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«Rassembler l’humanité» : les accents messianiques de Mark Zuckerberg

Article paru sur le site du journal Libération le 17/02/2017

Le fondateur de Facebook a publié vendredi un long manifeste dans lequel il présente le monde du futur selon son réseau social.

Mark Zuckerberg donne sa vision du monde dans une lettre publiée ce jeudi sur Facebook. Rien que ça. Comme à son habitude, le jeune milliardaire joue les philanthropes. Intitulé «Construire une communauté globale», le manifeste explique comment le réseau social espère «rassembler l’humanité» afin de prévenir le monde des crises et les conflits de demain. Le géant américain se pose en tant qu’entité supranationale qui, au nom du progrès, encourage l’humanité à s’unir au-delà des «cités» et des «nations». Mark Zuckerberg profite de l’occasion pour répondre aux accusations de censure, de violation de la vie privée et de diffusions de fausses informations. En 2016, Facebook comptait 1,86 milliard d’utilisateurs pour un chiffre d’affaires en hausse de 54% et qui frise les 28 milliards de dollars (plus de 26 milliards d’euros).

«Besoins personnels, affectifs et spirituels»

La lecture de la lettre a un goût de science-fiction. Mark Zuckerberg alterne entre énoncés quasi philosophiques et applications pratiques, rendues plausibles avec les avancées technologiques. Dès les premières lignes, le fondateur de Facebook dénonce le repli sur soi des pays occidentaux et s’en prend à mots couverts à la politique protectionniste de Donald Trump. Un «retour en arrière», que le milliardaire explique par une humanité en «manque de sens».

«Il y a un recul notable des principales structures sociales traditionnelles au cours des dernières décennies, […] or, une société saine a besoin de communautés pour répondre aux besoins personnels, affectifs et spirituels.» Facebook se propose donc de récréer cette communauté par le partage de mêmes «valeurs» à l’échelle mondiale. Seule solution, selon Mark Zuckerberg, pour répondre efficacement à la montée du terrorisme et à tous les défis qui attendent l’humanité (catastrophes climatiques, épidémies etc.).

Intelligence artificielle

Le milliardaire annonce le développement d’une intelligence artificielle capable d’identifier les fausses informations et de les supprimer. Cette technologie devrait permettre sous peu de repérer la propagande terroriste, de lutter contre le harcèlement et d’empêcher les publications de sites conspirationnistes. La question de la violation de la vie privée et l’utilisation des données personnelles est l’autre point noir. Mark Zuckerberg reste vague sur ce sujet et déclare simplement vouloir «garantir la sécurité de la communauté sans compromettre la vie privée».

Cependant, il assure prendre le problème des «bulles de filtres» au sérieux et «tout faire pour le résoudre». Les bulles de filtres sont la conséquence des algorithmes de personnalisation des informations qui apparaissent sur l’interface Facebook en fonction des centres d’intérêt et des précédentes recherches des utilisateurs. «Nous voulons faire en sorte les gens élargissent leur représentation du monde et éviter la polarisation de l’information.» Pour encourager le débat d’idées, Facebook annonce également une chasse aux articles de presse «sensationnalistes» ainsi qu’un élargissement des suggestions d’amitiés. Ces dernières seront étendues à de nouveaux centres d’intérêt.

Faire participer les gens à la vie politique

Partant du «constat que seulement la moitié des Américains» a participé aux dernières élections présidentielles américaines, Facebook souhaite mettre en place un outil qui facilite les démarches administratives électorales. Déjà utilisé par «2 millions d’Américains» en novembre, le système serait à terme étendu à tous «les pays démocratiques».

«Nous voulons établir un nouveau processus qui permette aux citoyens du monde entier de prendre part aux décisions collectives», explique Mark Zuckerberg dans sa lettre. Et pour pousser les utilisateurs de Facebook dans ce sens, un algorithme «suggérera en priorité la lecture d’articles d’actualité locale». Pourquoi ? «Parce que la plupart d’entre nous ne connaissent pas leurs représentants locaux, bien qu’ils aient une grande influence sur notre vie. Et c’est pourtant là que notre participation a la plus grande influence.»

Une plus grande influence, oui, mais pour faire quoi ? Car derrière la façade de l’humanisme, Facebook se fait le chantre de la mondialisation dans tout ce qu’elle peut avoir de sauvage.

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