Article paru sur le site du journal le Figaro le 01/01/2018 par Stéphane Kovacs
Avec ses quatre jeunes enfants, ce couple catholique part en mission s’occuper d’un hôpital au Bénin.
Il était directeur commercial, elle dirigeait une crèche. Dans quinze jours, Thomas et Perrine d’Hérouville, 37 et 36 ans, débarqueront, avec leurs trois fils et leur dernière-née d’à peine 3 mois, à Djougou, quatrième ville du Bénin. «Aujourd’hui, nous voulons mettre notre temps et nos compétences professionnelles au service de l’Église et des plus démunis», expliquent-ils. Après une année de formation, l’ONG catholique de solidarité internationale Fidesco les envoie en mission pour deux ans, au sein d’un hôpital géré par l’Ordre de Malte.
Comment est née cette idée de partir en mission?
Perrine et Thomas D’HÉROUVILLE. – Nous avons autour de nous plusieurs couples ayant vécu cette expérience, et lors de notre voyage en Argentine et au Chili, de sept mois en camping-car avec nos deux aînés, nous avons rencontré des volontaires Fidesco en mission. Après de longs échanges avec ces amis, cette idée de partir en famille a fait son chemin…
N’étiez-vous pas satisfaits de votre vie antérieure? Quels sont les ressorts profonds de ce départ?
Nous étions tous les deux très heureux dans ce que nous faisions jusqu’à aujourd’hui et avons beaucoup reçu, Perrine dans la direction d’une crèche et Thomas en tant que directeur commercial d’une start-up, Yoobic, dont l’activité, dans le digital, est en pleine croissance. Partir à ce moment de l’aventure Yoobic a été une décision difficile à prendre! Mais lors de notre voyage familial en camping-car, nous avons «goûté» à la rencontre de l’autre, de sa culture, de son mode de vie. Forts de ces expériences, nous avons souhaité poursuivre cette démarche en famille, en nous mettant cette fois au service d’un partenaire local, et pour une période plus longue, deux ans. Pourquoi maintenant? Tout simplement car Fidesco recommande très vivement aux familles de partir avec des enfants de moins de 10 ans, pour éviter d’avoir des années collège et la préadolescence en mission. Et comme notre aîné a 10 ans, c’était maintenant… ou jamais.
Vous n’avez pas choisi votre destination. Que connaissez-vous de Djougou? Quelle sera exactement votre mission?
Pour cette démarche familiale particulière, nous avons souhaité nous appuyer sur une association habituée à ce genre de mission. Organisation catholique de solidarité internationale, Fidesco a été fondée en 1981 et envoie des volontaires formés et compétents dans les pays en développement: cent cinquante volontaires agissent aujourd’hui dans vingt-quatre pays dans le monde. Ils travaillent auprès des populations locales en partageant avec elles leur savoir-faire en éducation, agronomie, médecine, mécanique, enseignement, gestion… Sur place, les volontaires reçoivent une indemnité qui permet de vivre dans des conditions proches de celles des gens du pays. Des conditions modestes, mais justes. Ce n’est donc pas nous qui avons choisi le Bénin, ni Djougou, mais bien Fidesco qui a répondu à la demande de l’hôpital de zone de Djougou (tenu par l’Ordre de Malte) pour des profils correspondants aux nôtres. C’est ainsi que Perrine aura un rôle d’infirmière puéricultrice et que Thomas sera directeur de projets, aux côtés du directeur de l’hôpital.
Vous quittez un mode vie confortable pour des conditions modestes à Djougou, proche d’une «zone déconseillée» par le Quai d’Orsay, non loin du Niger. Avez-vous pensé aux différents dangers auxquels vous devrez faire face, avec vos enfants, dont un bébé de 3 mois?
Nous savons ce que nous quittons, nous ne savons pas ce que nous allons gagner. Le Bénin est un pays globalement sûr, même s’il compte des pays frontaliers moins sûrs (comme le Niger), d’où une «zone déconseillée» par le ministère des Affaires étrangères au nord-est. Le pays présente aussi des risques sanitaires, qui impliquent certains vaccins ou traitements (rage, fièvre jaune, paludisme,…), mais tout ceci se prépare. Nous sommes très bien accompagnés et nous aurons en plus la chance d’être près d’un hôpital! Car il faut bien l’avouer, nous sommes heureux de partir en mission avec nos enfants, mais nous n’avons pas envie de les mettre inutilement face à des dangers. C’est une des raisons qui nous ont poussés à nous rapprocher de Fidesco, qui a une grande habitude de l’envoi en mission de volontaires dans de multiples pays. Ils suivent par exemple en temps réel les «fils Ariane» du ministère, et des correspondants sont très présents, à nos côtés, pour partager notre quotidien et relayer les informations nécessaires. À Djougou, nous serons logés dans une maison située dans l’enceinte de l’hôpital, meublée pour accueillir toute notre famille. Les deux grands iront à l’école (CM2 et CE2), dont nous avons vu quelques photos, et qui a l’air très sympathique.
Comment ont réagi vos enfants? Et vos proches qui restent en France? Comment allez-vous communiquer avec eux?
Les enfants étaient dans un premier temps surpris, voire réticents à l’idée de tout quitter. Puis les deux grands se sont mis dans la tête que ce serait intéressant, excitant de rencontrer de nouvelles personnes. Ils exprimaient une inquiétude liée à la langue, et la peur de ne pouvoir échanger avec leurs amis sur place… Mais la langue ne sera pas un problème, puisque le français est la langue officielle du Bénin, même si à Djougou il semble qu’il y ait quelques autres langues utilisées.
Les proches ont réagi avec un mélange de crainte et de joie, crainte car c’est loin et long, et joie car c’est un projet que nous portons au fond de nous, et ils l’ont bien senti. Ils pourront suivre nos aventures via nos rapports de mission trimestriels que tous nos parrains (on peut parrainer une mission Fidesco en envoyant des dons, NDLR) recevront. Mais même si les moyens de communication seront aisés (même systèmes de messagerie instantanée qu’en France), nous ferons attention de nous «débrancher»! Il faut savoir mettre une distance avec ceux qu’on a laissés en France si on veut vivre pleinement auprès de ceux que l’on a choisi d’aider, et ne pas passer à côté de rencontres et de découvertes!
Qu’emporte-t-on quand on part dans un endroit aussi isolé?
On emporte de quoi s’occuper. On a donc des valises de jouets, de jeux, de livres… mais aussi des souvenirs culinaires de France, qui nous feront bien plaisir lors de certaines occasions!
Est-ce une parenthèse de deux ans dans votre vie, ou bien l’amorce d’une nouvelle trajectoire?
Nous serions bien incapables de répondre franchement en ce moment. Qui sait ce dont nous aurons envie, à titre personnel et professionnel, dans deux ans?
Source URL: https://diplomatie-humanitaire.org/thomas-perrine-dherouville-gouter-a-rencontre-de-lautre/
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