De l’accueil au départ, volontaire ou pas
Article paru sur le site de l’Alsace le 13/02/2018 par Annick Woehl
Le projet de loi immigration, qui sera présenté le 21 février en conseil des ministres, concerne notamment le fonctionnement des centres de rétention administrative. Celui de Geispolsheim, le seul en Alsace, a rouvert le 15 janvier. Une autre structure accueille des primo-arrivants et une troisième des volontaires pour l’aide au retour.
De hauts grillages, un portique de sécurité, des caméras, un chemin de ronde, un distributeur de boissons grillagé… Le centre de rétention administrative (CRA), niché dans un bout de forêt à Geispolsheim, a rouvert le 15 janvier après deux ans de fermeture liée au redéploiement post-attentats des forces de l’ordre.
Quatre maisonnettes peuvent accueillir 34 hommes en chambre de deux lits. Des migrants sous le coup d’une obligation préfectorale de quitter le territoire français et d’une décision de placement en CRA. « C’est le bout de la chaîne, la dernière solution quand ils n’ont pas exécuté d’eux-mêmes l’obligation de quitter le territoire », remarque la commissaire Charlotte Priestman, directrice interdépartementale de la Paf (police aux frontières). En résumé, un endroit pour des migrants en situation irrégulière qui ne veulent vraiment pas partir de France.
« Ils ne comprennent pas pourquoi ils sont là »
L’histoire débute généralement par une interpellation lors d’un contrôle où l’on s’aperçoit que la personne n’a pas de titre de séjour, pas de papiers ou a été débouté de sa demande d’asile. L’individu est placé au CRA. Au bout de deux jours, il voit un juge de la détention et des libertés qui décide de prolonger – ou non – le placement de 28 jours, puis de 15. Car la durée de rétention est au maximum de 45 jours, un délai que le projet de loi envisage de passer à 90.
Ce temps est consacré à l’identification du « retenu » et à la préparation de son départ. Et la tâche n’est pas toujours aisée puisque certains migrants ne donnent pas leur identité réelle. « S’il a un passeport, un document transfrontière ou un laissez-passer, c’est plus facile. Sinon, ça peut être compliqué : il faut s’adresser aux consulats, aux ambassades… » , résume le brigadier-chef Frédéric Didier. « Mais les empreintes ne mentent pas ! » , ajoute le commandant Philippe Collomb, chef du centre. Il arrive, mais rarement, que les 45 jours ne suffisent pas pour collecter tous les documents et informations. C’est une des raisons de la réforme envisagée.
Ne reste plus qu’à acheter un billet d’avion – payé par l’État –, sur une ligne commerciale. « On l’achemine à l’aéroport, Bâle ou Roissy, et on l’installe à sa place dans l’avion » , précise Charlotte Priestman. Direction : le pays d’origine ou celui de son titre de séjour. On imagine bien que les retenus ne sont pas ravis d’être là… Les deux infirmières du site, Saliha et Odile, indiquent d’ailleurs que les pathologies les plus fréquentes sont le stress et l’anxiété dus à l’enfermement. « En général, ils ne comprennent pas pourquoi ils sont là puisqu’ils n’ont rien fait, à part être en territoire français. 30 % environ sont sous anxiolytiques. »
Si les tentatives d’évasion sont rares, les recours contre le départ contraint et le placement sont quasiment systématiques. L’État a le devoir d’informer les arrivants de ce droit qu’ils saisissent. Dans chaque CRA de France, une association est présente pour accompagner les gens dans ces démarches. À Geispolsheim, il s’agit de l’Ordre de Malte, qui dispose d’un bureau pour recevoir les personnes. Une aide précieuse puisque la procédure est très « opaque » , indique le responsable Mathias Venet. « Il y a des situations terribles ici, une vraie souffrance psychologique liée à l’exil, des gens malades et un lieu anxiogène. Ça génère des tensions. »
« Pas une prison »
Dans un bureau à côté, la médiatrice de l’Ofii (Office français d’immigration et d’intégration), Meriem Chiba, gère le quotidien de ces hommes. C’est elle, par exemple, qui fait leurs achats à l’extérieur, le plus souvent des cigarettes, des téléphones ou des cartes téléphoniques. Pour cela, elle ponctionne dans leur pécule et leur en rend bien sûr compte.
En effet, en arrivant, les retenus laissent bagages, argent et objets de valeur à la consigne pour éviter « le risque de trafic, de vols entre ceux qui n’ont rien et ceux qui ont tout ce qu’il faut » , note le commandant Collomb.
« Ce n’est pas une prison » , conclut Charlotte Priestman… même si cela en a tout l’air. « Les gens peuvent avoir un téléphone – mais pas de smartphone – et se promener librement dans l’enceinte du centre. » Depuis le 15 janvier, 56 personnes ont été retenues ici ; 21 ont été libérées et huit ont été « éloignées ». Avant la fermeture fin 2015, il y avait un peu moins de 500 retenus par an, dont la moitié étaient renvoyés dans leurs pays.
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