L’ONU réagit aux attaques visant les hôpitaux
Le Conseil de sécurité a condamné fermement -par la résolution 2286 (2016), adoptée à l’unanimité et coparrainée par 84 États Membres de l’ONU- les attaques et les menaces visant les blessés et les malades, le personnel médical et les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, y compris leurs moyens de transport et leur matériel, ainsi que les hôpitaux et les autres installations médicales.
Au cours de cette séance consacrée pour la première fois à la protection des services de santé en période de conflit armé, le Conseil de sécurité a ainsi déploré les répercussions durables que ces attaques ont sur la population civile et les systèmes de santé des pays concernés. Toutes les parties à un conflit armé doivent respecter pleinement les obligations que leur impose le droit international notamment le droit international relatif aux droits de l’homme et le droit international humanitaire, en particulier celles que leur font les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977 et 2005.
« Même les guerres ont des règles », a insisté le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, devant le Conseil ce matin, en énumérant comme la plupart des intervenants du débat, les nombreuses attaques qui ont visé les services de santé au cours de ces derniers mois. Il a notamment rappelé que « près de la moitié des installations médicales en Syrie sont fermées ou ne fonctionnent que partiellement et des millions de Syriens manquent cruellement de soins de santé », tandis que « plus de 600 établissements de santé ont été fermés en raison du conflit au Yémen où les Nations Unies ont documenté 59 attaques contre 34 hôpitaux en 2015. Le Sommet humanitaire mondial d’Istanbul sera l’occasion pour les États et la société civile de réaffirmer les engagements en faveur de la prévention et le règlement des crises, a souligné M. Ban, en leur rappelant que « le succès de ce Sommet est entre vos mains ».
Il a appelé à mettre fin à ces attaques contre les services de santé en fustigeant la notion de « frappes chirurgicales ». La représentante de la Malaisie a, de son côté, exprimé son aversion pour l’excuse donnée aux « dommages collatéraux », alors que la Présidente de Médecins Sans Frontières (MSF), Mme Joanne Liu, a déploré des attaques très souvent décrites comme étant soit des erreurs, soit catégoriquement niées ou encore passées tout simplement sous silence. Elle a dénoncé les attaques qui ont touché les centres de soins de MSF, dont le dernier, à Alep, a coûté la vie au dernier pédiatre de la ville, le docteur Mohammed Wassim Maaz, à qui les intervenants ont rendu hommage ce matin.
La résolution adoptée aujourd’hui « condamne vigoureusement l’impunité dont jouissent, en temps de conflit armé, ceux qui commettent des violations et des exactions contre le personnel médical et les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical ». Dans ce contexte, et faisant amende honorable, la représentante des États-Unis a exprimé les regrets de sa délégation au sujet du bombardement aérien « tragique » qui avait été commis en octobre 2015 contre un hôpital de Médecins Sans Frontières à Kunduz, en Afghanistan. Elle a expliqué que le Pentagone avait pris des mesures disciplinaires très strictes à l’encontre des 16 militaires impliqués dans cet incident.
« Les auteurs ne peuvent être à la fois enquêteurs, juges et jurés », a fait remarquer Mme Liu qui a dit privilégier des enquêtes indépendantes. Elle a aussi regretté que certains membres du Conseil, notamment quatre membres permanents ayant participé directement ou à travers leurs alliés, à des attaques contre les services de santé au cours de l’année dernière.
De nombreuses délégations ont rappelé que des attaques ciblant les civils en général, et des services de santé en particulier constituaient des crimes de guerre. Reconnaissant la nécessité de protéger les humanitaires, le délégué de la Fédération de Russie a néanmoins souligné que ces derniers se doivent de respecter les principes fondamentaux du droit international humanitaire, de même que les lois du pays hôte.
D’autres ont dénoncé les entraves et des blocages divers qui freinent le déploiement de l’assistance humanitaire. Alors que 125 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire dans le monde et que 60 millions de personnes ont dû fuir leur foyer ou leur pays, cette question sera au centre du Sommet humanitaire mondial à Istanbul les 23 et 24 mai prochain.
En attendant la tenue de ce Sommet à Istanbul, le Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), M. Peter Maurer, a invité les États Membres à aligner leur législation nationale sur les normes du droit international humanitaire. Il a aussi appelé à sensibiliser le personnel militaire sur la nécessité de faciliter l’accès aux services de santé.
Le représentant de l’Espagne a demandé que le Conseil de sécurité fasse le bilan, au moins une fois par mois, des mesures prises pour protéger les membres du personnel de santé dans les zones de conflit, tandis que son homologue du Royaume-Uni, à l’instar des États-Unis et de la France, ont appelé à la tenue, au plus vite, d’une réunion publique d’information du Conseil de sécurité sur la situation à Alep, en présence du Secrétaire général.
L’Ambassadeur Amr Abdellatif Aboulatta, de l’Égypte, dont le pays préside ce mois le Conseil de sécurité, a salué une « résolution de consensus » qui a été portée par cinq membres non permanents du Conseil, l’Égypte, l’Espagne, le Japon, la Nouvelle-Zélande et l’Uruguay.
