Covid-19: l’incertain redémarrage de la diplomatie française

Article paru sur le site l’Opinion le 09/07/2020 par Jean-Dominique Merchet

La pandémie continue de perturber les grands rendez-vous internationaux entre chefs d’Etat et l’agenda du président Macron

Alors que l’Assemblée générale des Nations unies se tiendra en visioconférence en septembre, Emmanuel Macron participera la semaine prochaine au premier Conseil européen « en présentiel » depuis le début de la pandémie. La tenue d’un G7 aux Etats-Unis à la rentrée reste incertaine, malgré le souhait de l’administration Trump de l’organiser.

La diplomatie d’Emmanuel Macron se déroule toujours à l’ombre du Covid-19 et l’on reste très loin d’un retour à la normale lorsqu’il s’agit des grands rendez-vous internationaux. L’incertitude de l’agenda présidentiel dans les prochains mois en témoigne.

La « conférence des ambassadeurs », qui se tient d’habitude fin août à Paris et permet au chef de l’Etat de fixer le cap, n’aura pas lieu cette année, en tout cas sous sa forme habituelle. Pas plus que l’Assemblée générale des Nations unies, courant septembre à New York, à laquelle les présidents français ont l’habitude de se rendre. Elle se tiendra par visioconférence : exit, donc, toutes les rencontres bilatérales et les dialogues impromptus.

« Créneau ». Quant au sommet du G7, rien n’est encore clair. Cette année, c’est au tour des Américains de l’organiser. Il devait se tenir initialement en juin, mais Angela Merkel — au plus mal avec Donald Trump — l’a sabordé en refusant de s’y rendre. « Ce que nous comprenons aujourd’hui, c’est que les Américains souhaitent qu’il se tienne en septembre », indique-t-on à l’Elysée. « En coordination avec l’Allemagne », la France juge « important » que les grands pays occidentaux (*) « se réunissent », mais « sur la base d’un agenda structuré ». Pas question donc de faire le déplacement outre-Atlantique pour une photo de famille sans contenu, à moins de deux mois de l’élection présidentielle américaine. « Le G7 doit nous permettre de peser sur le G20 », prévu en novembre à Riyad (Arabie saoudite). Contrairement au G7, des puissances non-occidentales, comme la Chine, la Russie ou la Turquie, sont membres du G20.

Emmanuel Macron doit se rendre en Russie à la rentrée, alors que sa visite initialement prévue le 9 mai dernier avait été annulée à cause du Covid. « Il faut trouver le créneau », explique-t-on à l’Elysée. Parler aux Russes, mais également aux Polonais… Un « sommet de Weimar », une rencontre entre les dirigeants allemands, français et polonais, a dû être décalé alors que le dernier remonte à 2011. On ignore encore qui représentera la Pologne : le second tour de la présidentielle y aura lieu ce dimanche 12 juillet.

Sur fond d’une « manœuvre franco-allemande », l’optimisme règne à l’Elysée quant à la possibilité d’aboutir à un accord à vingt-sept lors du sommet européen, malgré les réticences des pays frugaux

Pour l’Elysée, l’Union européenne reste en tête de l’agenda. Le premier Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement « en présentiel » aura lieu la semaine prochaine à Bruxelles. Il doit être l’occasion d’adopter le plan de relance (750 milliards) et le budget de l’UE (« cadre financier pluriannuel ») pour les années 2021-2027. Sur fond d’une « manœuvre franco-allemande », l’optimisme règne à l’Elysée quant à la possibilité d’aboutir à un accord à vingt-sept, malgré les réticences des pays frugaux. « Il y a accord sur les grands principes, mais il faudra s’entendre sur des points plus précis, comme les clés qui permettent d’avoir accès au plan de reconstruction », indique une source française.

Dossiers très lourds. Depuis le 1er juillet, l’Allemagne assure la présidence semestrielle de l’UE. Plusieurs dossiers très lourds sont sur la table, notamment l’issue du Brexit et la relation avec la Chine. Un sommet UE-Chine s’est tenu en visioconférence le 22 juin, entre les dirigeants de Bruxelles (Charles Michel, Ursula von der Leyen et Josep Borrell) et le Premier ministre chinois Li Keqiang. A l’Elysée, on se réjouit que le président Xi Jinping ait participé à cet échange de vues. Angela Merkel entend donner une tout autre ampleur au prochain sommet, en invitant tous les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE pour un dialogue avec Xi Jinping. La chancelière souhaite que l’UE parle d’une seule voix avec Pékin et non via des relations bilatérales forcément plus déséquilibrées. Initialement prévu à Leipzig le 14 septembre, ce sommet, auquel participera Emmanuel Macron, a été repoussé, sans doute en novembre ou décembre.

Enfin, un autre dossier occupera l’Elysée dans les prochains jours : les relations entre la Serbie et le Kosovo. Ce vendredi 10 juillet se tiendra un sommet entre le président serbe Alexander Vucic et le Premier ministre du Kosovo Avdullah Hoti, avec la participation d’Emmanuel Macron, d’Angela Merkel et de responsables bruxellois. Il s’agit de relancer le « dialogue de normalisation » entre Belgrade et Pristina. Plus de vingt ans après la guerre, la Serbie ne reconnaît pas l’indépendance de son ancienne province à majorité albanaise. La question, un temps évoquée mais rejetée par l’Allemagne, d’un « échange de territoire », n’est pas « à l’agenda », indique-t-on à l’Elysée. Le sommet sera en visioconférence, alors que la Serbie vient de reconfiner partiellement sa population.


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