Boulogne-Billancourt : menu de fête pour une maraude pas comme les autres
Article paru sur le site du journal Le Parisien le 09/04/2019 par Estelle Dautry
Les surplus du brunch « Y’a de la joie », organisé dimanche dans le quartier Silly-Galliéni avec 450 participants, ont été distribués lundi soir avec l’ordre de Malte à des SDF de la commune et de Sèvres. Reportage.
En janvier, les surplus du premier brunch avaient été donnés aux tablées de Sainte T, le repas solidaire organisé par la paroisse sainte Thérèse. Mais cette fois, la date ne collait pas. Alors Bérengère Farcot, l’organisatrice de l’événement « Y’a de la joie », qui a rassemblé 450 participants dans le quartier Gallieni dimanche à Boulogne, a demandé conseil à ses voisins : Jehan et Roselyne de La Croix, tous les deux bénévoles de l’ordre de Malte. Avec enthousiasme, ils ont organisé lundi soir une tournée spéciale du Samu social. Au menu : soupe froide courgettes-chèvres, cake praliné, salade de fruits et café.
Dans le camion de l’ordre de Malte, ils embarquent Bérengère Farcot et Émilie Laigle de la boulangerie Cerise. « Le carburant d’abord ! » s’inquiète Jehan. La maraude peut leur faire rouler 40 km en une soirée dans le département. Tandis qu’ils parcourent leurs premiers hectomètres, Roselyne observe avec attention des grilles qui se multiplient… « Ah les équipements anti-SDF, c’est terrible… »
Sous le pont de Billancourt, premier arrêt auprès de Marie-Luce, qui est à la rue depuis 13 ans. « Tournée spéciale annonce Roselyne. Il y a eu une petite fête organisée par Bérengère qui est ici et nous avons des bonnes choses aussi pour vous… » Marie-Luce demande à remplir son thermos de café. « Je suis toujours la dernière à dormir, Roselyne le sait, d’habitude, elle vient plus tard, confie-t-elle. C’est un monde violent la nuit… »
Cela fait 23 ans que Jehan et Roselyne sillonnent les Hauts-de-Seine pendant leurs soirées et leur week-end. Roselyne participe également à la maraude médicalisée qui tourne deux fois par semaine avec un médecin et une infirmière à bord. « Il y a moins de personnes à la rue qu’il y a vingt ans, essentiellement parce que des centres d’hébergement ont ouvert », constate Roselyne de La Croix.
« Bonsoir, c’est moi qui fais les gâteaux que vous donne parfois Roselyne »
Avec tact et fermeté, la bénévole s’adresse à tous, connaît les habitudes et les envies de chacun. « Rico, ce qu’il préfère, ce sont les éclairs au chocolat, mais il n’y en a pas souvent ». Elle propose une cigarette à celui qu’elle sait fumeur, tente de joindre le 115 pour un hébergement d’urgence, sans résultat. « Ils sont sûrement déjà complets. »
Sur ses talons, Emilie, se présente. « Bonsoir, c’est moi qui fais les gâteaux que vous donne parfois Roselyne ». C’est la première maraude pour la boulangère. « C’est concret, on voit pourquoi on fait ça », confie, touchée, la jeune femme.
Depuis qu’elle a ouvert la boulangerie-pâtisserie Cerise avec son mari en juillet 2010, elle donne chaque semaine ses invendus. « De temps en temps des SDF viennent voir le soir, s’il nous reste quelque chose, reprend-elle. La plupart des clients ne savent pas qu’on donne. On ne fait pas notre com’dessus, ça ne nous correspond pas. »
Roselyne et Jehan ne traînent pas. Il y a du monde à aller avoir. « On essaye de faire du lien social aussi, il faut être humble, être là, montrer qu’on ne les oublie pas. » Bérengère distribue trois salades de fruits. « Ah, ça, c’est pas souvent, je veux bien », sourit Mehdi. En trois heures, ils auront passé du temps avec une dizaine de personnes.
« Comment gérez-vous le temps ? Avez-vous besoin de bénévoles ? Est-ce que vous connaissez des SDF qui sont sortis de la rue ? » Dans le camion, Bérengère Farcot interroge le couple de bénévoles. « C’est sûr, il ne faut pas être avare de son temps ! » Néanmoins, Jehan insiste, les bénévoles sont plutôt des quadras. « Moi je n’étais pas engagé quand je travaillais, je me suis rattrapé à la retraite », sourit-il. Lui fêtera ses 81 ans, Roselyne ses 70 ans.
Émilie et Bérengère ont déjà des idées pour le prochain événement organisé dans le quartier avec « Y’a de la joie ». « On pourrait demander aux gens d’apporter les vêtements et les couvertures dont ils ne servent plus ? Et noter les demandes particulières en amont… »
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