La papauté, une institution mondialisée ?

Le nouveau pontife, François, est le premier pape de l’histoire à venir de ce monde des métropoles du Sud autour desquelles sont en train de se réinventer de nouvelles manières de vivre le catholicisme. Quelles conséquences la montée des croyants issus des pays du Sud et la naissance d’une Église véritablement mondialisée ont-elles sur la papauté ?

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Le 25 septembre 2015, lorsqu’il s’adresse à l’Assemblée Générale de l’O.N.U., en train de célébrer ses soixante-dix ans, le pape François choisit d’utiliser la langue espagnole [1]. S’adresser à l’assemblée de l’O.N.U. est presque devenu chose commune pour un pape depuis le premier grand discours du pape Paul VI, le 4 octobre 1965. Un discours dont le pape François commémorait justement les cinquante ans. Le grand discours de Paul VI, tenu alors que le concile de Vatican II était encore en plein développement, annonçait la volonté pontificale de contribuer à la mise en place d’une communauté internationale, en faisant de l’institution pontificale un médiateur international, et consacrait le nouveau cours diplomatique de la papauté [2]. Ce retour sur le premier plan de la scène diplomatique était surtout le résultat d’un long travail, alors que vers 1900, à l’âge de l’industrialisation et du scientisme, les religions institutionnelles, et en particulier la papauté (« prisonnière » dans Rome et refusant de connaître la République italienne), pouvaient sembler vouées à une perte d’influence radicale. Et pourtant, le XXe siècle aura bien vu, au-delà de la création formelle de l’État du Vatican par les accords de Latran en 1929, un redéploiement mondial de l’Église catholique, donnant à l’institution pontificale une influence qu’elle n’a en fait jamais eue au cours de l’histoire sur une telle échelle. Aujourd’hui, la personne du pape est une des figures mondiales les plus facilement identifiables aux quatre coins de la planète. Reste un point à relever : Paul VI avait tenu en 1965 son grand discours devant l’O.N.U. en français, ce qui renvoyait à l’importance d’une culture française dont ce pape lettré était lui-même était imprégné, là où le pape François a utilisé pour la première fois en 2015 une langue du Sud, l’espagnol de son Argentine natale.

Cet usage d’un espagnol faisant le pont entre l’Europe et le Sud, mais dont le centre de gravité se trouve à présent en Amérique latine, pourrait à lui seul symboliser la mondialisation à venir du XXIe siècle, certes initiée par l’Europe et l’Amérique du nord, mais à présent également portée par des puissances extra-occidentales ou des pays du Sud, même si les grandes langues d’usage resteront pour une bonne part l’anglais, l’espagnol ou le français. C’est aussi ce qui s’est joué d’un pape à l’autre, en 2013. Dans un contexte particulièrement pesant où les commentateurs s’interrogeaient ouvertement sur une fin du catholicisme, l’élection d’un pape venu « de l’autre bout du monde », pour reprendre les premières paroles du pontife, a aussi symbolisé le redéploiement mondial d’une Église catholique de plus en plus extra-européenne. Au-delà même du pontificat de François, la question est bien celle des évolutions de long terme d’une institution désormais globalisée, mais aussi de plus en plus contestée et fragilisée dans son cœur traditionnel, l’Europe. Certes, la papauté se définit par le message spirituel qu’elle porte, et elle est d’abord une Église, articulée autour du culte rendu à travers un réseau de paroisses qui couvrent le monde entier, de l’Argentine à la Chine, de l’Afrique du Sud à l’Europe. Soutenir ses églises, encourager le développement de ses communautés à travers le monde reste l’objectif fondamental. En même temps, la particularité de l’institution pontificale est aussi d’avoir toujours voulu créer un gouvernement central, conçu comme un remède unificateur face à la diversité des Églises locales, et à travers ce gouvernement de chercher à guider les sociétés autour de principes fondamentaux. D’où également cette volonté permanente de construire un État souverain, le Saint-Siège, qui fait de l’Église catholique un cas unique dans le monde.

Il est bien entendu possible de faire une étude sur les « valeurs » de la papauté et les moyens employés pour les mettre en place. Mais au-delà, s’interroger sur la papauté au XXIe siècle signifie se demander comment peut évoluer la « cité » catholique, unissant des croyants du monde entier autour d’un rite, d’un héritage historique représentés par le gouvernement pontifical. En effet, le siècle à venir, en même temps qu’il imposera un redéploiement extra-occidental des équilibres mondiaux, ne peut que changer pour la papauté une assise territoriale qui n’est pas seulement un héritage de longue date, mais qui a été le cœur même de son existence jusqu’à présent. Et c’est dans cette perspective, proprement géopolitique, qu’il devient vraiment possible de saisir le défi fondamental que représente pour la papauté ce redéploiement à l’échelle mondiale.

Quelles conséquences la montée des croyants issus des pays du Sud et la naissance d’une Église véritablement mondialisée ont-elles sur la papauté ?

En effet la papauté et l’appareil d’État romain portent en eux une longue histoire : l’Église romaine s’est liée tout au cours de son histoire avec un centre, l’Europe, qui lui a imprimé ses modes de pensée et à partir duquel elle a essaimé. Mais aujourd’hui, la transformation démographique de l’Église catholique, de la montée du Sud aux mouvements migratoires, est en train de changer l’assise du monde catholique. Cela permet à la papauté de se poser comme un acteur central du système international, en jouant la carte d’une présence au cœur des nouvelles métropoles mondiales, unissant le Sud au Nord. Un pari sur un monde post-étatique, conjugué avec une perte d’influence en Europe ou en Amérique du Nord, qui ne va pas sans difficultés.

La papauté, une histoire européenne

De fait, si le christianisme est né et s’est d’abord diffusé aux temps de l’empire romain autour du monde méditerranéen, l’Église romaine, tout en héritant de cette histoire sa prétention universelle (sens même du mot catholique), reste d’abord une construction dont la véritable origine est médiévale, et qui a suivi au cours de l’histoire les rythmes de développement du reste de l’Europe. La papauté commence véritablement à se penser comme un gouvernement à la mesure de l’Occident avec la réforme dite « grégorienne » du XIe siècle, faisant du pape une autorité supérieure, à certains égards impériale, unissant le monde conflictuel des rois et seigneurs. Elle développe de premières ébauches d’institutions centralisées aux XIIIe-XIVe siècles, en parallèle avec le développement des villes médiévales et la naissance des États. Elle peut pour la première fois se déployer sur une échelle véritablement mondiale à l’âge de la conquête de l’Amérique. Tout en se définissant comme universelle, la papauté est même tellement d’Europe occidentale que son particularisme géographique est à l’origine des grandes ruptures qui ont marqué l’histoire du christianisme. La séparation en 1054 entre catholiques et orthodoxes trouve sa source dans un mouvement occidental de réforme ecclésiastique qu’on ne pouvait comprendre dans une Constantinople encore dominée par le modèle d’Église impériale, tandis que la théologie latine médiévale a fini par s’éloigner fortement des conceptions orthodoxes. Le protestantisme, issu de la même matrice occidentale que le catholicisme, est né du refus des pays du nord de l’Europe de voir leurs ressources économiques accaparées pour faire naître une cour princière italienne à Rome, dont les pratiques constituaient un scandale moral aux yeux d’un Luther ou d’un Calvin. En d’autres termes, la principale limite rencontrée jusqu’à présent par l’Église catholique au cours de son histoire a été justement la limite géographique, tandis que les rythmes d’expansion du christianisme romain ont en fait été ceux de l’occidentalisation du monde. Sa présence en Amérique est le résultat des conquêtes hispaniques et portugaises, sa présence en Afrique celui des colonisations du XIXe siècle : colonisation française en Afrique occidentale et, en partie, autour du golfe de Guinée, colonisation belge au Congo, colonisation portugaise au Mozambique et en Angola.

