Enfants en rétention : la France condamnée
Dénoncée par les associations intervenant dans les centres de rétention à l’instar de la Cimade ou de l’Ordre de Malte, la cour européenne des droits de l’homme a condamné hier la France pour l’enfermement des enfants en attente d’expulsion.
Âgées de deux ans et demi et quatre mois, les deux fillettes avaient passé huit jours au centre de rétention administrative (CRA) de Metz du 18 au 26 avril 2012, avec leur mère, veuve d’un membre des groupes armés de résistance en Tchétchénie.
Quatre ans plus tard, la cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a sanctionné hier la France pour sa politique d’enfermement des enfants étrangers en attente d’expulsion dans cinq dossiers portés devant la juridiction strasbourgeoise.
Cette pratique relève, selon la CEDH, d’un « traitement inhumain ou dégradant » et est jugée contraire à la Convention européenne des droits de l’homme. Dans ses cinq décisions dont celle de Metz, la Cour vise des cas où les enfants sont particulièrement jeunes : dans les familles qui ont porté leur dossier devant la CEDH, il y a celle d’un petit Roumain de quatre ans et celle de petits Tchétchènes de 7 et 15 mois.
La justice française aurait dû « rechercher si une mesure moins coercitive que la rétention de la famille aurait pu être prise », a jugé la CEDH. Dès 2012, la CEDH avait été appelée à se pencher sur la question de l’alternative à la rétention, après une saisine en urgence par l’avocat de la jeune mère tchétchène. Elle avait eu gain de cause et la juridiction européenne avait tordu le bras du préfet du Bas-Rhin, contraint d’assigner la famille à résidence.
« Cette décision est importante », estime Mathias Venet, responsable rétention pour l’Ordre de Malte, présent dans les CRA de Lille, Strasbourg et Metz. « Elle redit qu’un enfant n’a pas sa place dans un centre de rétention, quelle que soit la durée du séjour. »
Record d’enfants à Queuleu
La condamnation fait directement écho, selon lui, à d’autres exemples dénoncés par son association. Du 4 au 7 juillet 2016, une famille de Kosovars, dont deux garçons de 4 et 2 ans, ont été retenus à Metz. « Très angoissé, le plus jeune ne parvenait pas à dormir, il pleurait toute la nuit et s’endormait d’épuisement au petit matin, marqué physiquement par le développement d’éruptions cutanées. Son aîné ne cessait de réclamer le retour de la famille au domicile, le retour à l’école et la compagnie de ses camarades de classe », décrit Mathias Venet. « Ils sont soumis à la même pression que les adultes.
D’ailleurs, seul un grillage les a séparés d’un adulte en pleine crise. C’est intenable », ajoute le porte-parole de l’Ordre de Malte. Il demande au président de la République François Hollande de respecter sa promesse de campagne (« mettre fin à la rétention des enfants et des familles avec enfants »). Malgré une baisse observée en 2013 et 2014, le nombre de familles en rétention repart très fortement à la hausse (52 en 2014 dont 105 enfants, contre 19 et 24 en 2013 et 2014). La tendance se confirme en 2016, avec déjà 36 familles au 12 juillet. Metz détient le record national du nombre d’enfants en rétention (48 en 2015). « Les préfets du Doubs, de Moselle et de Meurthe-et-Moselle, pratiquent le placement de confort, c’est-à-dire, en prévision de l’expulsion et du vol retour. En cela, ils ne font qu’anticiper la réforme du 7 mars 2016, qui prévoit la légalisation de cette pratique à partir du 1er novembre. Nous espérons que la décision du jour de la CEDH va infléchir cette politique », commente Mathias Venet.
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