Droit humanitaire: «Respecter et protéger la dignité de la personne»
Article paru sur le site Zenith le 28/10/2017 par Hugues de Warren
« Là où le droit humanitaire connaît des hésitations et des omissions, que la conscience individuelle sache reconnaître le devoir moral de respecter et protéger la dignité de la personne humaine en toute circonstance, notamment dans les situations où elle est le plus fortement menacée », déclare le pape François.
Le pape a reçu au Vatican, samedi, 28 octobre 2017, les participants de 3e congrès sur le droit humanitaire international, organisé à Rome (27-28 octobre), à l’Ecole des officiers carabiniers, sous le patronage du Commandement général de l’Arme des carabiniers et du Ministère italien de la Défense, en présence de la ministre, Mme Roberta Pinotti.
Discours du pape François
Chers frères et sœurs,
Je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue et je remercie les Honorables Ministres du gouvernement italien pour les paroles d’introduction à cette rencontre. Je salue cordialement les autorités présentes et tous les participants à la 3ème conférence sur le droit humanitaire international, qui a pour thème « La protection des populations civiles dans les conflits – Le rôle des organisations humanitaires et de la société civile ».
Ce thème est particulièrement significatif à l’occasion du 40ème anniversaire de l’adoption des deux Protocoles additionnels aux Conventions de Genève relatives à la protection des victimes des conflits armés. Convaincu du caractère essentiellement négatif de la guerre et que l’aspiration la plus digne de l’homme est l’abolition de celle-ci, le Saint-Siège a ratifié ces deux accords dans le but d’encourager une « humanisation des effets des conflits armés » (Déclaration du Saint-Siège formulée lors de la ratification du « Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux », 8 juin 1977). En particulier, il n’a pas manqué d’apprécier les dispositions relatives à la protection de la population civile et des biens indispensables à sa survie, au respect du personnel sanitaire et religieux et à la protection des biens culturels et religieux, ainsi que de l’environnement naturel, notre maison commune. Cependant, le Saint-Siège, conscient des omissions et des hésitations qui caractérisent surtout le Second protocole additionnel, c’est-à-dire celui relatif à la protection des victimes des conflits armés non-internationaux, continue à considérer ces instruments comme une porte ouverte vers des développements ultérieurs du droit international humanitaire (Cf. ibid.), que qui sachent tenir compte de manière adéquate des caractéristiques des conflits armés contemporains et des souffrances physiques, morales et spirituelles qui les accompagnent.
De fait, malgré les louables tentatives de réduire les conséquences négatives des hostilités sur la population civile, grâce à la codification du droit humanitaire, trop souvent des témoignages de crimes atroces, de vrais et réels outrages aux personnes et à leur dignité, commis au mépris de toute considération élémentaire d’humanité, parviennent de différents théâtres de guerre. Images de personnes sans vie, de corps mutilés ou décapités, de nos frères et de nos sœurs torturés, crucifiés, brûlés vifs, offensés jusque dans leurs dépouilles, interpellent la conscience de l’humanité. D’autre part, se succèdent des nouvelles de cités antiques, avec leurs trésors culturels millénaires, réduites à des tas de décombres, d’hôpitaux et d’écoles qui sont l’objet d’attaques destructives délibérées, privant ainsi des générations entières de leurs droits à la vie, à la santé et à l’éducation. Combien d’églises et autres lieux de culte sont l’objet d’agressions ciblées, souvent justement pendant les célébrations liturgiques, avec de nombreuses victimes parmi les fidèles et les ministres réunis en prière, en violation du droit fondamental à la liberté religieuse !
Malheureusement, parfois la diffusion de ces informations peut introduire une certaine saturation qui anesthésie et, dans une certaine mesure, relativise la gravité des problèmes, c’est ainsi qu’il est plus difficile d’entrer dans la compassion et ouvrir sa conscience dans le sens de la solidarité (Cf. Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2016, « Vaincre l’indifférence et conquérir la paix »). Pour que ceci advienne, une conversion des cœurs est nécessaire, une ouverture à Dieu et au prochain, qui pousse les personnes à dépasser l’indifférence et à vivre la solidarité, en tant que vertu morale et attitude sociale, d’où peut découler un engagement en faveur de l’humanité souffrante (Cf. ibid, 6).
Mais en même temps il est encourageant de voir les nombreuses démonstrations de solidarité et de charité qui ne manquent pas en temps de guerre. Il y a tant de personnes, tant de groupes caritatifs et d’organisations non gouvernementales, à l’intérieur de l’Eglise et en dehors, dont les membres affrontent difficultés et dangers pour soigner les blessés et les malades, pour ensevelir les défunts (Cf. Message pour la Journée Mondiale de la Paix 2016, « Vaincre l’indifférence et conquérir la paix »), pour apporter à manger aux affamés et à boire aux assoiffés, pour rendre visite aux détenus. Vraiment, le secours aux populations victimes de conflits représente différentes œuvres de miséricorde, sur lesquelles nous serons jugés à la fin de notre vie. Puissent les organisations humanitaires agir toujours en conformité avec les principes fondamentaux d’humanité, d’impartialité, de neutralité et d’indépendance.
C’est pourquoi je souhaite que de tels principes, qui constituent le cœur du droit humanitaire, puissent être accueillis dans les consciences des combattants et des opérateurs humanitaires pour être traduits dans la pratique (Cf. Déclaration du Saint-Siège formulée lors de la ratification du « Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux », 8 juin 1977).
Ensuite là où le droit humanitaire connaît des hésitations et des omissions, que la conscience individuelle sache reconnaître le devoir moral de respecter et protéger la dignité de la personne humaine en toute circonstance, notamment dans les situations où elle est le plus fortement menacée. Afin que ceci soit possible, je voudrais rappeler l’importance de la prière et celle d’assurer, à côté de la formation technique et juridique, l’accompagnement spirituel des combattants et du personnel humanitaire.
Chers frères et sœurs, les paroles de Jésus dans l’Evangile de Matthieu sont adressées à tous ceux – parmi lesquels il y a beaucoup d’entre vous – qui ont mis leur propre vie en danger pour en sauver une autre ou pour apaiser les souffrances des populations atteintes par des conflits armés : « Tout ce que vous avez fait à un seul de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25, 40). Je vous confie à l’intercession de la Très sainte Vierge Marie, Reine de la Paix, et, tout en vous demandant, s’il vous plaît, de prier pour moi, j’accorde de tout cœur la bénédiction apostolique à vous et vos familles.
Merci !
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