Asile et migrations dans l’Union européenne

Article paru sur le site Toute l’Europe le 25/09/2017 par Vincent Lequeux

Crise migratoire, politique d’immigration et d’asile, espace Schengen… l’essentiel sur l’asile et les migrations dans l’UE, en 3 minutes.

Migrants, réfugiés et demandeurs d’asile

Un migrant est défini par l’UNESCO comme une « personne qui vit de façon temporaire ou permanente dans un pays dans lequel il n’est pas né et qui a acquis d’importants liens sociaux avec ce pays ». La migration de cette personne peut par ailleurs être considérée comme légale ou illégale par le pays d’accueil, et relever dans l’un ou l’autre cas d’une protection internationale au titre de l’asile. Elle peut enfin être durable, saisonnière ou régulière, maritime ou terrestre.

La convention de Genève de 1951 désigne comme réfugié « toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Un demandeur d’asile est ainsi une personne qui dit être un(e) réfugié(e) mais dont la demande est encore en cours d’examen.

Les migrants et réfugiés dans le monde

Les migrations sont un phénomène à la fois ancien, mondial et qui ne concernent qu’une petite partie de l’humanité. Si le nombre de migrants a augmenté depuis les années 1960 (ils étaient 244 millions en 2015 selon la Banque mondiale), leur proportion est restée relativement stable (de 3 à 3,5%) en raison de l’augmentation de la population mondiale.

Les causes des migrations peuvent être très diverses : guerres, motivations économiques, de travail ou familiales… elles sont majoritairement le fait de populations jeunes (18-30 ans) et ont la plupart du temps pour destination des pays géographiquement proches du lieu de départ.

1 migrant sur 5 vit aux Etats-Unis, le deuxième pays répertoriant le plus de migrants étant l’Allemagne, suivi de la Russie et de l’Arabie saoudite. Ce sont toutefois les Etats arabes du Golfe persique qui dénombrent le plus grand nombre d’immigrés en comparaison de leur population totale.

Enfin, notons que l’année 2016 a été marquée par un nouveau record du nombre de personnes déracinées, selon le Haut-commissariat aux réfugiés. Plus de 65 millions dont 22,5 millions de réfugiés, 40 millions de déplacés (non comptabilisés comme migrants) et 3 millions de demandeurs d’asile. Un seul pays européen, l’Allemagne, figure parmi les 10 pays du monde accueillant le plus de demandeurs d’asile en 2016. Les trois en accueillant le plus sont la Turquie, le Pakistan et le Liban.

 

La situation en Europe

Sur 510 millions d’habitants, l’Union européenne compte 21 millions de citoyens non-européens, soit environ 4% de sa population (chiffres Eurostat 2016). Un chiffre bien en deçà de celui des Etats-Unis, où il atteint 13%. 16 millions de personnes résidant dans un pays de l’Union européenne ont quant à eux la nationalité d’un autre État membre.

Un quart de ces non-nationaux (9 millions) réside en Allemagne, tandis que le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne et la France en enregistrent chacun entre 4 et 6 millions. Mais au regard de la population nationale, la proportion la plus élevée de non-nationaux se trouve au Luxembourg, avec 46% de la population totale.

Chaque année, le nombre d’arrivées vers l’UE est plus important que le nombre de départs. Ainsi, en 2015, le solde migratoire, différence entre le nombre de personnes entrées et sorties au cours de l’année, a été de 1,8 million de personnes pour l’Union européenne. En conséquence, alors que l’accroissement naturel est négatif, la population de l’Union européenne a tout de même augmenté.

Enfin, l’Allemagne est également le premier pays d’accueil des réfugiés en Europe : en 2015, 445 000 demandes d’asile y ont été approuvées, contre 70 000 en Suède, 35 000 en Italie et 35 000 en France. A l’échelle européenne, 700 000 personnes ont obtenu une protection au titre de l’asile en 2016, tandis que 1,2 million de demandes ont été enregistrées la même année. La grande majorité de ces populations n’est donc pas accueillie par les pays européens mais par les pays frontaliers des zones de guerre, majoritairement au Proche et au Moyen-Orient. La plupart des réfugiés traversent la Méditerranée et viennent de Syrie, d’Erythrée, d’Irak et d’Afghanistan, ou sont apatrides.

L’Europe a toujours été une terre d’immigration. Sa relative prospérité économique et sa stabilité politique semblent en effet avoir un effet d’attraction important. Elle a connu plusieurs grandes vagues d’immigration au XXe siècle, dont les plus importantes sont l’arrivée de 500 000 républicains espagnols en France en 1939, d’1 million de pieds-noirs, juifs et musulmans d’Algérie en 1962, ou encore de 700 000 Yougoslaves en Europe de l’Ouest en 1992.