PROTECTION DES CIVILS EN PÉRIODE DE CONFLIT ARMÉ
Les services de santé en période de conflit armé
Texte du projet de résolution S/2016/380
Le Conseil de sécurité,
Réaffirmant qu’il a la responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales et qu’il se doit donc de promouvoir et d’assurer le respect des principes et des règles du droit international humanitaire,
Rappelant toutes ses résolutions pertinentes, notamment les résolutions 2175 (2014) et 1502 (2003) sur la protection du personnel humanitaire, les résolutions 1265 (1999), 1296 (2000), 1674 (2006), 1738 (2006), 1894 (2009) et 2222 (2015) sur la protection des civils en période de conflit armé, les résolutions 1539 (2004) et 1612 (2005) sur l’établissement d’un mécanisme de surveillance et de communication de l’information sur le sort des enfants en temps de conflit armé et la résolution 1998 (2011) sur les attaques contre des écoles ou des hôpitaux, ainsi que les déclarations applicables de son président concernant la protection des civils en période de conflit armé et la protection du personnel médical et humanitaire dans les zones de conflit,
Rappelant également toutes les résolutions pertinentes de l’Assemblée générale, notamment les résolutions 70/104, intitulée « Sûreté et sécurité du personnel humanitaire et protection du personnel des Nations Unies », 70/106, intitulée « Renforcement de la coordination de l’aide humanitaire d’urgence fournie par les organismes des Nations Unies » et 69/132, intitulée « Santé mondiale et politique étrangère »,
Rappelant en outre les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977 et 2005, selon qu’il convient, ainsi que les règles du droit international coutumier qui concernent la protection des blessés et des malades, du personnel médical et des agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, de leurs moyens de transport et de leur matériel, ainsi que des hôpitaux et des autres installations médicales, et l’obligation des parties à un conflit armé de respecter et de faire respecter le droit international humanitaire en toutes circonstances,
Rappelant la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé et son Protocole facultatif,
Conscient des difficultés particulières rencontrées par les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical et le personnel médical, et réaffirmant que tous les membres du personnel humanitaire ont droit au respect et à la protection, conformément au droit international humanitaire,
Soulignant que l’identification du personnel médical et des agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, de leurs moyens de transport et de leur matériel, ainsi que des hôpitaux et des autres installations médicales, peut améliorer la protection dont ceux-ci bénéficient, et rappelant à cet égard les obligations relatives à l’utilisation et à la protection, en situation de conflit armé, des signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève de 1949 et, le cas échéant, par leurs Protocoles additionnels,
Rappelant l’obligation particulière qu’impose le droit international humanitaire de respecter et de protéger, en situation de conflit armé, le personnel médical et les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, leurs moyens de transport et leur matériel, les hôpitaux et les autres installations médicales, qui ne doivent pas être la cible d’attaques, et de veiller à ce que les blessés et les malades reçoivent, dans toute la mesure possible et dans les plus brefs délais, les soins médicaux et l’attention nécessaires,
Réaffirmant que le droit international humanitaire impose de faire la distinction entre civils et combattants, interdit les attaques sans discrimination et fait obligation de tout mettre en œuvre pour vérifier que les objectifs à attaquer ne sont ni des personnes civiles, ni des biens de caractère civil et ne bénéficient pas d’une protection spéciale, comme c’est le cas du personnel médical, de leurs moyens de transport et de leur matériel, des hôpitaux et des autres installations médicales, et rappelant l’obligation de prendre toutes les précautions possibles pour éviter ou, en tout état de cause, réduire au minimum les dommages infligés aux civils et aux biens de caractère civil,
Profondément préoccupé de constater qu’en dépit de ces obligations, le personnel médical et les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, leurs moyens de transport et leur matériel, ainsi que les hôpitaux et les autres installations médicales, sont de plus en plus souvent la cible d’actes de violence, d’attaques et de menaces en situation de conflit armé,
Rappelant qu’en situation de conflit armé, les membres du personnel médical et les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical qui sont recrutés localement représentent la majorité des victimes recensées dans ces professions,
Préoccupé par le fait que, dans de nombreux conflits armés, les parties au conflit font obstacle à la fourniture de l’aide humanitaire, notamment médicale, aux populations dans le besoin,
Rappelant que, conformément au droit international humanitaire, les personnes exerçant une activité de caractère médical ne peuvent être contraintes d’accomplir des actes ou d’effectuer des travaux contraires à la déontologie ou aux autres règles médicales qui protègent les blessés et les malades,
Convaincu que les actes de violence, les attaques et les menaces visant le personnel médical et les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, leurs moyens de transport et leur matériel, ainsi que les hôpitaux et les autres installations médicales, et le fait d’entraver la fourniture de l’aide humanitaire, notamment médicale, peuvent envenimer les conflits armés et nuire à l’action qu’il mène pour maintenir la paix et la sécurité internationales conformément à la Charte des Nations Unies,
Réaffirmant que toutes les parties à un conflit armé doivent respecter les principes humanitaires d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance dans la fourniture de l’aide humanitaire, notamment médicale, et réaffirmant également qu’en situation de conflit armé, tous ceux qui contribuent à fournir cette aide doivent promouvoir et respecter pleinement ces principes,
Priant instamment les États de veiller à ce que les violations des dispositions du droit international humanitaire relatives à la protection des blessés et des malades, du personnel médical et des agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, de leurs moyens de transport et de leur matériel, ainsi que des hôpitaux et des autres installations médicales, qui sont commises en temps de conflit armé, ne demeurent pas impunies, et affirmant que les États doivent, conformément à leur législation nationale et aux obligations que leur impose le droit international, faire en sorte que les responsables ne jouissent pas de l’impunité et soient traduits en justice,
Rappelant que, selon le droit international, les attaques dirigées intentionnellement contre des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, pour autant qu’ils ne soient pas des objectifs militaires, ou contre les bâtiments, le matériel, les unités médicales, les moyens de transport et le personnel portant les signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève constituent des crimes de guerre,
Soulignant que les actions et les poursuites engagées devant les juridictions pénales internationales renforcent la lutte contre l’impunité des auteurs de crimes de guerre et d’autres violations graves du droit international humanitaire ainsi que la répression de ces infractions, et réaffirmant qu’il importe que les États coopèrent avec les juridictions internationales conformément à leurs obligations respectives,