L’appareil de la Curie romaine, incontestablement un des grands marqueurs de l’identité vaticane, s’est construit en interaction avec les monarchies occidentales, qu’il a souvent inspirées. Plus profondément, l’institution pontificale s’est surtout construite sur toute une philosophie du droit naturel, formulée dans les universités européennes du XIIIe siècle dont il faut se souvenir qu’elles étaient des institutions ecclésiastiques. Philosophie qui concevait la société comme un tout ordonné et hiérarchisé, et qui devait autant à Aristote qu’à la Bible. La hiérarchie des savoirs (science, droit, philosophie morale et politique, théologie), combinant recherche intellectuelle et révélation avait pour clé de voûte l’Église et débouchait sur l’autorité du magistère romain, cour suprême ayant pour tâche d’appliquer les normes universellement valables du droit naturel dont elle se voulait la dépositaire, même pour les populations non-chrétiennes. Or cette conception est toujours restée le socle des pratiques et des modes de pensée romains, adaptée bien entendu au fur et à mesure de l’évolution historique. C’est aussi ce qui explique une relation structurellement difficile avec les États, qui ne date pas de notre époque, mais qui existe depuis les premières luttes médiévales contre le pouvoir des empereurs ou des rois de France. Dans la théorie, l’État est porteur de légitimité ; il n’en a pas moins vocation à s’intégrer à un ordre plus large, construit autour de ces valeurs que la papauté veut promouvoir. A plus forte raison encore la papauté ne peut-elle pleinement accepter que les lois d’un État ne soient que le résultat d’un contrat social, sans référence à un principe naturel supérieur. Et en même temps, cette vision de l’histoire fait aussi l’impasse sur une réalité plus complexe, caractérisée par l’existence d’États d’Ancien Régime catholiques (monarchies française, hispanique, empire des Habsbourg), organisés autour d’Églises dans les faits largement nationales, des États qui tout en se proclamant « très catholiques » n’hésitaient pas à l’occasion à entrer en conflit ouvert avec les pontifes romains.

C’est aussi la raison pour laquelle dans les faits la papauté a toujours recherché un appui étatique, capable de soutenir sa diplomatie et sa présence sur le terrain, même une fois que la Révolution française eut mis fin au rôle dominant joué par l’institution ecclésiale dans les sociétés européennes. Alors qu’à certains égards, la rupture entre l’Église et les États sécularisés a aussi considérablement renforcé la centralisation pontificale, désormais débarrassée de la tutelle des monarques. La papauté du XIXe siècle put ainsi se replier sur le dogme de l’infaillibilité pontificale, énoncé au cours du premier concile du Vatican en 1870, au moment même où les États du Pape, intégrés à l’Italie unifiée, étaient en train de disparaître. Cela n’empêcha pas les pontifes romains de pratiquer à la fin du siècle une alliance de fait avec le dernier empire catholique, l’Autriche-Hongrie. Ce fut aussi l’âge d’or d’une philosophie néo-thomiste par laquelle le pape Léon XIII, en pleine sécularisation du continent européen, espérait pouvoir combattre le « relativisme ». Doublée sur le terrain par une alliance avec les bourgeoisies européennes conservatrices, par peur des révolutions, la seconde moitié du XIXe siècle a ainsi vu se réaliser progressivement la réorganisation de l’Église catholique autour d’une lecture simplifiée de sa propre histoire, forcément complexe, faisant d’une Église sous autorité pontificale le rempart millénaire d’un ordre naturel réinterprété par le XIXe siècle, face aux révolutions et désordres issus de la modernité sécularisée des États. Léon XIII fut également le pape qui veilla à l’élaboration d’une véritable doctrine sociale de l’Église qui était en fait une critique du libéralisme économique pour développer une idéal de collaboration entre individus, de bonne volonté et de reconnaissance d’un ordre juste, dans le respect de la personne humaine. Or ces principes servent encore aujourd’hui en bonne partie de socle au message « humaniste » de la papauté, adapté à l’esprit du temps, même si leur réapparition dans les documents contemporains donne parfois l’impression aux observateurs d’une nouveauté. On les retrouve par exemple dans l’encyclique Caritas in veritate(2009) du pape Benoît XVI, qui se voulait une réponse directe aux problèmes spécifiques posés par la mondialisation. On les trouve aussi dans l’appel écologique du pape François, Laudato si’ (2015), condamnant une exploitation économique destructrice de la nature, don de Dieu.

Il est vrai que le concile de Vatican II (1962-1965) et le positionnement ultérieur de la papauté furent souvent interprétés comme permettant de tirer un trait définitif sur ce long héritage historique de rapports entre Église et État, idée résumée par le slogan repris par bien des commentateurs sur la fin d’une ère « constantinienne » de l’Église. La papauté voulait devenir un pôle d’influence, de soft power, pour reprendre une terminologie développée plus tard, qui ne s’appuie plus sur un pouvoir de contrainte social et étatique, mais qui puisse se rendre indispensable à l’ordre du monde grâce à ses valeurs et son savoir-faire diplomatique [3]. Le concile de Vatican II affirma encore de manière spectaculaire une ouverture à la diversité du monde par le décret Ad gentes, qui mettait l’accent sur l’activité missionnaire et le développement des Églises locales, afin de montrer l’engagement de l’Église dans le monde post-colonial. Cette ouverture allait de pair avec une transformation des pratiques qui avait bien quelque chose de l’esprit des années 1960 (affirmation du rôle des laïcs, abolition de la liturgie traditionnelle), et qui cherchait justement à ouvrir le catholicisme au-delà de l’alliance de plus en plus étriquée nouée avec les conservatismes du XIXe siècle. Pourtant, malgré tant de promesses d’avenir, à quelque cinquante ans de distance, parler de la crise de l’Église catholique est devenu aujourd’hui un véritable lieu commun ; mais c’est à vrai dire un lieu commun depuis déjà les années 1970, lorsqu’une transformation sociétale à laquelle les milieux catholiques, dans l’esprit de Vatican II, participèrent eux aussi, eut pour première conséquence un effondrement du nombre d’ordinations et une large remise en cause de l’Église contemporaine de l’immédiat après-concile.

