Mossoul en paix

Article paru sur le site du journal le Temps le 14/07/2017 par Florian Delafoi

L’Etat islamique a été chassé de Mossoul. La deuxième ville irakienne est en partie détruite. En 1932, une équipe de photographes immortalisait la vie de ses habitants. Balade en noir et blanc dans une cité alors prospère.

Mossoul est libérée du joug de l’Etat islamique (EI). La reconquête de la ville irakienne est un symbole fort. C’est dans la mosquée d’al-Nuri qu’est né le «califat» d’Abou Bakr Al-Baghdadi, le leader du groupe djihadiste. Après une bataille de presque neuf mois, le bilan humain est terrible. Des milliers de civils sont morts et 700 000 personnes ont fui les combats.

La ville est ravagée. Il n’y a plus d’eau, ni d’électricité. Les hôpitaux et les écoles sont fermés. Selon les Nations unies, la reconstruction des seules infrastructures de base coûtera plus d’un milliard de dollars. Les images de dévastation qui ont fait la une des journaux du monde entier montrent la destruction effroyable de cette cité irakienne.

Il faudra du temps pour que la vie reprenne son cours normal. Aujourd’hui défigurée par de longues années de guerre, Mossoul a connu la paix dans son histoire. En 1932, une équipe de photographes immortalisait le quotidien de ses habitants.

Ces archives exceptionnelles sont conservées à la bibliothèque du Congrès, aux Etats-Unis. Elles proviennent du département photo de l’American Colony, une communauté de pèlerins qui s’est installée à Jérusalem au XXe siècle. Ces passionnés de photographie ont documenté la vie quotidienne au Moyen-Orient.

Les clichés de l’American Colony proposent une magnifique balade dans les rues de Mossoul. Plusieurs marchés animent la ville. Dans un souk, des commerçants vendent des fruits et légumes, notamment une variété locale de concombres. Sur un autre étal, les habitants peuvent s’offrir une paire de souliers.

           

Cette Mossoul est prospère: une richesse grandement liée à la découverte de gisements de pétrole. A la fin des années 1920, la raffinerie d’Al-Qayyarah est construite. Le nom de la localité vient du mot arabe qui désigne le goudron. L’exploitation du pétrole permet justement de développer le réseau routier.

Des camions et des pipelines acheminent également l’or noir en Turquie et en Syrie. Des activités stratégiques qui ont servi à l’Etat islamique. L’organisation a exploité cette matière première pour alimenter sa «capitale» irakienne.

Dans les années 1930, le sunnisme est le courant religieux dominant en Irak. Mais plusieurs communautés cohabitent. Il y a notamment un grand nombre de chiites et de chrétiens.

La disposition des bâtiments dans le centre de Mossoul en témoigne. A cette époque, une mosquée fait face à un temple yézidi (à gauche sur la photo). Ce dernier a toutefois disparu, longtemps avant l’arrivée des djihadistes.

Sous la domination du groupe Etat islamique, ce peuple yézidi a vécu un épisode tragique de son histoire. Nombre d’entre eux ont été massacrés ou réduits en esclavage. En mars 2015, l’ONU a qualifié cet assaut de «tentative de génocide».

Les djihadistes ont également imposé leur lecture littérale du Coran. Résultat: des restrictions nombreuses, notamment pour les femmes qui doivent porter le niqab. Bien loin des habitudes de 1932. Un portrait montre d’ailleurs une habitante à visage découvert. Il s’agit d’une femme de la communauté assyrienne, une ancienne région du nord de la Mésopotamie.

Pendant la bataille de Mossoul, le fleuve Tigre a été le théâtre de violents combats entre l’EI et l’armée irakienne. Un endroit stratégique: les troupes de Bagdad devaient prendre le contrôle des ponts pour conquérir la vieille ville.

En 1932, cette étendue d’eau n’était pas perturbée par les bombardements. Mais celle-ci a toujours joué un rôle important pour les Mossouliotes. De nombreuses activités se trouvaient sur les berges. Comme le montre une photo, les femmes s’y donnaient rendez-vous pour laver leurs vêtements.

Sur d’autres clichés, on voit des personnes qui s’occupent de la laine. Après un nettoyage dans le Tigre, celle-ci était probablement vendue sur les marchés de la ville. D’autres construisent des embarcations à l’aide de bouts de bois et de peaux de chèvre gonflées d’air.

La ville est également connectée aux pays limitrophes grâce au train. La ligne Berlin-Bagdad est une voie ferrée construite entre 1903 et 1940 dans l’Empire ottoman et ses Etats successeurs, pour assurer la liaison entre Konya (Turquie actuelle) et Bagdad (Irak actuel).

Une gare a ainsi été construite à Mossoul. Autrefois, c’était l’une des plus importantes du pays. Mais cette plateforme stratégique est à l’arrêt depuis la montée en puissance des djihadistes dans la région. Et la libération de Mossoul ne devrait pas changer la situation de sitôt. Le souvenir sombre du règne de l’EI reste vif.


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