Notant que, même en situation de conflit armé, le personnel médical et les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical ont le devoir d’exercer en toute indépendance morale et professionnelle, avec compassion et dans le respect de la dignité humaine et le souci constant de la vie humaine, et d’agir dans l’intérêt du patient, soulignant qu’ils doivent respecter leur code de déontologie professionnelle et prenant note des règles du droit international humanitaire qui stipulent que les personnes qui mènent des activités médicales conformes à la déontologie médicale ne doivent pas être sanctionnées,
Réaffirmant que c’est aux États qu’il incombe au premier chef de protéger leur population sur l’ensemble de leur territoire et rappelant à cet égard que toutes les parties à un conflit armé doivent s’acquitter intégralement des obligations que leur impose le droit international humanitaire pour ce qui est de la protection des civils en temps de conflit armé et du personnel médical,
1. Condamne fermement les actes de violence, les attaques et les menaces visant les blessés et les malades, le personnel médical et les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, leurs moyens de transport et leur matériel, ainsi que les hôpitaux et les autres installations médicales, et déplore les répercussions durables que ces attaques ont sur la population civile et les systèmes de santé des pays concernés;
2. Exige de toutes les parties à un conflit armé qu’elles respectent pleinement les obligations que leur impose le droit international, notamment le droit international des droits de l’homme, le cas échéant, et le droit international humanitaire, en particulier celles que leur font les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977 et 2005, de garantir le respect et la protection de l’ensemble du personnel médical et des agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, de leurs moyens de transport et de leur matériel, ainsi que des hôpitaux et des autres installations médicales;
3. Exige également de toutes les parties à un conflit armé qu’elles facilitent l’accès sans entrave et en toute sécurité du personnel médical et des agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, de leur matériel, de leurs moyens de transport et de leurs fournitures, notamment les articles chirurgicaux, aux populations dans le besoin, conformément au droit international humanitaire;
4. Demande instamment aux États et à toutes les parties à un conflit armé de mettre en place des mesures efficaces pour prévenir et réprimer, en temps de conflit armé, les actes de violence, les attaques et les menaces dirigés contre le personnel médical et les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, leurs moyens de transport et leur matériel, ainsi que les hôpitaux et les autres installations médicales, notamment, le cas échéant, en élaborant des mécanismes juridiques nationaux garantissant le respect de leurs obligations juridiques internationales et en recueillant des données sur les manœuvres d’obstruction, les menaces et les attaques physiques visant le personnel médical et les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, leurs moyens de transport et les installations médicales, et d’échanger des informations sur les difficultés et les bonnes pratiques à cet égard;
5. Souligne que l’éducation et la formation en droit international humanitaire peuvent jouer un rôle important à l’appui de l’action menée pour prévenir et faire cesser les actes de violence, les attaques et les menaces visant les blessés et les malades, le personnel médical et les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, leurs moyens de transport et leur matériel, ainsi que les hôpitaux et les autres installations médicales;
6. Prie les États de veiller à ce que leurs forces armées et leurs forces de sécurité s’efforcent d’intégrer des mesures concrètes visant à assurer la protection des blessés et malades et des services médicaux à la planification et à la conduite de leurs opérations, dans la limite des compétences respectives que leur confère la législation nationale, ou qu’elles continuent de le faire, selon le cas;
7. Souligne que les États sont tenus de s’acquitter de l’obligation que leur fait le droit international de mettre fin à l’impunité et de demander des comptes aux responsables de violations graves du droit international humanitaire;
8. Condamne vigoureusement l’impunité dont jouissent, en temps de conflit armé, ceux qui commettent des violations et des exactions contre le personnel médical et les agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, leurs moyens de transport et leur matériel, ainsi que les hôpitaux et les autres installations médicales, et qui peut favoriser la répétition de ces actes;
9. Engage vivement les États à mener, sans tarder et en toute indépendance, ans leur zone de juridiction, des enquêtes exhaustives, impartiales et efficaces sur les violations des dispositions du droit international humanitaire relatives à la protection, en période de conflit, des blessés et des malades, du personnel médical et des agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, de leurs moyens de transport et de leur matériel, ainsi que des hôpitaux et des autres installations médicales, et, le cas échéant, à sévir contre les responsables de ces violations, conformément au droit national et international, en vue de renforcer les mesures de prévention, de veiller à ce que les auteurs répondent de leurs actes et de donner suite aux plaintes des victimes;
10. Exprime son intention de faire en sorte que les mandats des opérations de maintien de la paix des Nations Unies contribuent, selon qu’il convient et au cas par cas, à instaurer des conditions de sécurité favorables à la fourniture d’une assistance médicale, conformément aux principes humanitaires;
11. Engage le Secrétaire général à porter à son attention, conformément aux prérogatives que lui reconnaît la Charte des Nations Unies, les situations dans lesquelles les parties à un conflit armé font obstacle à la fourniture d’une assistance médicale aux populations dans le besoin;
12. Prie le Secrétaire général d’aborder, dans ses rapports sur la situation d’un pays donné et dans ses autres rapports concernant la protection des civils, la question de la protection des blessés et des malades, du personnel médical et des agents humanitaires dont l’activité est d’ordre médical, de leurs moyens de transport et de leur matériel, ainsi que des hôpitaux et des autres installations médicales, notamment en répertoriant les actes de violence visant spécifiquement ceux-ci, les mesures correctives prises par les parties au conflit armé et les autres acteurs concernés, y compris les organismes humanitaires, pour empêcher que de tels actes ne se reproduisent, et les mesures visant à identifier les auteurs et à leur demander des comptes;
13. Prie également le Secrétaire général de lui communiquer sans tarder des recommandations quant aux mesures à prendre pour prévenir les actes visés au paragraphe qui précède, mieux amener les auteurs à répondre de leurs actes et améliorer la protection des blessés et des malades, du personnel médical et des agents humanitaires dont l’activité est d’ordre exclusivement médical, de leurs moyens de transport et de leur matériel, ainsi que des hôpitaux et des autres installations médicales;
14. Prie en outre le Secrétaire général de lui faire tous les douze mois un exposé sur la mise en œuvre de la présente résolution.