C’est qu’en fait une large partie de ce mouvement a sans doute sous-estimé le poids de l’héritage historique et géographique. Pour commencer, si le XXe siècle peut être lu comme le siècle de la disparition définitive pour la papauté du modèle d’Ancien Régime, il peut aussi être lu comme un formidable retour en force de l’institution pontificale grâce à la diplomatie. Après une période incertaine de négociations avec les régimes autoritaires italien ou centre-européens dans l’entre-deux-guerres, l’alliance avec les États-Unis, cimentée par la peur du communisme, a marqué un tournant essentiel, permettant au monde catholique de jouer un rôle essentiel dans l’Europe d’après 1945. Cette alliance était doublée par un lien fort avec l’Allemagne fédérale et le cadre communautaire européen, et reposait aussi sur l’existence de communautés catholiques encore importantes dans nombre de pays européens, exprimée notamment par le poids des partis chrétiens-démocrates. Quant aux États-Unis, initialement construits sur une culture puritaine très hostile au catholicisme, ils représentaient une surprise de l’histoire, alors qu’Italiens, Irlandais et Polonais commençaient leur montée dans la société américaine. Cependant, le concile de Vatican II, largement porté par les épiscopats ouest-européen (français, allemand, belge et néerlandais) ouvrit justement la porte à une remise en cause du modèle conservateur de la démocratie chrétienne. Le développement de la société de consommation a également mis à mal la place de l’Église catholique dans les sociétés occidentales. Plus encore, l’accélération d’une intégration du monde portée par les nouvelles révolutions technologiques issues des années 1970 a profondément mis à mal les équilibres sociaux et bouleversé la géographie mondiale. De sorte que les incertitudes de l’Église postconciliaire, dépassée par l’accélération économique et les mutations sociales, reflètent à certains égards celle des États européens eux-mêmes, également remis en cause par les ouvertures dont ils se sont fait les promoteurs, et les incertitudes d’un monde dérégulé.

Quel centre de gravité ?

En 2012, alors que la crise de la dette battait son plein en Europe, le directeur de l’Institut des Œuvre Religieuses (IOR), Ettore Gotti Tedeschi, rédigeait une note confidentielle pour le secrétaire du pape Benoît XVI, Georg Ganswein [4]. Cette note, qui expliquait que la crise économique mondiale n’en était qu’à ses prémices, faisait le constant suivant : la crise aurait pour origine le déséquilibre économique d’un monde aujourd’hui divisé en deux zones, à savoir d’une part les pays occidentaux (États-Unis et Europe), devenus des zones de consommation, et de l’autre les pays d’Asie, producteurs.

« Ce conflit, non géré, est en train de provoquer une crise structurelle dans l’économie du monde occidental, anciennement riche. Mais ce monde occidental est aussi celui dont les racines sont chrétiennes (Europe et États-Unis), qui est évangélisé, et qui, grâce à ses ressources économiques, a soutenu l’Église jusqu’à présent. Concrètement, du fait du processus de délocalisation, la richesse est en train de passer de l’Occident chrétien à l’Orient qui reste à christianiser (…) ».

Cette analyse ne repose pas que sur une simple prospective économique. Elle s’inscrit également dans une critique plus large des sociétés occidentales, souvent développée par les milieux conservateurs, dénonçant les effets de la dénatalité et d’attitudes consuméristes à courte vue. Elle n’en est pas moins intéressante à relever parce qu’elle montre que la réflexion sur le rééquilibrage géographique que doit affronter l’Église catholique est bien une préoccupation des milieux romains, et pas simplement une projection d’analystes extérieurs. Il est ainsi clair que l’Église catholique se trouve engagée dans une transformation de grande portée, qui se manifeste par un paradoxe géographique : la rupture entre d’une part la présence des lieux de force institutionnelle de l’Église, ses centres de commandement, dans un Nord où le catholicisme semble devenir minoritaire et à contrecourant, et d’autre part les forces vives du catholicisme, qui se trouvent de plus en plus en Amérique latine, en Afrique et en Asie.

La croissance démographique du catholicisme est en effet clairement du côté de l’Afrique et de l’Asie : bien peu de monde serait capable de deviner que le troisième pays catholique au monde en termes de population sont les Philippines, derrière le Brésil et le Mexique, mais devant les États-Unis. De plus, si l’Europe ou l’Amérique du Nord disposent d’un encadrement ecclésial beaucoup plus dense, il est clair que c’est au Sud aujourd’hui que l’on fonde de nouvelles églises. Pour prendre les derniers chiffres, le nombre de prêtres a augmenté entre 2005 et 2014 de 32,6% en Afrique et de 27,1% en Asie [5]. Il n’en reste pas moins que pour l’instant, selon les chiffres du Vatican, le continent africain ne représente que 17% des baptisés (contre 13,8% en 2005), et l’Asie, 11% (sans oublier que seuls 3% des plus de 4 milliards d’individus dénombrés sur le continent asiatique sont catholiques). En revanche, dans une Europe où la pratique régulière est devenue très rare, l’assistance au culte dominical peut donner l’impression d’un catholicisme tout à fait minoritaire. Les ordinations ont encore baissé de 8% entre 2005 et 2014 (après une baisse de 20% entre 1980 et 2005). Mais si l’on prend le nombre global des baptisés, celui-ci reste néanmoins à peu près constant autour de 280 millions, ce qui fait que presque un catholique sur quatre dans le monde reste européen. Cela n’empêche cependant pas que dans un certain nombre de pays, comme la France, le nombre de mariages religieux ou de baptêmes diminue rapidement [6], signe que la tendance à la baisse pourrait continuer. Tout aussi significatif, des pays qui sont par ailleurs souvent perçus comme les plus catholiques d’Europe (Italie, Espagne, Pologne, Hongrie) sont ceux qui ont les taux de fécondité les plus bas, malgré les discours de la papauté en la matière, ce qui montre que derrière la question des chiffres, se pose en fait la question de l’apparition de nouvelles manières d’être catholiques, alors que l’Europe a achevé de sortir d’une société structurée autour de l’Église.

Aux États-Unis, dans une société où la référence religieuse reste prégnante, l’assistance au culte dominical est encore relativement importante (24%, contre 55% en 1965), et le nombre d’ordinations stagne sans diminuer (même si le nombre de baptisés et plus encore de mariages religieux a commencé à diminuer entre 2005 et 2015) [7]. C’est donc l’Amérique latine, avec 425 millions de catholiques, qui est en train de devenir le continent majoritaire au sein du catholicisme, avec 40% de la population catholique mondiale. Cependant, même si bien entendu cet espace est très majoritairement catholique, et que l’augmentation globale de sa population en fait un espace dynamique, l’Amérique latine ne peut être qualifiée en bloc de catholique, alors que la sécularisation des sociétés et l’indifférence religieuse progressent de manière plus ou moins importante selon les pays, tandis que les Églises évangélistes connaissent un engouement certain [8]. Il est donc possible de dire au total que si la part des catholiques dans le monde est finalement restée stable depuis un siècle (aux alentours de 18% en 1900 comme aujourd’hui, et à peu près un chrétien sur deux), cette stabilité cache en fait une immense mutation  : quand en 1900 l’Europe représentait 65% des catholiques, elle n’en représente plus en 2016 que 25%, mutation qui est appelée à s’accélérer encore davantage au cours des prochaines années. Mais il y a un deuxième constat. La sécularisation des sociétés et l’affaiblissement des communautés catholiques fait désormais partout du catholicisme une religion minoritaire (ou tendanciellement minoritaire en Amérique latine), que ce soit dans le cœur européen historiquement construit autour du catholicisme, ou bien en Afrique et en Asie où le catholicisme, certes dynamique, reste un phénomène plus récent.

