Réfugiés: le Pape appelle à «la prudence»

François revient sur l’encouragement donné jusque-là aux États européens d’ouvrir largement leurs frontières.

En rentrant de Suède, mardi après-midi, le pape François a lancé un appel inédit aux gouvernements européens pour les inciter à «la prudence» quant à l’accueil illimité de flux de réfugiés. Pour le Pape, en effet, si les pays doivent rester «ouverts», ils doivent accueillir les réfugiés à condition d’assurer leur «intégration» en leur offrant «une maison, un travail, une école, l’apprentissage de la langue». Sans quoi se formeront des «ghettos». Et, tôt ou tard, un «prix politique» sera payé.
François répondait, lors de la conférence de presse de son vol de retour, à une question d’un journaliste lui demandant ce qu’il pensait «des pays qui fermaient leur porte aux réfugiés». Sa réponse pose une limite inédite chez lui à l’accueil des réfugiés, selon les capacités réelles d’intégration. Elle apporte aussi une nette correction à toutes ses déclarations précédentes sur le même sujet depuis le début de la crise des réfugiés.

Il accusait en effet d’«égoïsme» les pays qui n’ouvraient pas sans condition leurs frontières. Et pour faire passer son message, il s’était même rendu, en avril 2016, sur l’île grecque de Lesbos – lieu de passage de réfugiés venus de Turquie – lors d’un voyage, surprise et éclair. Il avait visité un camp d’accueil et rapatrié dans son avion trois familles musulmanes à Rome. Il était même allé jusqu’à organiser la mise en scène du retour en se faisant photographier les accueillant lui-même en bas de la passerelle de l’avion.

Quel est le danger ? Si le réfugié n’est pas intégré, permettez-moi ce néologisme, il se “ghettoïse”, il devient un ghetto. Et sa culture ne se développe pas en relation avec l’autre culture»

Le Pape corrige donc le tir sur ce thème délicat. Peut-être sait-il à présent qu’il a suscité beaucoup d’incompréhensions en Europe, y compris dans les milieux modérés. L’idée centrale qu’il a donc développée est la suivante: les gouvernements ne peuvent accueillir au-delà de leurs possibilités. Et qu’elle est cette limite? Offrir au réfugié «un toit, un travail, une école, l’apprentissage de la langue» en vue de leur «intégration».

Voici l’essentiel de sa réponse: «Qu’est-ce que je pense des pays qui ferment leurs frontières? En théorie, on ne peut pas fermer son cœur à un réfugié. Mais il y a aussi la prudence des gouvernants: ils doivent être très ouverts pour recevoir, mais ils doivent aussi faire le calcul de savoir comment les recevoir. Parce qu’on ne doit pas seulement recevoir un réfugié, mais il faut aussi l’intégrer. Et si un pays à une capacité d’intégration, disons de vingt, qu’il fasse cela. S’il peut davantage, qu’il fasse plus. Mais toujours avec le cœur ouvert, parce qu’il n’est pas humain de fermer le cœur, de fermer les portes.»

Sans référence à la politique allemande, le Pape a alors ajouté: «À la fin, cela se paie politiquement. Tout comme on peut aussi payer politiquement une imprudence dans les calculs en recevant plus que l’on peut intégrer.»

Il a aussi ajouté dans sa conclusion: «Quel est le danger? Si le réfugié n’est pas intégré, permettez-moi ce néologisme, il se “ghettoïse”, il devient un ghetto. Et sa culture ne se développe pas en relation avec l’autre culture. Ce qui est très dangereux.» Voici donc sa recommandation finale: «Je pense que la peur est le plus mauvais conseil pour les pays qui tendent à fermer leurs frontières. Et que le meilleur conseil est la prudence.» Plus globalement, il a noté à cet égard, qu’«il n’y avait pas à avoir peur de l’intégration des cultures parce que l’Europe s’est faite par l’intégration des cultures.(…)L’Europe s’est faite par l’immigration.»

«Je pense que la peur est le plus mauvais conseil pour les pays qui tendent à fermer leurs frontières. Et que le meilleur conseil est la prudence»

François avait commencé sa réponse à cette question, posée par une journaliste suédoise en référence aux débats politiques internes de ce pays sur la réduction des flux de réfugiés, en rendant un hommage appuyé, comme argentin et sud-américain, à la Suède qui a toujours fait preuve d’une «longue tradition d’accueil », en particulier «aux temps des dictatures militaires» mais «pas seulement pour recevoir mais aussi pour intégrer: chercher aussitôt une maison, une école, un travail. Intégrer un peuple.» Il a précisé «On m’a dit que les statistiques en Suède démontrent que sur 9 millions d’habitants, 850.000 habitants seraient de nouveaux Suédois.»

Ce pays est un «exemple», a-t-il martelé, même s’il a relaté une conversation récente avec un conseiller du gouvernement suédois: «Il me parlait de difficultés que rencontre ce pays parce qu’il y a tellement de réfugiés qui se présentent qu’ils n’ont plus le temps pour les accueillir, trouver une maison, une école, un travail, apprendre la langue. La prudence doit faire ce travail. Je ne pense pas que la Suède diminue sa capacité d’accueil par égoïsme ou parce qu’elle aurait perdu sa générosité. Si cela arrive, c’est parce que les réfugiés sont tellement nombreux aujourd’hui à regarder la Suède parce qu’ils savent qu’elle est accueillante.»

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