Article paru sur le site du journal Le Temps le 17/10/2018 par Simon Petite
Après quatre ans d’efforts infructueux pour mettre fin à la guerre en Syrie, l’émissaire de l’ONU quittera son poste à la fin novembre. L’ONU a perdu la main face à Moscou.
Il avait avalé tant de couleuvres et assisté, impuissant, à tant de carnages que le découragement ne semblait pas avoir prise sur Staffan de Mistura. Mais l’émissaire de l’ONU pour la Syrie a fini par jeter l’éponge. Après quatre ans de vains efforts pour apporter une solution politique à l’inextricable conflit syrien.
Devant le Conseil de sécurité de l’ONU à New York, le diplomate italo-suédois âgé de 71 ans a invoqué des «raisons purement personnelles» pour quitter son poste à la fin novembre. Le fait est que l’ONU et son médiateur ont perdu la main sur le dossier syrien. C’est désormais Moscou, fort de son indéfectible soutien au régime de Bachar el-Assad, qui dicte les termes de la sortie d’une guerre encore loin d’être terminée.
L’ONU spectatrice
En effet, Staffan de Mistura remet son mandat au moment où le sort de la province d’Idlib, la dernière aux mains des rebelles et des djihadistes, est suspendu à un fragile accord de cessez-le-feu imposé par Moscou avec le concours de la Turquie. Comme un symbole de sa marginalisation, l’ONU n’aura été que spectatrice de cet arrangement, dont l’avenir dira s’il offre davantage qu’un répit.
Devenu une figure de la Genève internationale, l’expérimenté médiateur avait succédé en 2014 à un autre homme des missions impossibles: l’Algérien Lakhdar Brahimi. A l’époque, c’était encore le «communiqué de Genève» qui faisait autorité. Ce compromis imposé en 2012 par les grandes puissances prévoyait une transition politique en Syrie. Mais, même lorsqu’il était acculé militairement, le régime de Damas n’a jamais rien voulu entendre, alors que l’opposition s’arc-boutait sur la nécessité d’un départ de Bachar el-Assad.
Mission de la dernière chance
A l’heure où le président syrien entrevoit la victoire finale, rares sont les capitales à réclamer le départ du dictateur. Ces quatre dernières années, malgré tous ses artifices diplomatiques, Staffan de Mistura a dû se contenter d’accompagner le retournement de la guerre. Et se préparer pour le moment où les parties au conflit consentiraient enfin à de réelles négociations.
Comme un baroud d’honneur, le médiateur fera une dernière fois le chemin de Damas la semaine prochaine pour tenter d’arracher la constitution d’un comité chargé de rédiger une nouvelle constitution syrienne. L’initiative est enlisée depuis le début de l’année. Elle bute sur la composition de cette instance, qui doit comprendre des représentants du régime, de l’opposition et de la société civile. Sur ce dossier, l’insistance des Occidentaux se heurte au peu d’empressement des Russes.
Un successeur pour sauver les apparences
Ces dernières années, l’ONU n’a pas davantage réussi à imposer l’acheminement d’aide, notamment aux poches rebelles assiégées, à Alep ou dans la périphérie de Damas. Quand les enclaves se rendaient et que leurs combattants ainsi que leurs habitants étaient évacués vers les derniers bastions rebelles, l’ONU prenait acte. Car ces accords localisés étaient considérés comme un moindre mal par rapport à la poursuite des combats et des bombardements aveugles. Au bout de cette logique dans laquelle l’ONU et son médiateur se sont enfermés, il reste encore Idlib et ses millions de déplacés venus des zones reprises par l’armée de Bachar el-Assad.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, va maintenant devoir trouver un successeur à Staffan de Mistura. Mais faut-il vraiment un successeur, si ce n’est pour sauver les apparences d’un processus de paix syrien qui a en grande partie échappé à Genève et au multilatéralisme?
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