En même temps que l’Église catholique devient de plus en plus extra-européenne, l’appareil romain devient mondialisé – même s’il faut éviter de trop se dépêcher à relativiser le poids de l’Europe. Si l’on prend le collège cardinalice, l’évolution est spectaculaire. Très majoritairement italien et presque entièrement européen il y a un siècle (le premier cardinal sud-américain, un Brésilien, fut nommé en 1905), les États-Unis (qui eurent leur premier cardinal en 1875) y sont devenus en 2016 la deuxième nation la plus représentée (10 cardinaux électeurs et 18 cardinaux en tout), après l’Italie (26 cardinaux électeurs). L’Amérique du Sud et Centrale (Mexique compris), avec 23 cardinaux électeurs (sur 35), l’Afrique (15 cardinaux électeurs sur 22) l’Asie (15 cardinaux électeurs sur 23) ont vu leurs représentants augmenter. Le pape François a délibérément accentué cette tendance au cours de ses nominations, renforçant le poids de l’Amérique latine, et en procédant à ces nominations inédites (par exemple, en 2015, la nomination de cardinaux issus du Cap Vert, de Tonga et du Myanmar ou, en 2016, de cardinaux originaires de Centrafrique ou du Bangladesh). C’est désormais l’ensemble de la planète qui est représentée, même si l’Europe reste très dominante (55 cardinaux électeurs, dont presque la moitié d’Italiens, soit plus qu’Amérique latine, Afrique et Asie réunies) [9]. Ces équilibres se retrouvent d’ailleurs dans la direction des congrégations, véritable gouvernement de l’Église, certes mondialisée, mais en même temps toujours globalement dominée par des Européens et, en particulier, par des Italiens (à commencer par le cardinal Secrétaire d’État). En outre, l’internationalisation de l’appareil d’État romain fonctionne dans les deux sens : l’intégration de toutes les Églises locales qui convergent vers Rome et ses palais pontificaux sert également à diffuser et appliquer sur le terrain les instructions vaticanes comme jamais auparavant, et portent en retour la romanisation de l’Église d’un bout à l’autre du monde [10].

C’est en particulier sur le plan organisationnel que se voit le poids encore dominant de l’Europe et de l’Amérique du Nord au sein du monde catholique. En effet, les grandes Églises du Nord disposent à travers l’argent collecté d’une masse financière considérable aussi bien pour développer leurs initiatives et leurs structures que pour en faire bénéficier la papauté. Deux Églises en particulier disposent d’un véritable pouvoir économique : celle des États-Unis d’Amérique et, en Europe, celle d’Allemagne, qui bénéficie à la fois d’un statut favorable lié au Concordat, et de la grande prospérité des régions catholiques allemandes. Le poids financier des grandes puissances économiques du Nord est d’autant plus important si l’on tient compte d’associations juridiquement indépendantes mais qui sont au cœur des politiques de soutien financier de l’Église comme les Chevaliers de Christophe Colomb. Les grandes universités catholiques, laboratoires des idées et de la théologie, restent au Nord, depuis Rome jusqu’aux États-Unis (à commencer par bien sûr par l’Université jésuite de Georgetown), en passant par l’Université de Pampelune-Navarre et l’influent réseau de l’Opus Dei. A rebours, la faiblesse des Églises du Sud, en particulier africaines, correspond à la faiblesse des États du continent et leur dépendance vis-à-vis des réseaux du Nord. De la même manière, les tentatives d’une théologie propre au pays du Sud ont pour l’instant spectaculairement échoués, comme l’ont montré les impasses d’une « théologie de la libération » sud-américaine des années 1960-1970 combattue par les autorités romaines et les mouvements conservateurs, une lutte qui a notamment entraîné la mise sous tutelle aux temps de Jean-Paul II de l’ordre jésuite.

Un autre flux rétablit cependant la part du Sud et contribue à faire effectivement de l’Église catholique un ensemble de plus en plus intégré, à la mesure d’un monde globalisé : il s’agit des flux migratoires. Ses effets sont particulièrement spectaculaires aux États-Unis, où le flux venu d’Amérique centrale est en train de faire de l’Église catholique la première dénomination religieuse du pays, même si la hiérarchie est encore essentiellement composée d’Américains d’origine irlandaise ou italienne [11]. Là aussi, cette évolution est plus complexe qu’elle n’en a l’air. Pour commencer, il ne faut pas sous-estimer la dimension laïque de la culture mexicaine [12], même si l’immigration actuelle vient surtout des régions les plus rurales, dont la transition démographique n’est pas achevée, qui font vivre un catholicisme vivant, original, imprégné de culture indienne. Cependant, la société des Etats-Unis ne peut manquer d’imprimer ses traits sur cette immigration : paradoxalement, la vivacité du sentiment religieux de la communauté hispanique est aussi un effet de l’importance du fait religieux dans la société des Etats-Unis. La question se pose aussi, sous une autre forme, en Europe. La France garde un lien fort avec des pays d’Afrique francophone, alors que les paroisses ont de plus en plus recours à des prêtres venus de l’étranger [13] et que les fidèles eux-mêmes, notamment en région Île-de-France, reflètent le brassage de populations caractéristiques des grandes métropoles contemporaines. Un phénomène de même ordre touche aussi avec un temps de retard des pays comme l’Italie ou l’Espagne, avec parfois des modalités spécifiques (immigration latino-américaine en Espagne, présence conséquente à Rome et dans sa région de Roumains qui créent un rapport particulier entre Église catholique et monde orthodoxe). Et cette dynamique ne peut que créer de nouvelles interactions dans les années à venir, au caractère sans doute largement imprévisible, entre des communautés catholiques d’origine très laïcisées dans leurs pratiques, et des communautés d’origine étrangère, qui ont en revanche souvent des pratiques nettement plus traditionnelles et démonstratives [14].

Cela se traduit immédiatement par les prises de positions très libérales en matière d’immigration depuis déjà les années de Jean-Paul II, positions reprises avec beaucoup de constance par le pape François [15]. A vrai dire, il s’agit même d’un des grands points d’accords entre catholiques progressistes, ouverts à l’apport des pays du Sud et qui animent souvent les mouvements d’aides aux migrants, et catholiques plus conservateurs, qui voient dans l’arrivée de ces migrants une solution à la crise démographique des pays du Nord, et un remède à la stagnation démographique et sociale de l’Europe. On comprend aussi à travers ce thème comment la papauté s’inscrit dans le fond dans un espace post-national, envisageant le monde à venir comme un monde de migrations et d’échanges économiques, dans lequel les associations, les acteurs de terrain joueront un rôle croissant relayé par une papauté à la projection mondiale, vision relayée par les Églises locales, qui participent à leur manière, notamment en Europe, à façonner un espace libéral dont les dynamiques risquent pourtant de se retourner contre l’Église elle-même. C’est ainsi que la catégorie Nord-Sud, si elle existe, est en train de se brouiller, tandis que ce qui apparaît est de plus en plus une Église unie par la centralisation romaine et organisée autour des grandes métropoles de l’archipel urbain mondialisé, avec ses flux migratoires et économiques. Car, au-delà de ces constats provisoires, la croissance du catholicisme sur de nouveaux continents ne peut que créer des dynamiques aujourd’hui encore imprévisibles. Tout en devenant tendanciellement minoritaire partout, le catholicisme est plus que jamais un phénomène mondial, reposant sur des masses humaines de centaine de millions de personnes, originaires de toutes les cultures, et qui, au lieu de vivre de manière cloisonnée, sont amenées à se brasser toujours davantage à l’ère de la mondialisation. Plus encore que la simple question de la croissance démographique, l’alphabétisation de masse, le développement économique, ne peuvent manquer de faire émerger de nouveaux modèles, qui ne correspondront peut-être pas forcément à une sécularisation complète à l’européenne, comme peuvent le suggérer ou bien la modernité nord-américaine, ou bien même l’évolution de certains pays musulmans, comme la Turquie, où une occidentalisation sur le modèle européen, laïque, imposée avant le décollage éducatif et économique du pays, a dû à terme composer avec l’émergence d’une classe moyenne partiellement définie par l’identité religieuse. Il n’est donc pas dit, malgré les limites actuelles, que les continents africain, sud-américain ou asiatique ne fassent pas naître de nouveaux mouvements, dont les influences se feront sentir à Rome et dans les métropoles du Nord.

