ENTRETIEN : Les besoins humanitaires n’ont jamais été aussi importants, selon le nouveau chef d’OCHA
Article publié sur le site des Nations Unies le 02/10/2017
Mark Lowcock est le nouveau chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (OCHA). Ce Britannique de 55 ans a remplacé début septembre son compatriote Stephen O’Brien au poste de Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence.
Dans un entretien accordé à ONU Info, le nouveau chef de l’humanitaire des Nations Unies souligne qu’avec 145 millions de personnes ayant besoin d’être aidées, « il n’y a jamais eu un aussi grand besoin d’aide humanitaire dans le monde qu’aujourd’hui », précisant que le système des Nations Unies essaie d’atteindre 100 millions de personnes.
Avant de prendre les rênes d’OCHA, M. Lowcock a passé l’essentiel de ses 30 ans de carrière professionnelle sur les questions humanitaires et de développement. « Mon premier travail a porté sur les efforts de secours concernant la famine en Ethiopie en 1984-1985 », se souvient-il. « J’ai toujours aimé faire ce travail. J’aime faire des choses qui font la différence », ajoute-t-il.
Pour le Secrétaire général adjoint, le système humanitaire mondial est un système efficace, mais il doit faire un peu plus de progrès et a besoin d’être un peu plus appuyé dans son travail. « Chaque année, nous atteignons des dizaines de millions de personnes et nous sauvons des millions de vies, mais nous n’avons pas toutes les ressources dont nous avons besoin et nous faisons face à de grands défis », dit-il.
Lac Tchad : « 10 millions de personnes encore à deux doigts de la famine »
Moins d’une semaine après sa prise de fonction, celui qui a passé 30 ans de sa carrière dans la gestion de crises humanitaires pour le Département du développement international du Royaume-Uni, a effectué sa première visite dans la région du bassin du lac Tchad. « J’y ai découvert que 10 millions de personnes dans cette région sont encore à deux doigts de la famine », explique-t-il. « Mais, la communauté internationale, les Nations Unies, les ONG, la Croix-Rouge se sont rassemblées derrière les gouvernements de la région et ont fourni une aide vitale à des millions de personnes ».
Lors de ce premier déplacement comme chef d’OCHA, M. Lowcock a pu rencontrer les personnes dont la vie a été affectée par la crise provoquée par les attaques de Boko Haram. « J’ai écouté leurs histoires, et je les ai rapportées aux dirigeants du monde lors de l’Assemblée générale », dit-il. « Et l’une des choses que je veux vraiment faire en tant que Coordonnateur des secours d’urgence, c’est d’être un défenseur de ces personnes, d’écouter leurs histoires et de les partager avec le monde entier».
Pendant le débat général de l’Assemblée générale à New York, la crise dans la région du bassin du lac Tchad a été au centre d’une réunion de haut niveau à laquelle a participé le chef d’OCHA.
« Les gouvernements de la région sont venus et ont raconté de manière très convaincante comment ils prennent l’initiative sur la gestion de la crise », se félicite M. Lowcock, qui a également salué la promesse de nouveaux financements par un certain nombre de donateurs. « De manière cruciale, nous avons pu raconter les histoires de personnes dont les vies ont été touchées. Nous avons montré des images et nous avons raconté leurs histoires. J’ai rapporté les paroles que les gens que j’ai rencontrés assis sous un arbre, ou sous un auvent, m’ont dit et je pense que c’est une chose importante à faire».
La réunion organisée sur le bassin du Lac Tchad, fut également selon M. Lowcock, l’occasion de parler des causes profondes de la crise qui frappe la région.
Bangladesh : 80% des réfugiés aidés, « mais nous devons faire mieux »
Alors que la situation au Myanmar fait la une des médias, le patron d’OCHA souligne que les origines tout comme les solutions de la crise se trouvent au Myanmar. « Mais une chose que nous devons faire, c’est de nous assurer que les 480.000 personnes qui ont fui au Bangladesh, ayant peur pour leur vie, sont bien prises en charge là-bas ».
Dès son premier week-end à la tête d’OCHA début septembre, le Secrétaire général adjoint a pu voir le flux de réfugiés grossir. M. Lowcock a pris la décision d’octroyer des financements du Fonds central d’intervention d’urgence (CERF) pour aider les agences humanitaires à amplifier leurs opérations de secours.
« Depuis, le problème est devenu encore plus difficile et même plus important, et nous œuvrons en ce moment à une réponse plus poussée », explique M. Lowcock. Il doit se rendre très bientôt au Bangladesh pour évaluer la situation et s’assurer que l’intensification de l’aide se déroule correctement. « Pour le moment, nous pensons atteindre, avec une certaine forme d’assistance, environ 80% des personnes qui sont entrées au Bangladesh. Mais nous devons faire mieux », dit-il.
A peine entré en fonction, le nouveau chef d’OCHA est déjà confronté au nerf de l’effort humanitaire : la recherche continue de financements supplémentaires auprès de donateurs, « car ce problème est nettement plus important que ce que nous pensions ». Une démarche, selon lui, qui doit être menée de concert avec le gouvernement du Bangladesh. « Le Bangladesh et son peuple ont montré une solidarité et une générosité exceptionnelles, et nous devons les aider à relever ce problème ».
Gestion des conflits, des crises alimentaires et des personnes réfugiés et déplacées
Au cours de son mandat à la tête d’OCHA, M. Lowcock espère pouvoir relever trois grands défis.
Le premier concerne la façon dont les belligérants se comportent dans les conflits. « Parce que le plus grand défi auquel nous sommes confrontés concerne les atrocités, les conflits et les énormes souffrances humaines qu’ils causent pour malheureusement des millions de personnes en ce moment », dit-il. « Si nous pouvions faire des progrès sur ce sujet, cela réduirait beaucoup de souffrances ».
Le deuxième défi consiste à élargir le nombre de pays qui gèrent mieux les crises alimentaires prolongées. « Les famines étaient répandues, très répandues dans le monde entier », dit-il. « Maintenant, il y a un petit nombre de pays qui, de temps en temps, risquent de tomber dans un état de famine. Ce que nous devons faire, c’est de réduire ce chiffre, essentiellement à zéro, dans la période à venir et c’est un objectif totalement réalisable ».
Le troisième défi réside dans la construction d’un meilleur modèle opératoire pour gérer les réfugiés et les personnes déplacées.
Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, « a fait un travail incroyable pour aider le monde à développer un meilleur système face à ce problème et j’aimerais contribuer à ce travail », souligne M. Lowcock.
« Je ne dis pas que nous, OCHA, allons fournir la solution à tous ces problèmes », dit-il. « Notre travail consiste à soutenir, faciliter, écouter, aider d’autres parties du système de réponse humanitaire internationale. Mais je suis une personne motivée par des solutions et des résultats, alors j’espère que ce que nous faisons à OCHA aidera tous les autres agences à progresser sur ces résultats ».
Lors de sa première Assemblée générale des Nations Unies, il noté la sensibilité des différents responsables internationaux face aux souffrances humanitaires ainsi que leurs désirs de faire quelque chose pour y remédier. « J’y ai trouvé beaucoup d’encouragement », estime le Secrétaire général adjoint.
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