Déclarations
M. BAN KI-MOON, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, a salué la présence de M. Peter Maurer, Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et du docteur Joanne Liu, Présidente de Médecins sans frontières (MSF) qui sont des partenaires essentiels de l’ONU dans les zones de conflit. Il a souligné l’importance de la résolution dont est saisi aujourd’hui le Conseil de sécurité à la suite de la frappe aérienne du Gouvernement syrien qui vient de détruire un hôpital d’Alep, tuant 20 personnes, dont 3 enfants et le dernier pédiatre de la région, le docteur Mohammad Wassim Maaz.
Illustrant l’ampleur du défi de la protection des personnels médicaux en zone de conflit en Syrie, le Secrétaire général a rappelé que depuis le début du conflit, « Médecins pour les droits de l’homme » (Physicians for Human Rights) a documenté 360 attaques contre 250 installations médicales faisant 730 morts parmi le personnel médical. « Près de la moitié des installations médicales en Syrie sont fermées ou ne fonctionnent que partiellement et des millions de Syriens manquent cruellement de soins de santé », a ajouté M. Ban
« Plus de 600 établissements de santé ont été fermés en raison du conflit au Yémen où les Nations Unies ont documenté 59 attaques contre 34 hôpitaux en 2015 », a encore précisé le Secrétaire général avant de citer des frappes aériennes de la coalition en janvier dernier contre l’hôpital Shiara, qui assure les soins d’environ 120 000 personnes dans le gouvernorat de Saada.
En octobre 2015 à Kunduz, en Afghanistan, c’est une attaque aérienne des États-Unis qui avait détruit un autre hôpital MSF et tué des dizaines de patients, a aussi indiqué M. Ban avant de s’inquiéter de la multiplication des attaques contre des centres de santé et infrastructures médicales déjà fragiles en Iraq et au Soudan du Sud.
Le Secrétaire général de l’ONU a appelé à mettre fin à ces attaques contre les centres de santé en fustigeant la notion de « frappes chirurgicales ». Il s’est inquiété de ce que ces frappes sur les infrastructures et travailleurs de la santé ne soient pas seulement accidentelles, mais de plus en plus souvent la cible des combattants. M. Ban a ainsi fait observer que les forces gouvernementales retiraient les fournitures médicales des convois humanitaires en Syrie. Il a dénoncé les contraintes imposées par les gouvernements qui limitent l’accès aux soins de santé en estimant que « cette violence bureaucratique » est tout aussi dévastatrice que la force des armes.
Rappelant qu’en vertu du droit international, les attaques dirigées intentionnellement contre des hôpitaux constituent des crimes de guerre, le Secrétaire a rappelé l’obligation pour tous les États et toutes les parties à un conflit armé de protéger le personnel médical, les installations et les véhicules, ainsi que les blessés et les malades. Il a aussi rappelé leur obligation de respecter les principes humanitaires, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance dans la fourniture de l’aide humanitaire, notamment médicale en précisant que ces obligations sont au cœur du droit international humanitaire.
En outre, le Secrétaire général a exhorté le Conseil de sécurité et tous les États Membres à condamner ces attaques et à utiliser toute leur influence pour pousser les parties à respecter leurs obligations et à tout mettre en œuvre afin que les auteurs des attaques soient tenus responsables. « La résolution que vous venez d’adopter démontre la volonté du Conseil de renforcer la protection des soins de santé dans les conflits armés », a-t-il estimé. Les États Membres, les parties au conflit et tous les acteurs concernés doivent tenir compte des exigences du Conseil en facilitant l’accès humanitaire, l’élaboration de cadres juridiques nationaux, la formation des forces armées afin qu’ils comprennent leurs obligations.
« Même les guerres ont des règles », a insisté M. Ban avant d’appeler à faire respecter celles concernant la protection des civils. Il a précisé que cette question sera au centre du Sommet humanitaire mondial à Istanbul les 23 et 24 mai, avant d’encourager les États Membres à saisir l’occasion du premier sommet de ce type pour prendre des mesures concrètes pour respecter les normes qui protègent l’humanité.
Alors que 125 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire dans le monde et que 60 millions de personnes ont dû fuir leur foyer ou leur pays, le Secrétaire général a espéré que ce Sommet humanitaire mondial sera l’occasion de renouveler notre engagement à prévenir les crises et réduire la souffrance et la vulnérabilité. Dans ce contexte, il a appelé les États Membres à travailler avec une plus grande intensité afin de trouver des solutions politiques pour mettre fin à l’effusion de sang et à la souffrance.
Alors que la ville d’Alep et d’autres régions de la Syrie sont le théâtre de bombardements et de tirs d’artillerie, le Secrétaire général a souligné qu’il était urgent de cesser les hostilités pour sauver des vies, dans l’intérêt de la crédibilité du processus politique, mais aussi de celui du Conseil de sécurité.
M. PETER MAURER, Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), a déclaré qu’au cours des trois dernières années, 2 400 attaques avaient été commises contre des patients et des membres du personnel de santé dans des situations de conflit, y compris contre des locaux ou des moyens de transport. « Cela représente plus de deux attaques par jour, pendant trois jours consécutifs. » « Nous ne parlons ici que de 11 pays », a-t-il relevé. Rien que l’an dernier en Syrie, plus de 60% des dispensaires ou établissements hospitaliers avaient été endommagés ou détruits, au rythme de 25 000 blessés chaque mois, tandis qu’au Yémen, un quart des services de santé avaient été brutalement interrompus après à peine un an de conflit. En Afghanistan en 2015, a ajouté M. Maurer, le CICR a enregistré une hausse de 50% des incidents contre les personnels et les locaux de santé, par rapport à l’an dernier. « Alors que les conflits se poursuivent maintenant dans des centres urbains, que les armes à feu ont laissé place aux tirs d’artillerie répétés et aux bombardements aériens, blessés et malades ne se trouvent plus seulement parmi ceux qui portent l’uniforme », a résumé le Président.