Plus récemment, ce sont près de 350 000 Syriens, Irakiens, Erythréens, Afghans et Somaliens qui ont fui leur pays pour rejoindre l’Europe en 2015, en premier lieu la Grèce et l’Italie.

La politique européenne d’immigration et d’asile

La politique européenne d’immigration et d’asile est véritablement née dans les années 1990.

En 1995, c’est l’espace Schengen qui entre en application (la convention ayant été signée 10 ans plus tôt), en abolissant les contrôles aux frontières entre ses Etats membres et en renforçant ce contrôle aux frontières extérieures de l’espace.

D’autre part, le traité d’Amsterdam, signé en 1997, donne pour la première fois une compétence à l’Union européenne dans les domaines de l’immigration et de l’asile.

L’Union européenne peut ainsi :

  • définir les conditions d’entrée et de séjour des immigrants légaux,
  • encourager les États membres à prendre des mesures d’intégration,
  • prévenir et réduire l’immigration irrégulière, notamment par une politique de retour des migrants clandestins et la signature d’accords de « réadmission » avec les pays tiers.

En revanche, il appartient à chaque Etat de fixer, s’il le souhaite, le nombre de ressortissants de pays tiers qui entrent sur son territoire dans le but de rechercher un emploi.

Chaque Etat membre a également la possibilité de rétablir temporairement les contrôles aux frontières nationales en cas de menace pour l’ordre public ou la sécurité. La France l’a fait en 2015, et à plusieurs reprises jusqu’en juillet 2017 à la suite des attentats survenus à Paris.

Depuis 2004, l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) coordonne la surveillance de ces frontières pour les Etats membres de l’UE et ceux de l’espace Schengen. Celle-ci a ainsi constaté, en 2016, l’entrée irrégulière de 240 000 personnes.

La convention de Dublin établit par ailleurs des règles pour les demandeurs d’asile afin de déterminer quel Etat membre de l’Union européenne est responsable de l’examen d’une demande d’asile. Elle permet d’éviter qu’un même individu dépose des demandes dans plusieurs pays simultanément. Le principe général est que le pays responsable de la demande d’asile est le pays qui a joué le plus grand rôle dans l’entrée du demandeur d’asile dans l’UE. C’est donc en général le premier pays dans lequel le demandeur est arrivé. La Commission européenne a proposé de réformer la convention de Dublin et de répartir les demandeurs d’asile, dans le cas où le nombre de demandeurs dépasse la capacité d’absorption d’un pays, entre tous les États membres qui ne sont pas confrontés à une demande excessive.

Débats et perspectives

Les questions d’immigration et d’asile en Europe soulèvent leur lot de débats.

Parmi eux, les questions relatives à l’accueil des demandeurs d’asile, dont le nombre a augmenté avec les printemps arabes de 2010 et connu un pic en 2015 avec la guerre en Syrie. Plus de 5 000 personnes ont ainsi péri en 2016 en tentant de rejoindre l’Europe via la Méditerranée, des drames que l’Union européenne compte éviter en incitant les pays de transit (Turquie, Libye…) à mieux contrôler leurs frontières, et en renforçant les moyens de l’agence Frontex. D’autres voix s’élèvent pour demander à l’Union européenne de faciliter les voies d’immigration légale.

L’Union européenne a dans ce cadre conclu un accord controversé avec la Turquie, l’un des principaux pays de passage des réfugiés. Selon ses termes, en échange d’une aide financière et d’une promesse de libéralisation des visas pour les Turcs, la Turquie s’engage à récupérer sur son territoire les migrants en situation irrégulière qui n’ont pas obtenu l’asile en Europe. Par ailleurs, pour chaque Syrien renvoyé vers la Turquie au départ des îles grecques, un autre Syrien est réinstallé de la Turquie vers l’Union européenne.

La répartition de ces demandeurs d’asile au sein de l’UE n’est également pas réglée. Du fait de leur situation géographique, l’Italie et la Grèce doivent gérer, avec difficulté, la grande majorité des demandes. Les Etats membres se sont ainsi accordés, en septembre 2015, pour répartir ces demandeurs au sein de l’Union européenne à travers un système de quotas, mais plusieurs pays (notamment à l’Est de l’Europe) y sont toujours réticents.

D’aucuns dénoncent une orientation historiquement sécuritaire de la politique européenne d’immigration et d’asile, qui accorde plus de place à la lutte contre l’immigration illégale qu’à une gestion harmonisée des migrations légales et de l’asile, encore peu développée au sein de l’UE. Un débat complexe où s’entremêlent, avec parfois beaucoup d’amalgames, de nombreuses questions liées à la montée des populismes, à la recrudescence des attentats terroristes et à la place de l’Islam en Europe.


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