Le Maroc installe la Fondation Mohammed VI des oulémas africains
Annoncée il y a un an, cette création est une nouvelle étape dans la stratégie du Maroc visant à aider les pays africains à contrer l’influence wahhabite.
Presque un an, jour pour jour, après sa création par un dahir (décret royal), le conseil supérieur de la Fondation Mohammed VI des oulémas africains a été installé le 14 juin à l’Université Al Qaraouiyin, à Fès au Maroc.
« Cette nouvelle institution a pour mission d’assurer une coordination entre 120 théologiens provenant de 31 pays du continent africain », indique l’hebdomadaire Jeune Afrique qui note la présence, parmi ces « sommités religieuses africaines », du « professeur sénégalais Ravane Mbaye, lauréat du prix Ibn Khaldoun-Léopold Senghor 2012, (de) l’historien malien Mahmoud Abdou Zouber, qui s’est illustré dans la sauvegarde des manuscrits de Tombouctou, (d’) Ismael Oceni Ossa, président du Conseil supérieur des affaires islamiques du Gabon, ou encore (de) Boubakeur Doukoure, guide spirituel du Burkina ».
Organiser l’enseignement
« Fait significatif, sur les 120 membres de la fondation, on compte 17 femmes : 2 du Tchad, 2 du Sénégal, 1 du Niger, 1 du Burkina, 2 du Ghana, 1 du Mali, 4 du Nigeria et 4 du Maroc », indique encore l’hebdomadaire.
Nouvelle étape dans l’expansion en Afrique de l’islam marocain, cette fondation a deux principaux objectifs, rappelés par le roi dans son discours inaugural : « l’encadrement scientifique, à travers la contribution des oulémas à la prédication basée sur la voie du juste milieu », et « organiser l’enseignement religieux (…) pour couper court à toute tentative d’embrigadement prêchant la haine ou servant des intérêts malveillants ».
Mohammed VI en est le président, et son ministre des habous et des affaires islamiques, Ahmed Toufik, le président délégué.
Influence salafiste
Alors que les pays majoritairement musulmans – y compris en Afrique – sont de plus en plus nombreux à s’inquiéter de l’influence grandissante des salafistes dans leurs mosquées et centres de formation, il s’agit par là, a reconnu le roi du Maroc, de « parer à la discorde (fitna) et promouvoir la sécurité et la stabilité en tant que nécessité primordiale émanant de la charia ».
« Des faits nouveaux sont survenus qui commencent à menacer ce patrimoine commun et à mettre en danger, par conséquent, les traditions religieuses consacrées en Afrique et la quiétude qui s’y rapporte », a indiqué de son côté le ministre marocain des habous.
Cette initiative traduit donc la recherche, par ces pays africains, d’une légitimité religieuse capable de contrer le discours wahhabite. Or, en vertu de la Constitution marocaine, le roi du Maroc bénéficie du titre prestigieux de « commandeur des croyants ».
« Vous appartenez à la noble lignée du Prophète vénéré et suprême Messager, envoyé par Dieu pour parachever les bonnes vertus », lui a déclaré Boubakar Doukoure, du Burkina Faso, dans son allocution.
« Soft power religieux »
Par ailleurs, et comme cela a été amplement souligné lors de la cérémonie d’installation, les liens sont anciens et nombreux entre le Maroc et les pays subsahariens, qu’ils soient religieux ou également politiques, commerciaux etc. Une Ligue des oulémas du Maroc et du Sénégal existait notamment depuis une trentaine d’années.
Après l’inauguration le 27 mars 2015 d’un institut de formation ouvert aux imams africains – l’Institut Mohammed VI de formation des imams, prédicateurs et des prédicatrices –, la Fondation marque une nouvelle étape dans cette stratégie du Maroc pour étendre sa sphère d’influence plus au Sud. « Nous la considérons également comme un jalon de plus dans notre orientation stratégique visant à hisser les relations de coopération politique et économique qui unissent le Maroc à un certain nombre d’États africains frères, au niveau d’un partenariat solidaire efficace, dans les différents domaines », a reconnu le roi du Maroc.
« Grâce à cette nouvelle institution, Mohammed VI dispose d’un soft-power religieux qui l’aidera à élargir encore plus son influence diplomatique sur le continent africain », n’hésite pas à affirmer Jeune Afrique.
Attentats islamistes de Casablanca
C’est lors d’une réunion préliminaire, à Rabat le 1er juin 2015, en présence d’oulémas venus de 20 pays d’Afrique que le projet leur a été présenté.
Le 25 juin 2015 était publié au Bulletin officiel le Dahir (décret officiel). Depuis, une dizaine d’autres pays africains ont rejoint le projet, y compris non-francophones, comme l’Afrique du Sud, le Kenya ou l’Angola.
Depuis les attentats islamistes à Casablanca qui, en mai 2003, ont provoqué la mort de 45 personnes, une réorganisation du champ religieux marocain s’est enclenchée, marquée par sa reprise en main sous l’égide du roi du Maroc.
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