M. Maurer a salué l’adoption, à l’unanimité par le Conseil de sécurité, de la résolution 2286 (2016), qui marque une étape significative pour la communauté internationale dans ses efforts pour attirer l’attention sur un problème auquel nous ne pouvons pas nous habituer. Il a donc demandé aux membres de ce Conseil de s’appuyer sur ce texte pour s’engager dans un processus politique plus large. Dans ce contexte, le Président a souhaité offrir l’engagement constructif du Comité pour mettre fin à cette tendance regrettable observée dans les conflits contemporains. Tout d’abord, a-t-il dit, il est indispensable pour les États Membres d’aligner leur législation nationale sur les normes en vigueur du droit international et sur les Principes éthiques relatifs aux soins de santé en situation de conflit armé ou d’urgence, définis par un groupe d’organisations, dont le CICR, et qui représentent au total 30 millions de professionnels de santé. Ensuite, le personnel militaire doit être sensibilisé à la nécessité de ne pas perturber la délivrance de services de santé tout en répondant à des préoccupations légitimes de santé. Par ailleurs, a poursuivi M. Maurer, il faut impérativement améliorer la protection juridique des patients et des personnels de santé et veiller à ce que tout « transfert d’armes » soit effectué avec l’assurance de respecter le droit international humanitaire et s’accompagne de formations à la protection du personnel médical et des locaux où ils travaillent.
Le Docteur JOANNE LIU, Présidente internationale de Médecins Sans Frontières (MSF), a qualifié la frappe aérienne ayant causé la mort du dernier pédiatre d’Alep de « frappe aérienne meurtrière ». Elle a indiqué qu’Alep avait connu pas moins de 300 frappes aériennes au cours de ces 10 derniers jours, en ajoutant que des civils, regroupés le plus souvent en groupes, avaient été touchés de manière répétitive. Que représentent les individus en temps de guerre aujourd’hui? Des produits consommables, morts ou vivants, a-t-elle répondu à cette question. Les médecins et les patients sont devenus des cibles légitimes, a-t-elle dit, en évoquant sa visite dans la ville de Kunduz, en Afghanistan, à la suite d’une attaque aérienne américaine qui avait détruit le centre de traumatologie de MSF le 3 octobre dernier. Elle a dit être encore hantée par les mots qu’avait prononcés un infirmier de son organisation en indiquant que ses collègues et lui-même avaient reçu l’assurance de leur hiérarchie selon laquelle le centre de traumatologie était un endroit sûr.
Elle a déclaré qu’avant ce 3 octobre, elle avait cru que les hôpitaux étaient des lieux sûrs mais, a-t-elle regretté, « je ne peux plus en être certaine maintenant ». Elle a rappelé qu’en Afghanistan, en République centrafricaine, au Soudan du Sud, au Soudan, en Syrie, en Ukraine et au Yémen, des hôpitaux sont bombardés de manière régulière, attaqués, vandalisés ou complètement brûlés. Mme Liu a noté que des attaques de masse contre des communautés et des attaques ciblées contre des centres de soins sont décrites comme des erreurs, catégoriquement niées ou passées tout simplement sous silence. Elle a dit que les effets de ces attaques allaient au-delà du nombre de morts et de blessés qui en résultent, en expliquant que ces attaques détruisaient les soins quotidiens et salvateurs pour tous. « Elles rendent la vie impossible. Un point c’est tout. »
La Présidente de MSF a aussi parlé de frappes aériennes de la coalition menée par l’Arabie saoudite à Haydan, au Yémen, le 26 octobre dernier, qui ont privé 200 000 personnes des soins médicaux. Elle a rappelé que ce fut le premier de la série des trois attaques contre des centres de soins de MSF au Yémen sur une période de trois mois. Des attaques contre des hôpitaux et cliniques, des écoles, des marchés, des sites de prière font désormais partie de la routine. Mme Liu a affirmé que l’on ne peut plus s’accorder sur le principe que les hôpitaux sont à l’abri des conflits. « Nous faisons face à une série d’attaques contre les services de santé », a-t-elle martelé, en regrettant que les appels à des enquêtes indépendantes soient restés lettre morte. « Les auteurs ne peuvent être à la fois enquêteurs, juges et jurés », a-t-elle objecté. Elle a souligné que la médecine ne doit pas être une profession que l’on pratique au péril de sa vie. Les médecins prêtent serment pour assurer des soins à tous sans discrimination et sans aucune exception, même s’il s’agit de criminels ou de terroristes, a-t-elle rappelé. Si l’on tourne le dos à ce principe de base de la neutralité des hôpitaux, alors on tourne le dos à la fondation même de l’éthique de la pratique médicale, a-t-elle dit.
Mme Liu a ensuite dénoncé certains membres du Conseil, notamment quatre membres permanents qui ont participé directement ou par leurs alliés à des attaques contre les services de santé au cours de l’année dernière. Elle a souhaité que la résolution adoptée ce matin ne finisse pas aux oubliettes comme tant d’autres adoptées sur la Syrie. Elle a appelé le Conseil à prendre ses responsabilités, en saluant la mémoire du docteur Maaz et d’autres membres du personnel de santé tués en période de conflit, en demandant au Conseil d’assurer la mise en œuvre de cette résolution en leur nom. Elle a insisté pour que le Conseil fasse pression sur les « alliés » afin qu’ils cessent d’attaquer les centres hospitaliers ou de soins et la population civile. « Nous continuerons d’assister les malades et les blessés », a-t-elle assuré avant d’ajouter que MSF ne restera pas silencieux. « Faites que cette résolution sauve des vies humaines », a-t-elle dit avant de conclure.