Quelles politiques pour le XXIe siècle ?

Ce mouvement se conjugue avec la floraison depuis le concile de Vatican II d’ordres nouveaux, impliquant les laïcs, mouvements qui ont été particulièrement encouragés à l’époque de Jean-Paul II. Ces mouvements, qui incarnent toute la gamme des positions au sein de l’Église, des plus progressistes aux plus conservateurs (Sant’Egidio, Mouvement des Focolari, Communion et Libération, Opus Dei, pour ne citer que les plus connus), sont les premiers à être engagés dans la reconquête du terrain au sein des grandes métropoles du Nord comme du Sud. La communauté Sant’Egidio [16], « un enfant de 1968 et de Vatican II » [17], est particulièrement représentative : fondée par un groupe d’étudiants, elle fait aujourd’hui figure de modèle pour ces nouveaux modes d’action associant engagement des laïcs et expérimentations liturgiques. Cette communauté, présente dans de nombreux pays, s’est surtout gagné une grande réputation par sa contribution aux accords de paix au Mozambique en 1992. Son siège romain a aussi servi de lieu de médiation pour le conflit algérien en 1995. De la sorte, la communauté Sant’Egidio peut faire figure de modèle de multi-track diplomacy, adapté à la multiplication des zones de crises et des conflits intra-étatiques, et unir mobilisation des croyants et affirmation sociale, le tout combiné avec une véritable volonté de se mettre au service de la centralité romaine. Elle reste très présente dans la politique européenne et italienne [18], aujourd’hui plus que jamais engagée dans l’accueil et le soutien aux migrants. D’une manière générale, la papauté n’a cessé d’encourager le rôle accru des O.N.G. catholiques, qui peuvent aussi se présenter comme une autre manière d’unir le Nord au Sud, en particulier associées aux Nations-Unies. Certes, ce sont toujours les Églises des pays du Nord qui sont au centre de ce réseau caritatif, même s’il est aussi possible de considérer que ces O.N.G. sont en fait de larges réseaux mondialisés, à l’image d’un géant comme Caritas, fondée en Allemagne, mais qui chapeaute aujourd’hui quelque deux cents agences nationales (y compris le Secours catholique en France), et qui était dirigée en 2016 par l’archevêque de Manille, Luis Antonio Tagle, un cardinal qui a étudié aux États-Unis et est familier de la Curie romaine [19]. Mais de la sorte, on relèvera aussi qu’alors que le processus de divorce entre États et Église catholique semble achevé, la papauté peut tenter de reprendre l’initiative en se plaçant au centre de l’émergence d’une société civile globale à l’ère de l’affaiblissement des États.

La clé de voûte de ce déploiement mondial reste cependant la figure des pontifes, devenus plus que jamais un point de ralliement à l’ère des médias de masse, aussi bien à Rome, lors de la récitation de l’Angelus le dimanche ou des audiences du mercredi, qu’au cours des grandes visites internationales, avec leurs messes géantes faisant communier des centaines de milliers de participants autour d’écrans télévisés. L’ensemble est doublé par l’organisation de grands mouvements à l’image des Journées Mondiales de la Jeunesse (JMJ), crées en 1985 par Jean-Paul II, permettant de brasser des croyants du monde entier. C’est ainsi que la capacité pontificale d’être présente sur tous les continents, de disposer d’un appareil d’État centralisé, combinée à l’ouverture préconisée par Vatican II, a mis la papauté en position de capter le renouveau de la thématique religieuse depuis la fin des années 1970. Face aux autres mouvements religieux, fragmentés, mais parfois forts d’une réelle dynamique, la papauté a pu tenter de jouer à plein le rôle d’intermédiaire, politique consacrée par les rencontres d’Assise, elles aussi lancées par Jean-Paul II en 1986, dans le sillage de l’année internationale de la paix proclamée par les Nations-Unies. L’héritage franciscain, placé sous la figure d’un saint François prêchant le christianisme devant le sultan al-Kamil en 1219, a pu de la sorte servir à réunir pour une prière collective des autorités religieuses du monde entier, une initiative que le pape François a bien entendu fait sienne et relancée. Parallèlement, l’Église catholique essaye de construire un rapport privilégié à l’islam, marqué par la volonté de désamorcer les conflits. Là aussi, on voit bien la logique de cette politique de longue durée : dans un monde marqué à la fois par le dynamisme des fois religieuses (mais en dehors de l’Europe) et par une résurgence des conflits qui y sont liés, la papauté peut, grâce à son organisation institutionnelle, au prestige de la figure pontificale et surtout son ancrage auprès des grandes institutions internationales, tenter de s’imposer comme intermédiaire central, faisant la jonction.

Et pourtant, toutes les évolutions depuis les années 1990 ont été dans le sens d’une crise de ce modèle. Certes, en 1990, la papauté de Jean-Paul II pouvait donner l’impression d’être triomphante après avoir joué un rôle important dans la chute du communisme, solidement appuyée sur une alliance occidentale, le tout dans une période de retour du religieux. Cependant c’est aussi au cours des années 1990-2000 que la pratique a brutalement chutée dans les pays occidentaux, avec l’arrivée à l’âge adulte de la première génération post-1968, et que le divorce entre les mutations sociétales et les prises de position de l’Église s’est accentué, phénomène devenu flagrant sous Benoît XVI. Jean-Paul II déjà, de plus en plus arc-bouté au cours de ses dernières années sur la vision d’une Église citadelle assiégée, non sans accents apocalyptiques, puis Benoît XVI, désireux de remédier à des abus flagrants que son prédécesseur s’était refusé de réprimer [20], se sont appuyés sur une ligne conservatrice, qui faisait le constat que ce sont justement les Églises qui se sont le plus modernisées qui ont le plus perdu leurs fidèles, à l’image des Anglicans ou des protestants du nord de l’Europe. De plus, sur les questions de mœurs ou d’organisation ecclésiales, ce sont les pays du Sud (en particulier d’Afrique) qui sont les plus conservateurs, de sorte qu’une modernisation sociétale de l’Église, souvent vue en Europe comme la solution pour réconcilier l’Église et son temps, serait en fait une occidentalisation supplémentaire, susceptible de rompre les équilibres entre continents et de s’inscrire en faux face à la partie la plus dynamique de l’Église – tout en voulant faire la course pour rattraper une modernité émancipée du monde catholique, au risque de toujours sembler en retard sur un modèle de plus en plus exogène.

