L’intolérable mépris du droit à l’alimentation

Article paru sur le site du journal Le Temps le 22/03/2017 par Stéphane Bussard

Près de cinquante ans après la tristement célèbre crise du Biafra, la faim fait encore des ravages. Un changement radical des agricultures s’avère nécessaire. L’aide humanitaire ne suffit pas.

Près de la moitié de la population de Somalie a besoin d’une aide humanitaire pour combattre la faim. Des millions de Yéménites, sous-alimentés, sont les otages d’un conflit qui fait rage depuis deux ans. Au Soudan du Sud, un Etat que la communauté internationale s’est félicitée de porter sur les fonts baptismaux en 2011, le gouvernement de Juba préfère acheter des armes plutôt que de venir en aide aux 100 000 habitants du nord qui sont sur le point de mourir de faim.

Les raisons de ces drames qui se déroulent loin de chez nous sont bien sûr multiples: politiques, économiques, environnementales. Mais à l’heure où le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres et le CICR tirent la sonnette d’alarme, vingt millions de personnes pourraient mourir de faim si elles ne bénéficient pas d’une aide alimentaire urgente dans les trois mois à venir. Le constat est choquant. Or ces chiffres ne représentent que la pointe de l’iceberg, car les conditions qui ont provoqué la présente crise continueront d’affliger les populations qui en souffrent si rien ne change pour garantir un droit fondamental: le droit à l’alimentation. Que ce droit soit bafoué de la sorte au XXIe siècle a quelque chose de profondément immoral, près de cinquante ans après la famine du Biafra.

En septembre 2015, les Nations unies ont adopté un nouvel agenda de développement durable qui vise, d’ici à 2030, à éliminer la faim, à assurer la sécurité alimentaire et à améliorer la nutrition. Les défis sont d’autant plus énormes que l’humanité aura deux milliards d’habitants de plus en 2050. Le problème de la faim concerne en priorité les pays en voie de développement, même si on a pu voir, au sein même de l’Union européenne, les effets dévastateurs de la crise grecque sur une frange de la population hellénique.

Le dessein onusien est louable, mais il nécessitera des efforts d’une ampleur considérable. Pour Claus Haugaard Sorensen, ex-directeur de l’action humanitaire de l’Union européenne, l’aide apportée aux pays confrontés à une grave insécurité alimentaire est nécessaire au vu de l’urgence, mais elle n’éradique pas les racines du problème. Il sera incontournable de promouvoir des agricultures plus résistantes aux aléas climatiques, de sécuriser l’approvisionnement en eau et d’améliorer le stockage. L’aide au développement devra aussi être réformée en profondeur.

Voir les conflits au Yémen ou au Soudan du Sud comme la principale cause de la famine qui fait rage aujourd’hui est réducteur. Les violences se font jour précisément dans des conditions économiques, sociales et environnementales difficiles. C’est pourquoi, n’en déplaise à Donald Trump qui menace de couper dans le soutien américain à l’aide humanitaire, la lutte globale contre le changement climatique doit rester une priorité absolue.


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