Les solidarités face aux flux migratoires : quelles marges de manœuvre en France aujourd’hui ?
Article et étude publiés sur le site du groupe URD en janvier 2018
Au-delà de l’aide immédiate apportée aux migrants, la préoccupation humanitaire concerne l’adéquation des politiques publiques au respect des droits humains fondamentaux et des principes de l’aide. Aujourd’hui en France, les acteurs de l’aide sont sujets à une pression croissante, ce qui contraint notamment leurs valeurs et leurs modes opératoires, et interroge sur l’existence de marges de solidarité.
Alors que le projet de loi sur l’immigration et l’asile est en cours de discussion, quel cadre éthique et quel espace de travail peuvent être définis entre les autorités et les acteurs de la solidarité pour offrir une assistance et une protection de base aux personnes migrantes, actuellement présentes sur le territoire national ?
Si l’on appréhende l’approche des pouvoirs publics à l’aune de leurs conséquences humanitaires, on s’aperçoit qu’elle comporte bon nombre de répercussions qui nuisent à la dignité, à la sécurité et à la protection de populations migrantes déjà très vulnérables et compliquent leur accès à une assistance basique.
De plus, les acteurs de la réponse se trouvent confrontés à la problématique des marges de solidarité, à savoir : « comment apporter une aide digne, humaine et inconditionnelle conformément à une mission (humanitaire, sociale ou militante) dans le contexte de politiques restrictives ? ».
Or, au regard des vulnérabilités, des besoins à couvrir et des violations des droits fondamentaux, il serait légitime de reconnaître le « caractère humanitaire » de certaines situations en France aujourd’hui, alors même que ce terme est habituellement réservé à des contextes situés en dehors de l’Union européenne. En effet, quelle que soit la cohérence ou la fermeté assumée des politiques publiques, celles-ci ne devraient pas s’exercer au détriment du droit et des valeurs fondamentales de dignité humaine et de solidarité, partagées tant par les acteurs humanitaires, que les acteurs sociaux et citoyens.
En outre, parmi cette myriade d’acteurs impliqués dans la réponse aux besoins des migrants, les positionnements sont très contrastés et se clivent parfois, en particulier autour des positionnements et des relations entretenues avec les pouvoirs publics. Malgré les différences de mandat et d’approche opérationnelle, il serait souhaitable donc qu’à l’avenir de nouvelles relations de collaboration se développent entre associations et dynamiques citoyennes.
A plus long terme, ces difficultés peuvent aller à l’encontre de la cohésion sociale et des valeurs humanitaires défendues par les ONG européennes dans le monde entier.
Ce rapport du Groupe URD propose quelques pistes d’action pour améliorer l’aide aux migrants.
Objectifs de l’étude
Cette étude vise à fournir des éclairages sur la manière dont les divers acteurs de la solidarité en France peuvent aujourd’hui apporter une assistance et une protection de base aux migrants dans le respect de leurs mandats et des valeurs qui guident leur action, que celle-ci soit qualifiée d’humanitaire, de sociale ou de militante.
Afin de mieux délimiter l’espace humanitaire en réponse aux besoins de base des primo-arrivants sur le territoire français, l’étude s’efforce de traiter deux questions centrales :
- Quel est le périmètre et la nature de l’espace humanitaire dans le contexte des politiques nationales actuelles ?
- Quelles solutions et pratiques innovantes pour l’évolution des réponses de l’aide dans un environnement certes plus contraint, mais également source d’initiatives nouvelles ?
Pour ce faire, ce travail cherche à :
- Identifier les lignes de tension au regard des principes de l’aide humanitaire, en particulier ceux de dignité humaine, d’indépendance et d’impartialité (Code de conduite , CHS ).
- Analyser la recomposition du paysage et les dynamiques entre les divers acteurs impliqués dans la réponse aux besoins.
- Réfléchir aux espaces à investir pour un positionnement approprié de l’aide dans le but de suggérer des pistes d’action.
Méthodologie
La période d’investigation s’est concentrée sur la période allant de l’automne 2016 jusqu’à fin 2017. Néanmoins, des histoires plus anciennes – datant notamment de l’été 2015 – ont été collectées et incluses dans l’analyse lorsqu’elles ont marqué le contexte actuel et les stratégies d’intervention des acteurs.
Sur le plan géographique, l’étude couvre trois secteurs particulièrement sous tension, à savoir : les Hauts-de-France (Lille, Calais, Grande-Synthe) ; Paris et ses environs ; la région de la frontière franco-italienne (entre Cannes et la vallée de la Roja).
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