Paris-Genève, l’axe de la paix
Article paru sur le site du journal Le Temps le 16/05/2019 par Richard Werly
Le sommet des «Leaders pour la paix» convié par l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin s’est tenu cette semaine à Paris. Prochaine étape envisagée en 2020: une session plénière sur les bords du Léman, là où d’autres initiatives françaises s’efforcent de recruter des bonnes volontés.
Et si l’axe Paris-Genève redevenait cette autoroute pour la paix qu’il fut dans le passé, lorsque la décolonisation accoucha, sur les bords du Léman, des négociations sur l’Indochine (avec l’accord de juillet 1954) et sur l’Algérie (avec les accords d’Evian du 18 mars 1962)? La question, à entendre Jean-Pierre Raffarin, n’est pas si saugrenue que cela. L’ancien premier ministre de Jacques Chirac (2002-2005) réunissait, ces lundi et mardi, la session plénière annuelle de son organisation «Leaders pour la paix». Un aréopage d’anciens chefs de gouvernement, ministres, diplomates de haut niveau et activistes parmi lesquels figure, pour la Suisse, la fondatrice de l’Appel de Genève, Elisabeth Decrey Warner. Pas d’annonce majeure, lors de ce forum, mais la confirmation d’une volonté de défendre le dialogue dans ce monde devenu si instable: «Oui, notre monde est dangereux. Nous vivons sur une poudrière où les écoles de guerre prolifèrent alors que les écoles de paix se comptent sur les doigts des deux mains», a résumé Jean-Pierre Raffarin.
Que viennent faire dans tout ça Genève et son cénacle d’organisations impliquées dans les processus de réconciliation, de désarmement ou de reconstruction humanitaire, sous le pavillon des Nations unies ou sous la bannière de la société civile? A trois heures de TGV, la Cité de Calvin peut offrir à Paris ce qui lui manque aujourd’hui: ce savoir-faire diplomatique global en matière de promotion de la paix. Un exemple de cette complémentarité est le Paris Peace Forum, dont la première édition s’est tenue du 11 au 13 novembre 2018 (pour le centenaire de l’armistice de la Première Guerre mondiale) sous la grande halle de La Villette.
Complicité objective
Objectif de cette manifestation: partir du terrain, drainer les expériences, redonner du tonus à la fameuse «Track II Diplomacy», ces négociations parallèles qui permettent parfois de dénouer les obstacles insurmontables pour les Ministères des affaires étrangères. Or, cette année, le Paris Peace Forum jouera son acte II avec, dans ses soutes, deux «Genevois» d’adoption: l’ancien patron de l’OMC Pascal Lamy (président) et le diplomate Marc Reverdin, dont les racines familiales plongent dans le Léman. Un lien que souhaite aussi renforcer son directeur général, le diplomate essayiste Justin Vaïsse.
Jean-Pierre Raffarin croit, lui aussi, dans les vertus genevoises. En mars, l’ancien chef du gouvernement français – devenu l’un des piliers de l’aile droite de la majorité présidentielle dans l’actuelle campagne pour les élections européennes – s’est rendu au Palais des Nations pour y rencontrer les agences de l’ONU. Ce lundi 13 mai, Leaders pour la paix a décerné son Smart Peace Prize à l’association Graines de paix basée à Genève. Laquelle propose des solutions éducatives «pour la paix sociétale», notamment en Côte d’Ivoire. Et pourquoi pas, en 2020, imaginer une session sur les rives du lac? «Il y a une complicité objective entre Paris et Genève, qui remonte à la création de la Croix-Rouge internationale par Henry Dunant avec l’aide de Napoléon III (en 1863, l’empereur, éduqué au château d’Arenberg, en Suisse allemande, apporta son soutien au projet) soulignait lundi au Sénat, en marge du dîner officiel du sommet, un ancien ministre français. Apprenons à retisser les fils de notre histoire commune.»
Allô Genève?
Cette volonté se double d’une conviction assez largement partagée dans les couloirs du Quai d’Orsay, l’antre de la diplomatie française: Genève est redevenue «honorable» après l’abandon du secret bancaire, et maintenant que la question de la libre circulation des personnes est posée dans tout l’espace Schengen. Les valises pleines de cash et les bisbilles au sujet des frontaliers ne sont plus d’actualité. Le moment est donc propice pour réévaluer ce qui s’y passe et impliquer davantage la France aux côtés des bailleurs de fonds traditionnels des activités de médiation que sont les pays scandinaves.
Fait symbolique: tout un chapitre du rapport sur la gouvernance mondiale présenté aux Leaders pour la paix par l’ambassadeur français Pierre Vimont (qui dirigea le service d’action extérieure de l’UE) porte sur les acteurs non étatiques et leur rôle dans la consolidation des processus de paix. Intermédiaires, médiateurs privés, acteurs publics (parlementaires, élus régionaux), groupes armés… Ces termes scandent les conclusions de Pierre Vimont sur la nécessité, sur cette planète en pleines convulsions, de privilégier «les arrangements pacifiques sur le terrain». Allô Genève? Paris tente de vous joindre…
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