Le climat ayant entouré la démission de Benoît XVI en 2013 et les commentaires sur la crise de la papauté illustraient donc bien une réalité. Prenant acte de la rupture entre le courant majoritaire des sociétés occidentales et l’Église, Benoît XVI a explicité l’idée de maintenir en Europe le catholicisme dans le rôle de « minorité créatrice » incontournable, le tout accompagné d’un retour à la tradition. Toutefois, l’échec du projet de traité établissant une Constitution pour l’Europe en 2005, qui avait écarté durant sa rédaction la proposition d’une référence aux racines chrétiennes du continent avant de sombrer, avait été un premier signe. Et d’une manière générale, la panne du projet européen dans lequel les catholiques du vieux-continent avaient tant investi est aussi un échec de la politique pontificale envers l’Europe. L’alliance avec les États-Unis, une fois le ciment de la lutte anti-communiste dissous, n’a cessé de se détendre, alors que les débats sociétaux ont entamé la position de l’Église, et ce quand bien même la présence de personnalités catholiques n’a paradoxalement jamais été aussi forte dans la société américaine et son système politique, en particulier du côté démocrate [21]. La montée des scandales pédophiles, accompagnée de procédures judiciaires et de dédommagements financiers colossaux, sont aussi le signe de ces rapports de plus en plus difficiles. En rupture avec la sécularisation des sociétés occidentales, sans réussir à entraîner les pays du Sud où l’échec des États et les difficultés sociales minent aussi le monde catholique, la situation de 2013 illustre les risques d’une position conservatrice qui s’inscrit dans une « opposition prophétique », attendant que les désordres à venir viennent la conforter dans ses choix. Dans une telle perspective, les crises à venir du système mondial, et plus particulièrement des pays occidentaux, à l’heure de la dérégulation globale et du triomphe de l’individualisme consumériste ne pourraient à terme que donner raison à l’Église, laquelle doit, en attendant, se replier sur des minorités compactes et réorganisées, capables de jouer un rôle d’influence parmi les élites [22].

Et pourtant, la nomination du pape François, tout en montrant la capacité des institutions catholiques à trouver une figure adaptée aux circonstances, a été un renouvellement certain, en rupture avec ces logiques mettant l’Église catholique en position de Cassandre. L’optimisme assuré, une nouvelle forme de charisme avec une mise en scène médiatique de la simplicité ont contribué à rendre l’image du pontife populaire, et à la réconcilier en partie avec les opinions occidentales. Tout en critiquant à de multiples reprises le catholicisme « de salon », le pape François a également posé les jalons pour une ouverture sur certains points sensibles comme la communion des divorcés et la conception de la famille. Points qui ont d’ailleurs fait émerger de manière visible les oppositions, comme par exemple, au sein des synodes sur la famille, l’opposition entre un camp « progressiste » mené par l’épiscopat allemand, et l’épiscopat conservateur, souvent venu d’Afrique [23]. Il a également entrepris une réforme de la Curie romaine, promue autour d’un Conseil des Cardinaux qui reflète l’évolution géographique de l’Église (deux Italiens, l’archevêque de Munich, l’archevêque franciscain de Boston, un Australien, deux représentants d’Amérique latine, l’archevêque de Bombay, l’archevêque de Kinshasa). Si bien entendu les résistances ne manquent pas, tout comme les critiques venues du camp progressiste sur la lenteur d’un processus trop graduel, on voit clairement se dessiner une ligne : celle d’une évolution de l’appareil catholique, très progressive, et adaptée à l’évolution d’une Église mondiale qui doit tenir compte de la diversité géographique dans ses rangs. L’arrivée sur le trône pontifical du pape François, ancien archevêque de Buenos Aires, est en effet le symbole d’une évolution encore plus profonde : ce n’est finalement pas tant le pape d’un pays du Sud qui a été élu, que celui d’une mégalopole connue pour ses quartiers de déshérités, que le nouveau pape a largement fréquentés, sans oublier l’expérience directe de la crise argentine de 2001. En d’autres termes, le nouveau pontife est en fait le premier pape de l’histoire à venir de ce monde des métropoles autour desquelles sont en train de se réinventer de nouvelles manières de vivre le catholicisme. De fait, l’accentuation par le nouveau pape des critiques au système libéral de ses prédécesseurs, notamment dans l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium de 2013, a été l’objet d’une querelle vive avec certains pans du monde américain, catholiques compris.

Il n’en reste pas moins que malgré une image plus positive, la ligne politique de la papauté est en train d’être brisée par la crise profonde qui secoue le monde depuis le Moyen-Orient jusqu’au continent européen. La crise des réfugiés et des migrants de 2015 a mis à jour une fracture au sein du monde européen : des États est-européens dont les gouvernements se réclament d’une identité catholique (Hongrie, Pologne) ont voulu mettre en place une politique de fermeture à l’opposé des discours pontificaux d’ouverture, alors que le pape François, par son soutien à l’accueil des réfugiés et des migrants, s’est montré proche des positions du gouvernement allemand ou des autorités européennes. Cependant, malgré le lien avec l’Allemagne, la papauté ne peut compter sur une Europe dont le modèle est en pleine crise, tandis que les liens avec la France n’ont jamais été aussi faibles, malgré des convergences ponctuelles, comme par exemple sur les questions écologiques. Plus largement, l’exacerbation des tensions et la montée des désordres dans l’Union européenne, entre attentats et montée des mouvements de contestation populistes, mettent à mal le rôle d’intermédiaire que la papauté a si patiemment construit depuis des décennies, tandis que les positions pontificales, voyant dans l’Europe un continent vieilli et égoïste [24], appelé à être revivifié par l’immigration, tout en convergeant paradoxalement avec celles des milieux les plus libéraux, peuvent finir par créer un véritable décalage au sein même du monde catholique, voire plus globalement au sein d’une Europe occidentale très sécularisée, mais qui est aussi en train de s’interroger sur la place dans sa culture de l’héritage chrétien. L’alliance avec les États-Unis, pilier de la politique pontificale depuis un demi-siècle, continue de se transformer : le pontificat de François aura vu une opposition sur des dossiers aussi importants que la Syrie ou l’Ukraine où la position très modérée du pape François marque une rupture avec la politique est-européenne des temps de Jean-Paul II. Ce qui n’a pas empêché également des réussites spectaculaires, comme la médiation entre Cuba et les États-Unis. Néanmoins, même si ce dernier exemple montre tout le bénéfice que peut retirer la papauté de sa position privilégiée dans les rapports avec les pays du Sud, il n’en reste pas moins que les États sud-américains ou africains, outre le fait que l’influence de l’Église catholique ne doit pas y être surestimée, n’ont pour l’instant qu’une influence limitée à l’échelle mondiale. Les difficultés rencontrées par ces sociétés, largement dépendantes de ce monde des O.N.G du Nord auquel participe tant l’Église catholique, finissent aussi par être une limite à l’influence de la papauté elle-même. Au total, malgré la volonté de se placer au niveau d’une société internationale post-étatique, la réalité est que l’affaiblissement des communautés catholiques dans les deux puissances qui servaient le plus d’appui à la papauté depuis 1945, les États-Unis et l’Allemagne – les deux pays qui de manière significative ont donné le plus d’écho aux scandales pédophiles ces dernières années – laisse la papauté dans une situation difficile.