M. MOTOHIDE YOSHIKAWA (Japon) a rappelé qu’en vertu des Conventions de Genève de 1949, les installations de santé doivent être sanctuarisées. Si la résolution ne met pas l’accent sur une situation de conflit spécifique, celle qui règne en Syrie a tout particulièrement retenu son attention, a-t-il souligné, en affirmant avoir entendu les appels lancés par les Présidents du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et de Médecins sans frontières (MSF). Le représentant s’est félicité de l’accent mis par la résolution sur la protection du personnel soignant et des centres médicaux que vient d’adopter le Conseil. La communauté internationale, a-t-il dit, doit maintenant démontrer sa volonté de la mettre pleinement en œuvre. C’est pourquoi, il a proposé davantage de délibérations à l’avenir sur les moyens pour les États Membres de mettre en place des « mécanismes de respect du droit international humanitaire ». Le rôle des États sur le terrain sera particulièrement important, a souligné le délégué, qui a rendu hommage, avant de conclure, à tous les membres du personnel de santé qui travaillent dans des conditions difficiles dans les situations de conflit ou de crise.
M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) s’est dit alarmé par la tendance et les attaques croissantes contre les infrastructures et personnels médicaux en Afghanistan, au Soudan du Sud, en Syrie et au Yémen. Il s’est dit particulièrement inquiet de la situation à Alep en Syrie, où se multiplient les attaques contre les hôpitaux. Il a espéré que la résolution adoptée aujourd’hui par le Conseil de sécurité enverra un message clair. Le message est simple: les blessés et les malades doivent être soignés, le personnel médical, les infrastructures de santé, les transports et les équipements doivent être respectés et protégés et la distribution des médicaments ne doit pas être entravée, a-t-il précisé. Notant que les cadres juridiques existent déjà et réaffirment les principes du droit international humanitaire les plus anciens, le représentant de la Nouvelle-Zélande a estimé que le problème résidait dans le non-respect de ces principes par les parties au conflit. Il a fait remarquer que la présente résolution demande au Secrétaire général d’informer le Conseil de sécurité chaque année sur la mise en œuvre de ce texte.
M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a déploré que depuis janvier 2015, date d’entrée de l’Espagne au Conseil de sécurité, le monde connaît des attaques régulières contre des services de santé, à telle point que cela devient presque banal, et si bien que la zone la plus dangereuse pour les civils semble être les hôpitaux. Il a appelé à la reddition de comptes, expliquant que le soldat syrien qui dérobe du matériel chirurgical dans un convoi humanitaire doit bien comprendre qu’un jour il rendra compte devant un tribunal. Il a fait observer que les informations sur les enlèvements de personnels médicaux comme ceux de MSF sont encore plus fréquents, même s’ils sont moins médiatisés. S’adressant ensuite aux membres du personnel humanitaire présents dans la salle, il a salué leur courage, en leur disant, « vous êtes des idéalistes car vous êtes prêts à donner tout ce que vous avez ». Il a demandé que le Conseil de sécurité fasse le bilan, au moins une fois par mois, des mesures prises pour protéger les membres du personnel de santé dans les zones de conflit.
M. ELBIO ROSSELLI (Uruguay) a constaté qu’une grande partie des faits reprochés concernant les membres du personnel de santé étaient perpétrés par des États Membres de cette Organisation. Il s’est déclaré très préoccupé par le mépris des droits de l’homme et du droit international humanitaire dont de telles attaques témoignent. Selon le représentant, il est plus que jamais nécessaire de protéger le personnel de santé et les centres médicaux dans les situations de conflit, alors que la multiplication des attaques s’accompagne d’une impunité grandissante. Cette résolution est le fruit de « négociations intenses », a ajouté M. Rosselli, tout en espérant qu’elle servira de base utile pour inverser la tendance sur le terrain.
M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a relevé que trois semaines avant le Sommet humanitaire mondial d’Istanbul, la résolution du Conseil de sécurité adoptée ce matin adresse un message clair sur l’importance de la protection des civils. Il a rappelé que le respect de la neutralité médicale était une tradition sécuritaire qui s’effrite aujourd’hui, en soulignant qu’un hôpital doit être un lieu sûr et non pas une cible. « Une infirmière doit être un rayon de lumière et non pas une cible », a-t-il encore affirmé, en estimant que ceux qui attaquent Alep n’ont aucun respect pour la vie humaine.
Concernant le conflit syrien qui perdure, le représentant a déploré que les médecins qui « peuvent encore arrêter l’hémorragie » soient désormais tués. Il a ainsi rendu hommage au pédiatre syrien qui a perdu la vie à Alep il y a quelques jours, en déplorant qu’au lieu d’être célébré pour son courage et son dévouement, il a été au contraire tué. Il a aussi souligné les cas de détournement d’équipements médicaux par le régime syrien. Le délégué a ensuite invité la Fédération de Russie à peser de tout son poids pour demander au régime du Président Assad de protéger les personnels médicaux. Avant de conclure, il a demandé au Conseil de sécurité d’organiser une réunion publique d’information sur la situation à Alep, avec la présence du Secrétaire général.
M. GASPAR MARTINS (Angola) a déclaré que les attaques contre le personnel soignant, les équipements ou les installations de santé constituaient des violations flagrantes des Conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels de 1977. Il s’est félicité, lui aussi, de l’adoption de la présente résolution qui renforce, a-t-il dit, le cadre juridique pour combler les lacunes en matière de protection des civils dans les situations de conflit. Il est d’autant plus nécessaire de la mettre en œuvre, a souligné le représentant, en demandant à toutes les parties de respecter les obligations juridiques au regard du droit international humanitaire.
