Liban, camp perpétuel pour réfugiés ?
Dans la perspective de la reprise des pourparlers de paix sur la Syrie, le Liban doit agir aux niveaux national et international pour parer aux graves conséquences que pourrait avoir le conflit syrien sur sa sécurité, son économie et sa société.
Alors que la «communauté internationale» affirme son attachement de principe à la stabilité du Liban, sa politique effective sur l’exode syrien massif pousse le Liban au bord du précipice. Il y a péril en la demeure, car déjà surpeuplé et en proie aux divisions internes, le Liban connaît une immigration d’une ampleur sans précédent, et peut-être irréversible. Son salut tient à sa détermination et à la volonté des parties prenantes au conflit et ayant intérêt à y mettre terme, d’agir pour:
- offrir asile aux réfugiés selon des quotas agréés par pays;
- et établir des zones sécurisées en Syrie. Dans ce cadre, le Liban devra réévaluer les politiques actuelles et les dispositions institutionnelles et logistiques attenant au séjour et à l’aide aux réfugiés.
Est-ce le destin du Liban d’être à jamais le camp de réfugiés du Moyen-Orient?
Portant un fardeau inéquitable et sans pareil, le Liban est le premier parmi les pays d’accueil pour réfugiés probablement en chiffres absolus, et incontestablement par rapport à sa superficie et population. La guerre civile de Syrie, devenue conflit mondial, a déraciné la moitié de sa population – sept millions à l’intérieur des frontières et cinq millions au-delà.
Les rentrées nourries de Syriens au Liban en ont fait un refuge pour un million deux cent mille réfugiés enregistrés, en plus des Syriens qui se trouvaient au Liban avant la guerre, et de soixante mille naissances syriennes jusque-là recensées – un total qui surpasse le tiers des quatre millions de citoyens libanais résidents. Ce flux pèse d’un lourd tribut sur l’économie nationale ainsi que sur le budget et la capacité, déjà déficiente, de l’État à assurer les services publics requis.
L’augmentation soudaine de 30% de la demande, sans croissance correspondante de l’offre, crée un «choc économique» qui entame la productivité de l’économie et le niveau de vie, en particulier au Liban, loin d’avoir encore éliminé les séquelles de sa propre guerre civile (1975-1990) et remis à niveau son infrastructure.
Complexe et dévastateur, le conflit syrien peut présager un long séjour, irréversible peut-être, des réfugiés au Liban.
«Tous les réfugiés n’ont pas été créés égaux.» Supposons que ces réfugiés aient fui suite à des inondations de l’Euphrate. Un relevé de l’état des lieux déterminerait de façon relativement fiable les paramètres, coûts et durée de la réhabilitation requise, et la communauté internationale travaillerait inlassablement pour assurer un retour rapide des déplacés.
Le cas des réfugiés au Liban est différent, car toute prévision quant à la durée et l’issue du conflit serait aléatoire. Ce qui est sûr par contre, c’est que l’envergure du ravage et de la déprédation que l’intensité des combats a infligés au pays fera qu’une longue période sera nécessaire pour restaurer tant soit peu l’infrastructure, le parc de logement, l’outil de production et les moyens d’existence une fois la paix rétablie. Le fait aussi que cette même communauté internationale soit partie prenante au conflit n’assure pas son adhésion bénévole aux efforts de reconstruction dans tout scénario de retour à la paix. Par ailleurs, le nettoyage ethnique pratiqué par les groupes divers pour asseoir leur emprise territoriale fera obstacle au retour de nombreux Syriens au foyer dont ils ont été chassés – l’histoire, dont celle du Liban hélas, ne manque pas de telles tragédies.
Tout cela ne fera que proroger, indéfiniment peut-être, la présence au Liban de nombreux Syriens. Les déclarations du Conseil de sécurité de l’Onu sur le retour «volontaire» des réfugiés une fois la paix rétablie sont, à cet égard, de mauvais augure.
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