La recherche par la papauté d’un soutien diplomatique fort, susceptible de l’épauler avec plus de constance, aura ainsi abouti sous le pontificat de François à un grand paradoxe, préparé par la diplomatie de Benoît XVI : le rapprochement avec la Russie, naguère pourtant ennemi séculaire, et avec laquelle les relations restaient encore très mauvaises à l’époque de Jean-Paul II. Ce véritable renversement d’alliance s’est construit d’abord autour d’un rapprochement des Églises, avec comme objectif la défense de valeurs communes notamment dans le cadre européen, lequel a abouti à la rencontre de la Havane entre le pape François et le patriarche de Moscou Cyrille le 12 février 2016. Au-delà simplement de la question de valeurs communes, ce rapprochement s’inscrit aussi de manière plus large dans un regain d’intérêt catholique pour un héritage orthodoxe resté vivant au-delà de l’ère soviétique. Surtout, le rapprochement est aussi de plus en plus fragrant avec l’État russe, comme l’a montré par exemple la position du pape François en 2013 sur le dossier syrien [25]. Ce rapprochement montre l’aspect complexe de la géopolitique pontificale : alors que celle-ci s’inscrit en principe de manière très volontaire dans un cadre globalisé, post-étatique, elle finit pourtant par se rapprocher parfois d’une puissance qui incarne à bien des aspects un contre-modèle à cette évolution. Reste un dernier élément, souvent moins observé, alors qu’il s’agit sans doute d’une des inconnues les plus déterminantes pour l’avenir : le rapprochement avec les autorités chinoises, alors que le christianisme, pour extrêmement minoritaire qu’il soit en Chine, n’en commence pas moins à se développer au fur et à mesure que la Chine s’intègre dans la mondialisation [26]. Or là aussi, le réalisme pontifical, porté à l’accommodement avec l’État chinois tout en suscitant de vives critiques au sein du catholicisme chinois [27], montre une nouvelle fois la nécessité, malgré tout, de rechercher l’entente avec les États, pour peu que ceux-ci soient encore capables de peser. En définitive, l’Église catholique continue d’avoir besoin des États.

Ainsi, même si l’Église catholique dispose d’un ancrage territorial et que des forces de renouveau sont à l’œuvre, les difficultés actuelles de la ligne pontificale montrent aussi les difficultés d’une ligne géopolitique post-étatique. L’Église catholique, depuis son sommet pontifical jusqu’à sa base, s’est largement adaptée à un monde de réseaux, dont elle adopte parfois le discours, faisant l’apologie d’un monde dont l’organisation deviendrait plus horizontale, plus démocratique, voire plus généreuse, en tout cas plus souple qu’avec la domination verticale des États. Toutefois, à l’heure où les États sont souvent devenus laïques, et parfois très jaloux des empiétements catholiques sur la vie politique nationale, cette adaptation a aussi opportunément permis à l’institution pontificale de profiter du renouveau religieux des années 1980 pour se repositionner au centre du système mondial. Elle a également permis à la papauté de s’adapter à sa nouvelle géographie, qui glisse toujours plus vers le Sud. Mais le propre du développement accéléré des échanges et des technologies à notre époque reste de remettre en cause les modèles culturels traditionnels, de promouvoir principalement la culture de l’immédiat, de l’individualisme et de la consommation. Or ce modèle comporte par définition une remise en cause fondamentale d’une Église se définissant par l’épaisseur de son histoire, insistant sur la transcendance et qui, autour de la papauté, est peut-être bien l’institution la plus verticale qui puisse exister au monde. Cependant, les difficultés de la papauté ne sont pas une originalité : elles sont le reflet des difficultés liées à une mondialisation qui met tout autant à mal les États et remet profondément en cause les normes de fonctionnement de toutes les sociétés. On voit donc aussi, au-delà de l’utopie parfois répétée en écho par les discours pontificaux d’une planète unie autour des valeurs d’altruisme portées par les réseaux et les O.N.G., l’importance pour la papauté de construire à partir du brassage de terrain des réalités politiques, incarnées dans des institutions, représentées auprès des États. Cela souligne l’importance pour le Vatican de travailler de concert avec les États afin de faire émerger au XXIe siècle des sociétés diverses, même si, quel que soit le continent, l’Église catholique ne sera qu’un acteur parmi d’autres. De fait, la papauté a bien anticipé cette évolution, non seulement par sa politique associative, mais surtout par une sortie progressive de l’alliance américaine et ouest-européenne pour aller vers un système international où la papauté devra négocier et créer des convergences avec l’ensemble des puissances, des États-Unis à la Russie ou la Chine, sans plus pouvoir compter sur l’alliance avec un protecteur en particulier, et en espérant tirer une force nouvelle des interactions inattendues qui ne manqueront pas de naître au sein de communautés complexes présentes sur tous les continents.


Diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris, agrégé et docteur en histoire, ancien membre de l’École française de Rome. Spécialiste de l’histoire de la papauté et de ses relations avec l’Asie, il a notamment publié « Jusqu’aux limites du monde. La papauté et la mission franciscaine, de l’Asie de Marco Polo à l’Amérique de Christophe Colomb » (École française de Rome 2013) et une nouvelle biographie de Marco Polo (Éditions Ellipses, 2016).


Lire l’article sur le site Diploweb


[3] A l’image du grand moment que fut la médiation du pape Jean XXIII entre Américains et Soviétiques au moment de la crise des missiles de Cuba (1962)fusées, en plein concile de Vatican II. La constitution Gaudium et spes, document central du concile sur ce point, souligne la volonté de l’Église de travailler à la paix dans le monde – même si l’article 78 rappelle que « La paix n’est pas une pure absence de guerre et elle ne se borne pas seulement à assurer l’équilibre de forces adverses (…).Elle est le fruit d’un ordre inscrit dans la société humaine par son divin fondateur, et qui doit être réalisé par des hommes qui ne cessent d’aspirer à une justice plus parfaite ».

[4] G. Nuzzi, Sa Sainteté, Paris, 2012, p. 258-260 (avec une reproduction en fin d’ouvrage de l’original).

[5] Voir le résumé publié le 5 mars 2016 par le bureau de presse du Saint-Siège à partir des chiffres de l’Annuarium Statisticum Ecclesiae 2014 que vient de publier la Secrétairerie d’État (https://press.vatican.va/ content/salastampa/it/ bollettino/pubblico/2016/03/05/0170/00365.html). Voir aussi les statistiques publiées par l’agence Fides (www.fides.org).

[6] Selon les chiffres de la conférence des évêques, un peu moins de 300 000 baptêmes par an en 2012 contre un peu plus de 400 000 en 2000 (sur 800 000 naissances), et 70 000 mariages contre 122 500 (sur quelque 250 000 mariages).

[7] Pour les États-Unis, voir les statistiques du Center for Applied Research in the Apostolate de la Georgetown University (cara.georgetown.edu).

[8] Pour un état des lieux en 2014, voir l’étude Religion in Latin America du Pew Research Center (http://www.pewforum.org/2014/11/13/religion-in-latin-america/)

[9] Chiffres officiels donnés par le site du Vatican (http://press.vatican.va/content/salastampa/it/documentation/cardinali—statistiche/composizione-per-area.html), en tenant compte des nominations prévues pour le 19 novembre 2016.

[10] Un point souligné par M. Graziano, Il secolo cattolico. La strategia geopolitica della Chiesa, Rome, 2010.

[11] Selon l’étude The Global Catholic Population, du Pew Research Center de 2013 (www.pewforum.org/2013/02/13/the-global-catholic-population/), 52% des migrants aux États-Unis sont catholiques, tandis que 33% des Catholiques sont hispaniques et 30% sont nés hors du pays (contre 13% dans la population générale).

