Article paru sur le site du journal Le Temps le 14/09/2017 par Simon Petite
Un panel d’experts présentait jeudi des recommandations pour faire de l’eau un instrument de paix et non un motif de guerre.
«Si deux pays arrivent à s’entendre sur la gestion de l’eau, ils ne se feront plus jamais la guerre.» Cette conviction exprimée par Danilo Türk symbolise l’initiative lancée jeudi à Genève pour faire de l’eau un instrument de paix, plutôt qu’un motif de conflit dans un monde qui n’en manque pas.
L’ancien président slovène présentait une série de recommandations, plutôt générales, pour augmenter la coopération internationale dans ce domaine vital. Le fruit d’un travail de deux ans lancé par la Suisse en compagnie de quatorze autres pays. Cette initiative est appuyée par une campagne de communication appelée «Blue Peace», la paix bleue, également à l’instigation de la Suisse.
Observatoire mondial pour l’eau et la paix
«Le but est d’imposer cette question à l’agenda», explique le chef du Département fédéral des Affaires étrangères Didier Burkhalter, dont c’était l’une des dernières sorties à Genève avant son retrait le mois prochain. La ville du bout du lac veut se profiler sur cette question. Parmi les recommandations, Genève est pressentie pour accueillir un «observatoire mondial pour l’eau et la paix». Pas une nouvelle organisation internationale, mais une structure plus légère qui stimulerait la coopération entre les Etats, les institutions internationales et la société civile, assure Danilo Türk.
Le panel présidé par Danilo Türk prône aussi une intégration d’ingénieurs capables de réhabiliter les systèmes d’eau potable dans les opérations de maintien de la paix de l’ONU. Des cessez-le-feu pour permettre l’approvisionnement en eau devraient être instaurés. Dans les conflits modernes, en Syrie et au Yémen, priver d’eau l’ennemi est devenu une tactique commune. Autre idée concrète: la création d’une base de données sur les aquifères ou bassins fluviaux communs permettant aux pays de mieux coopérer.
Réticences de certaines puissances
La question de l’eau comme un instrument de paix est moins consensuelle qu’on pourrait le croire. Certaines grandes puissances, comme la Russie, seraient très réticentes à cette approche. Le panel dirigé par l’ancien président slovène recommande que le Conseil de sécurité de l’ONU se saisisse de la question. «Si nous arrivons déjà à protéger les infrastructures d’approvisionnement en eau potable visées dans les conflits, nous aurons fait une différence», veut croire Didier Burkhalter.
«Une meilleure gestion de l’eau doit faire partie de la recherche de la paix en Syrie», renchérit Danilo Türk, qui prône une approche régionale. Cette diplomatie de l’eau a déjà porté quelques fruits dans la région. Le 15 mars dernier, les ministres turc et irakien en charge de l’eau se sont rencontrés pour la première fois pour atténuer les tensions générées par la construction du barrage d’Ilisu sur le Tigre, en amont de l’Irak. Deux stations de mesure du débit du fleuve seront construites de part et d’autre de la frontière et une délégation irakienne se rendra sur le chantier.
Pour gérer les ressources d’eau partagées par plusieurs pays, rares sont les accords internationaux. La gestion du fleuve Sénégal est une exception. Les barrages tout au long de son cours sont propriétés communes au Sénégal, à la Guinée, à la Mauritanie et au Mali. Mais le continent africain est aussi celui où il y a le plus d’habitants sans accès à l’eau potable. Dans le monde, deux milliards de personnes en sont privées. Pour elles, la lutte pour l’eau a déjà commencé et elle est quotidienne.
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