M. VOLODYMYR YELCHENKO (Ukraine) a déclaré que la protection des civils en conflit armé était devenue un défi de plus en plus complexe. Dans ce contexte, il s’est dit convaincu que toutes les parties au conflit avaient la double obligation, morale et juridique, de fournir des soins à tous les blessés et malades mais aussi de protéger le personnel médical. Il s’est dit particulièrement choqué que les attaques intentionnelles contre les infrastructures de santé ne cessent d’augmenter en Afghanistan, au Yémen et en Syrie. La récente attaque contre l’hôpital Al Qods d’Alep, a-t-il ajouté, nous rappelle l’ampleur de ce problème. Aujourd’hui, nous apprenons que l’hôpital Al’Razi d’Alep a été touché par des tirs qui ont fait 11 morts et des dizaines de blessés alors que d’autres tirs auraient fait 4 morts et des dizaines de blessés à l’hôpital Dubeet.
Le représentant de l’Ukraine a rappelé que les attaques contre des infrastructures médicales représentent une grave violation du droit international humanitaire. Selon des données de « Médecins pour les droits de l’homme », 16 attaques ont été perpétrées contre des hôpitaux en Syrie depuis octobre 2015, alors que 610 membres du personnel de santé ont été tués, 183 centres de soins touchés à 233 reprises depuis 2011. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 99 infrastructures de santé, dont des hôpitaux et des cliniques, ont été détruites au Yémen et selon le CICR, les attaques contre des centres de santé en Afghanistan ont augmenté de 50% en 2015, a encore précisé M. Yelchenko. Face à l’ampleur de cette situation, il a jugé important que les auteurs de ces crimes de guerre soient tenus responsables de leurs actes. Il a exhorté tous les États Membres à coopérer avec les institutions judiciaires internationales, y compris la Cour pénale internationale (CPI), afin de combattre l’impunité et faire respecter le droit international humanitaire. La résolution adoptée aujourd’hui par le Conseil de sécurité, a-t-il espéré, devrait envoyer un message clair et fort à toutes les parties au conflit.
M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a rappelé que la protection des membres du personnel humanitaire est cruciale en temps de conflit. L’ONU doit se baser sur des données fiables dans l’élaboration de rapports faisant état d’attaques sur les services de santé, a-t-il estimé. Le délégué russe a ainsi dénoncé « des informations dont la source n’est pas souvent identifiée », et qui sont véhiculées par les médias et utilisées ensuite à des fins politiques. Il a en outre rappelé qu’il incombe d’abord au pays hôte d’assurer la protection des humanitaires. Le représentant a dénoncé les attaques des services de santé en temps de conflit, en citant précisément les cas du bombardement d’un hôpital de Médecins sans frontières au Yémen l’an dernier et celle de l’hôpital de Kunduz en Afghanistan en 2015. Le représentant a par ailleurs estimé que les médecins et tous les travailleurs humanitaires opérant dans des zones de conflits se doivent de respecter les principes de base des activités humanitaires, de même que les lois du pays hôte.
Mme MICHELE J. SISON (États-Unis) a regretté les attaques commises contre le personnel de santé, en regrettant profondément le bombardement aérien « tragique », qui avait été commis en octobre 2015 contre un hôpital de Médecins Sans Frontières à Kunduz, en Afghanistan, par des forces américaines. Rappelant que celles-ci n’avaient « absolument pas » le droit de prendre pour cible des membres du personnel de santé ou des opérations humanitaires, elle a expliqué que le Pentagone avait pris des mesures disciplinaires très strictes à l’encontre des 16 militaires impliqués dans cet incident. Elle s’est ensuite émue par les attaques perpétrées contre des « cibles médicales » particulièrement nombreuses en Syrie, en rappelant que depuis 2010, beaucoup d’hôpitaux et de dispensaires médicaux avaient dû fermer leurs portes dans ce pays. Il est clair que le régime syrien prend pour cible des personnels médicaux, a affirmé la représentante, qui a souligné que les « alliés » avaient des responsabilités à assumer pour aider les parties à respecter leurs engagements. Préoccupés par la crise qui fait rage au Yémen, les « alliés, a-t-elle rappelé, avaient demandé à toutes les parties de s’acquitter de leurs obligations envers les personnels médical et humanitaire. Compte tenu de la situation à Alep, la délégation américaine a apporté son soutien à la demande présentée par le Royaume-Uni pour que le Secrétaire général vienne faire un exposé à ce sujet devant le Conseil de sécurité.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a noté que les attaques contre les personnels médicaux et les infrastructures de santé se sont multipliées depuis plusieurs années en Syrie, au Soudan du Sud, au Yémen, en Afghanistan et en Iraq. Pour la seule année 2015, 75 installations médicales soutenues par MSF ont été ciblées. Le représentant de la France a relevé que, selon l’OMS, 654 membres du personnel médical ont été tués en Syrie depuis le début de la guerre. « La semaine dernière, l’hôpital d’Al Quds, à Alep, a été délibérément bombardé par le régime syrien, tuant 20 civils, dont l’un des derniers pédiatres de la ville, qui s’est sacrifié pour sauver des enfants », a-t-il encore précisé.
En outre, M. Delattre a rappelé que les attaques visant les personnels de santé et les infrastructures médicales sont contraires au droit international humanitaire. Le Président du CICR, qui tire son mandat des Conventions de Genève, rappelle sans relâche que « même la guerre a ses règles » et que celles-ci ont été codifiées en 1949 par les Conventions de Genève, qui s’appliquent à toutes les parties et doivent être respectées en toutes circonstances. Dans ce contexte, M. Delattre a appelé les pays qui ne l’ont pas encore fait à ratifier leurs Protocoles additionnels.
Il est de notre responsabilité collective, a-t-il souligné, de renforcer la protection de tous les personnels médicaux et des infrastructures de santé dans les zones de conflit. « C’est tout le sens de la résolution que nous venons d’adopter, avec la contribution active de la France », a-t-il dit. Le représentant de la France a noté qu’au-delà des attaques visant les personnels médicaux et les hôpitaux, la privation de soins, y compris à l’encontre des civils, est de plus en plus utilisée par les parties aux conflits comme une arme de guerre. Illustrant son propos, il a expliqué qu’en Syrie, des kits médicaux sont déchargés des convois humanitaires et les obstructions du régime en matière de fourniture de l’assistance médicale ont augmenté, en dépit des engagements pris dans le cadre des négociations inter-syriennes.