[12] Le Mexique est en effet aussi l’héritier d’une culture très anticléricale, incarnée notamment par la Constitution de 1917, qui aboutit aux soulèvements paysans des Cristeros et à une guerre civile de 1926 à 1929.

[13] En 2015, à peu près 1000 prêtres africains, plus une soixante de prêtres vietnamiens, une cinquantaine de prêtres indiens et une quarantaine de haïtiens. On notera encore quelque 166 prêtres polonais. En tout, selon les chiffres de la mission universelle de l’Église de France, 1700 prêtres viennent de l’étranger sur un total de moins de 10 000 prêtres actifs, et rajeunissent en outre considérablement la moyenne d’âge (http://www.mission-universelle. catholique.fr /echanger/pretres-etrangers-en-france/291034-pretres-venant-dailleurs-dans-les-dioceses-de-france/).

[14] Voir par exemple le cas parlant du Québec, terre longtemps définie par son catholicisme militant avant une chute très sensible depuis les années 1960, et qui laisse côte à côte un catholicisme de province, essentiellement identitaire et peu pratiquant, et une ville de Montréal où le catholicisme et devenu minoritaire, mais où il est animé par des communautés immigrées à la pratique beaucoup plus traditionnelle et militante (E.-M. Meunier et J.F. Nault, Vers une sortie de la religion culturelle ? Les transformations du catholicisme au Québec et au Canada (1968-2008) : un tour d’horizon, dans F. Mabille (dir.), La longue transition du catholicisme. Gouvernementalité et influence, Paris 2014, p. 27-64).

[15] Avant même que ce thème n’occupe véritablement le premier plan de l’actualité (tout au moins en dehors de l’Italie), le pape François a ainsi fait sa première visite en dehors de Rome le 8 juillet 2013 à l’île de Lampedusa, dénonçant une « globalisation de l’indifférence » (http://w2.vatican.va/content/francesco/it/homilies/2013/documents/papa-francesco_ 20130708_omelia-lampedusa.html).

[16] Sant’Egidio, cf. M. Balas, « Sociologie d’une diplomatie : décrire l’internationalisation de la communauté Sant’Egidio », Les ONG confessionnelles. Religions et action internationale, B. Duriez, F. Mabille et K. Rousselet (dir.), Paris, 2007.

[17] Sant’Egidio, cf. M. Balas, « Sociologie d’une diplomatie : décrire l’internationalisation de la communauté Sant’Egidio », Les ONG confessionnelles. Religions et action internationale, B. Duriez, F. Mabille et K. Rousselet (dir.), Paris, 2007, p. 185-199 (p. 190 pour la citation).

[18] Son fondateur Andrea Riccardi, prix Charlemagne en 2009, a notamment été de 2011 à 2013 ministre de la Coopération internationale du gouvernement de Mario Monti, pour lequel il s’est engagé lors des élections de 2013.

[19] Et le prédécesseur du cardinal Tagle à la tête de Caritas était un cardinal originaire du Honduras. Pour une étude de l’importance des ONG catholiques, S.H. Trigeaud, La Géopolitique de l’Église catholique, Annuaire français des Relations internationales, 2014, 15, p. 765-779, ou les études réunies dans Les ONG confessionnelles. Religions et action internationale, B. Duriez, F. Mabille et K. Rousselet (dir.), Paris, 2007.

[20] En effet, certains mouvements ont fini par poser par problème, à l’image des très rigoristes Légionnaires du Christ de Marcial Macel, d’origine mexicaine, que Jean-Paul II voyait comme un puissant instrument de reconquête, avant que Benoît XVI, qui avait déjà tenté d’agir auparavant en tant que Préfet pour la Congrégation de la foi, ne finisse par faire écarter la plus personnalité plus que douteuse de Marcial Macel.

[21] Voir l’étude de M. Graziano, Etats-Unis La catholicisation à l’époque du « shift of power », www.diploweb.com (24 octobre 2012).

[22] Politique décrite et analysée dans M. Graziano, Il secolo cattolico. La strategia geopolitica della Chiesa, Rome, 2010, p. 35-42 ou 77 (l’expression « opposition prophétique » est de Benoît XVI lui-même).

[23] Voir par exemple la lecture faire par H. Tincq, Synode sur la famille : la victoire à l’arrachée du pape, 26 octobre 2015 (http://www.slate.fr/story/108901/synode-famille-victoire-arrachee-pape).

[24] « Une Europe un peu fatiguée et pessimiste, qui se sent assiégée par les nouveautés provenant des autres continents (…) À l’Europe, nous pouvons demander : où est ta vigueur ? » (discours prononcé devant le Conseil de l’Europe le 25 novembre 2014). Et devant le Parlement européen, le même jour, le pape François déclarait « qu’un peu partout on a une impression générale de fatigue, de vieillissement, d’une Europe grand-mère et non plus féconde et vivante (…). À cela s’ajoutent des styles de vie un peu égoïstes, caractérisés par une opulence désormais insoutenable et souvent indifférente au monde environnant » – des termes parlants compte tenu du langage souvent convenu de ce genre de discours (http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2014/november/documents/papa-francesco_20141125_ strasburgo-parlamento-europeo.html et http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/ 2014/ november/ documents/ papa-francesco_20141125_strasburgo-consiglio-europa.html).

[25] Voir l’appel lors de l’Angelus du 1 septembre 2013 pour une journée de jeûne pour la paix, promu en conjonction avec les efforts russes pour stopper la campagne de bombardements annoncée sur Damas par la France, le Royaume-Uni et les États-Unis (avant la volte-face de la Chambre des communes anglaises puis de Barack Obama).

[26] Si les évaluations du nombre de chrétiens en Chine (50 millions ?) et, surtout, les projections pour l’avenir varient beaucoup, il s’agit d’une communauté en plein développement (d’une manière qui contraste fortement avec le reste du monde, à Shanghai, sur les 30% de croyants déclarés, toutes religions confondues, 62% avaient entre 16 et 39 ans, faisant de cette tranche d’âge une population plus croyante que celle de leurs parents-M. Masson, Christianisme et culture en Chine aujourd’hui, Histoire et Missions Chrétienne, 2011/2, n°18, p. 89-103). Cela peut s’expliquer par le fond de références chrétiennes propre à l’occidentalisation, ou par le renforcement des liens avec les pays occidentaux, à commencer par les États-Unis, à travers les échanges économiques ou universitaires. L’exemple de la Corée du Sud est là pour montrer comment le christianisme peut se développer dans le cadre d’une inscription occidentale (à présent 30% de la population, plus que le bouddhisme) A cela s’ajoute une autre inconnue, celle de l’installation croissante de Chinois de l’autre côté de la frontière, en Sibérie, dans une Russie de tradition orthodoxe.

[27] Voire par exemple les critiques émises par le cardinal Joseph Zen, archevêque émérite de Hong-Kong (http://www.lastampa.it/2016/06/30/vaticaninsider/ita/nel-mondo/la-secessione-del-cardinale-zen, ou la lettre publiée en réponse par le cardinal le 16 août 2016 – http://www.asianews.it/notizie-it/Card.-Zen:-Le-mie-perplessità-sul-dialogo-Cina-Santa-Sede-e-le-ricadute-sulla-Chiesa-cinese-38222.html).


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