues possibles grâce aux dons.

Aujourd’hui encore, la lèpre touche une personne toutes les deux minutes dans le monde! Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), plus de 210.000 nouveaux cas ont été répertoriés cette année, sans compter les dizaines de milliers d’infirmes. Ces chiffres sont à pondérer car il reste encore des zones étendues, et sans doute endémiques, à explorer. Souvent considérée comme honteuse, la lèpre touche les populations isolées et éloignées des systèmes de santé. Elle s’attaque d’abord à la peau puis aux nerfs et finit, si elle n’est pas traitée à temps, par provoquer des paralysies irréversibles et des mutilations des membres ainsi que des atteintes oculaires pouvant conduire à la cécité. La transmission se fait par les voies respiratoires ou par des contacts cutanés prolongés et répétés. La période d’incubation peut aller jusqu’à vingt ans, ce qui explique aussi les diagnostics tardifs. La peur de la stigmatisation demeure un obstacle à la consultation spontanée et au traitement précoce car, même devenus non contagieux, les lépreux sont alors exclus de la société. Un dépistage précoce est donc indispensable pour stopper la transmission et traiter les malades au plus tôt.

Une seule dose d’antibiotique

L’année 2018 marque une nette avancée dans la recherche: les protocoles d’études cliniques sur le traitement préventif de la lèpre ont montré qu’une seule dose d’antibiotique (rifampicine), associée à la vaccination par le BCG (contre la tuberculose) permet de réduire de 47 % le nombre de nouveaux cas détectés à trois ans dans l’entourage d’un patient atteint! Ce traitement préventif ouvre ainsi de nouvelles perspectives pour stopper la transmission de la maladie. Appliquant les directives de l’OMS, les équipes de l’Ordre de Malte France vont mettre en œuvre cette démarche de traitement des sujets contacts dans l’ensemble des pays où cette maladie est traquée.

Pour trouver la lèpre là où elle se cache, les experts de l’Ordre de Malte France étendent leur périmètre d’action géographique, en partenariat avec les acteurs locaux, à d’autres pays touchés comme la Mauritanie, le Mozambique, Haïti… Pour mener des missions de dépistage, de traitement et d’accompagnement et ainsi agir toujours au plus près des populations reculées, oubliées et persécutées. L’information des patients et la formation des personnels de santé restent des éléments clés pour lutter contre la lèpre dans la durée et pour aboutir à une autonomisation efficace. Les équipes de l’Ordre de Malte France leur apprennent à détecter la maladie et à consulter dès les premiers signes pour éviter l’apparition de séquelles irréversibles. Transmettre les bonnes pratiques d’hygiène reste également essentiel pour éviter les terribles complications mutilantes de la maladie.

Réadaptation fonctionnelle

Dans un cas sur trois, les nerfs du patient sont atteints sous forme de paralysies plus ou moins graves. Même une fois guéri d’un point de vue infectieux, il garde les séquelles de la maladie. C’est pourquoi, en vue d’une réinsertion sociale et professionnelle, le traitement médical doit être accompagné d’une prise en charge globale: réhabilitation physique et réadaptation fonctionnelle auxquelles s’ajoute un accompagnement psychologique pour qu’il retrouve une certaine autonomie. Enfin, le développement d’activités génératrices de revenus (AGR) dont la culture halieutique, les jardins hospitaliers ou encore la culture des champignons destinés aux cosmétiques permet aux patients et à leurs familles de subvenir à leurs besoins.

En continuant à lutter sur tous les fronts en synergie avec les États et à dédier des moyens humains de qualité grâce aux fonds collectés, il n’est plus utopique de rêver à l’éradication de cette maladie millénaire répandue parmi les plus pauvres. Chaque don compte et contribuera à vaincre la maladie!


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