Philanthropie : des fondateurs plus jeunes, des fondations plus réactives
Article paru sur le site du journal Le Monde le 10/05/2019 par Joël Morio
Les résultats de la dernière enquête de l’Observatoire de la philanthropie de la Fondation de France, que « Le Monde » publie en exclusivité, révèlent les nouveaux visages de la philanthropie en France.
Les chiffres de l’enquête nationale Fonds et fondations de l’Observatoire de la philanthropie de la Fondation de France, que nous publions en exclusivité, l’attestent. C’est bien une nouvelle génération de philanthropes qui est en train d’émerger. De 2013 à 2017, l’âge moyen du fondateur est passé de 64 à 61 ans pour les fondations reconnues d’utilité publique, et de 59 à 57 ans pour les fondations abritées. Dans ces dernières, un tiers des fondateurs ont moins de 55 ans, et les deux tiers ont moins de 65 ans.
Le rajeunissement peut apparaître modeste, « mais trois ans lorsqu’on parle de moyenne c’est très significatif, cela montre l’ampleur du phénomène », souligne Laurence de Nervaux responsable de l’Observatoire de la philanthropie à la Fondation de France. La proportion des moins de 35 ans ayant créé une fondation a doublé entre 2013, date de la précédente enquête de l’Observatoire, et 2017. Celle des 35-55 ans est passée de 29 % à 36 %, et celle des 55-65 ans de 24 % à 31 %. « On voit arriver beaucoup de jeunes entrepreneurs qui ont vendu l’entreprise qu’ils ont créée et veulent apporter une partie des sommes qu’ils ont gagnées à l’intérêt général », constate Mme de Nervaux.
« Un rythme de dépense très dynamique »
En 2018, on dénombrait en France 2 537 fondations et 2 752 fonds de dotation. Preuve du dynamisme du secteur : plus d’un tiers des fondations actuellement en existence ont été créées depuis 2010, et près des deux tiers depuis 2000. Les fonds de dotation, bien plus récents, ont tous été lancés depuis 2009. Ces chiffres reflètent le solde entre les nouvelles créations et les fermetures. Si certaines fondations disparaissent régulièrement au terme de leur action ou après avoir utilisé le capital qui leur était alloué, la dissolution des fonds de dotation est très rare. Résultat : environ 40 % de ces fonds sont estimés vides ou inactifs.
Le vivier des fondations est en revanche très actif. Les fondations françaises dépensent en moyenne 38 % de leurs actifs par an, contre 33 % en 2013. « C’est un rythme de dépense très dynamique, ce qui est le cas aussi dans certains pays européens, mais nettement moins aux Etats-Unis où le législateur a dû mettre en place un seuil minimum de 5 % de dépenses annuelles pour les fondations », note Laurence de Nervaux. L’étude explique que ce phénomène tient au fait que les fondations de flux (celles dont les actifs ont vocation à être dépensés rapidement, au service de projets d’intérêt général) représentent 32 % de l’ensemble des fondations, et ce modèle concerne plus de la moitié des fondations créées depuis 2010.
Tendance européenne
Les fondations distributives, celles qui délivrent des subventions ou des bourses, représentaient 70 % de l’effectif en 2009, puis 74 % en 2013. Elles représentent aujourd’hui 81 % de l’ensemble des fondations, et même 90 % de celles créées depuis 2010. Très majoritaires parmi les fondations d’entreprises et les fondations abritées, ces structures représentent aujourd’hui un quart du total des dépenses des fondations, soit environ 2,5 milliards de dépenses annuelles.
2 487
C’est le nombre de fondations existant en France, selon l’enquête réalisée par l’Observatoire de la philanthropie dont nous présentons en exclusivité les principaux résultats. Ces fondations rassemblent 26,5 milliards d’euros d’actifs, soit une hausse de 21 % depuis 2013, date de la dernière enquête. Leurs dépenses annuelles représentent 38 % de leurs actifs contre 34 % en 2013. L’action sociale reste le premier domaine d’intervention des fondations (24 %) devant la santé et la culture (ex aequo à 17 %) puis l’enseignement supérieur (9 %).
A l’inverse, la part des fondations opératrices, qui peuvent par exemple gérer des structures médicalisées, ne représente plus qu’un peu moins de 20 % des fondations. D’une façon générale, les enfants et les jeunes arrivent nettement en tête des populations ciblées dans les actions. Les fondations distributives sont très impliquées en faveur des personnes en difficulté économique, tandis que les fondations opératrices sont davantage présentes pour les personnes handicapées et les personnes âgées (établissements spécialisés, Ehpad, etc.).
Cette évolution est caractéristique de la philanthropie contemporaine. Les fondations françaises sont pour cela en phase avec la tendance européenne : les philanthropes souhaitent engager une action d’intérêt général de leur vivant, pour répondre à des besoins contemporains sans immobiliser leurs capitaux à long terme.
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