« Comme le souligne la résolution que nous venons d’adopter, l’accès aux soins est un droit garanti par les conventions de Genève qui n’est pas négociable », a encore dit le représentant de la France. Par ailleurs, il a estimé que la protection des personnels médicaux ne pourra pas être efficace sans lutte contre l’impunité, avant d’inviter les États à sanctionner les responsables des violations du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme. M. Delattre a rappelé, à cet égard, que les attaques contre les hôpitaux, les installations médicales ou contre les personnels de santé, peuvent constituer des crimes de guerre au sens du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
Il a aussi souhaité que cette résolution soit suivie d’effets tangibles, sur le terrain, afin que cessent ces violations inacceptables du droit international humanitaire. Il a jugé essentiel que le Conseil soit informé régulièrement des attaques perpétrées contre les personnels médicaux et les installations médicales avant de demander que le Conseil se saisisse rapidement de la situation à Alep. Enfin, il s’est félicité que la résolution adoptée demande au Secrétaire général de rendre compte régulièrement au Conseil de sécurité de sa mise en œuvre, en estimant que cette avancée importante permettra de divulguer publiquement les violations commises, pour pouvoir les combattre avec toute la force du droit.
M. GORGUI CISS (Sénégal) a fait observer que le Sénégal accordait une grande importance aux soins de santé dans des zones de conflit, en citant à cet effet les hôpitaux de campagne que les soldats sénégalais établissent dans le cadre des missions de maintien de la paix auxquelles ils prennent part. La question de la protection des services de santé en temps de conflit, a-t-il estimé, pose également la question de la protection des femmes et des enfants en période de crise, car ils sont les premières victimes des attaques des hôpitaux. Le représentant du Sénégal a dit espérer que la présente résolution contribuera à renforcer la protection des services de santé dans des zones de conflit, tout en se félicitant qu’elle soit adoptée à quelques jours du Sommet humanitaire mondial.
M. RAFAEL RAMÍREZ (Venezuela) a dénoncé les attaques commises contre des patients et le personnel de santé, des installations et moyens de transport médicaux, des violations qui peuvent constituer des crimes de guerre, qui mettent en péril la sécurité de millions de civils, qui aggravent les crises et qui représentent un danger majeur pour les personnels médical et humanitaire. M. Ramírez a invité les États à déployer tous les efforts possibles pour trouver une solution pacifique aux conflits, garantir le respect du droit international humanitaire et le plein accès humanitaire, et protéger le personnel médical et humanitaire ainsi que les installations qu’ils utilisent. En outre, tous les États doivent user de leur influence pour faire respecter le droit international humanitaire et prendre des mesures préventives et d’atténuation pour limiter les souffrances des civils. Les violations du droit international ne doivent pas rester impunies, a-t-il insisté. Le représentant a salué l’inclusion, dans la résolution adoptée aujourd’hui, d’une demande faite au Secrétaire général d’inclure dans ses rapports sur les situations de pays, la question de la protection des malades et des blessés, du personnel médical et humanitaire et de leurs installations et moyens de transport.
M. LIU JIEYI (Chine) a rendu hommage aux organisations médicales qui risquent chaque jour leur vie dans des théâtres d’opérations où ils sont de plus en plus pris pour cibles. Soulignant que la protection du personnel médical relève de la responsabilité des États et des parties aux conflits, il a insisté sur la nécessité de respecter le droit international. Le délégué a suggéré au Conseil de se montrer proactif en matière de diplomatie préventive auprès des parties pour enrayer l’escalade des conflits. Pour la délégation de la Chine, les Nations Unies devraient, en coopération avec les organisations humanitaires pertinentes, mener des évaluations des risques concrets sur le terrain.
Mme SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) a estimé que cette résolution est une réponse opportune du Conseil de sécurité sur la question des attaques des services de santé. Elle a rendu hommage au docteur Maaz qui a perdu sa vie en essayant de sauver des enfants d’Alep. Elle a émis l’espoir que l’adoption à l’unanimité de cette résolution permettra également désormais de rejeter l’excuse des « dommages collatéraux » parfois avancée pour expliquer le bombardement de services de santé. Elle a aussi prévenu que si les États menaient de telles attaques dans le contexte de la lutte contre le terrorisme, alors ils ne seraient pas différents de celles des terroristes aux yeux de la population civile. Elle a appelé à des enquêtes impartiales sur les cas d’attaques des services de santé, en estimant aussi que les auteurs ne peuvent enquêter sur leurs propres actes ou être leurs propres juges.
M. AMR ABDELLATIF ABOULATTA (Égypte) a attiré l’attention sur la conduite des travaux du Conseil de sécurité, qui aura vu cinq de ses membres non permanents soumettre et négocier en toute transparence un projet de résolution qui a été adopté à l’unanimité. Sa délégation, a-t-il dit, dénonce vigoureusement les attaques contre les personnels de santé et humanitaire et les locaux où ils opèrent, en considérant qu’elles ne font qu’alimenter le ressentiment contre les parties au conflit parmi la population. L’Égypte souligne que les violations des Conventions de Genève de 1949 et des dispositions du droit international humanitaire devraient faire l’objet de poursuites judiciaires. Il est interdit de procéder à des attaques délibérées contre le personnel de santé et des hôpitaux, qui peuvent être assimilées à des crimes de guerre, a mis en garde le représentant. « Nous devons donc adresser un message politique très robuste selon lequel ce type d’actes est inacceptable », a affirmé M. Aboulatta, qui a précisé que son pays s’était porté coauteur du texte de résolution.
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