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Le Portugal ne rechigne pas à accueillir des réfugiés

Face à la désertion des régions rurales et une démographie en déclin, le gouvernement portugais met en place les structures pour accueillir 10 000 Syriens, Irakiens et Afghans.

Bragança est une ville de 35 000 habitants située au nord-est du Portugal, proche de la frontière espagnole. Elle est aussi la capitale du district à vocation agricole qui porte le même nom. Les terres sont dévolues surtout à la culture céréalière et aux châtaigneraies. Toutefois, cette région, comme beaucoup d’autres dans le pays, se vide. Durant les quatre dernières années, le pays, dans son ensemble, a enregistré 485 000 départs, définitifs ou temporaires. Cette vague a frappé plus particulièrement le nord et le centre du pays. Bragança a déjà tiré la sonnette d’alarme.

Cet exode inquiète Lisbonne, mais elle a trouvé la parade: accueillir en grand nombre les réfugiés qui frappent à la porte de l’Europe. Ainsi dans le cadre du programme de relocalisation de 160 000 réfugiés se trouvant déjà en Europe, notamment en Grèce et en Italie, le Portugal a offert d’en accueillir 5800, en sus de son quota de 5400 alloué par Bruxelles. A titre de comparaison, l’Espagne est censée accueillir 15 000 réfugiés en deux ans.

Lors du sommet européen le 22 février dernier, le premier ministre portugais Antonio Costa avait parlé «d’acte moral et une bonne occasion de repeupler les régions rurales». Dans une lettre adressée fin février à l’Italie et la Grèce, mais aussi à d’autres pays européens dont l’Autriche et l’Allemagne, le gouvernement portugais a précisé ses intentions. Il souhaite accueillir 2000 étudiants universitaires et 800 dans les écoles professionnelles et entre 2500 et 3000 réfugiés pour travailler dans l’agriculture et l’industrie forestière. La région de Bragança a déjà montré un intérêt pour accueillir des réfugiés.

«Le Portugal est peu connu comme une terre d’immigration, expliqué Maria Vicenza Desiderio, analyste des politiques migratoires à Migration Policy Institute, un centre d’études spécialisé basé à Bruxelles. Leur arrivée va bénéficier au pays entier, mais plus particulièrement aux zones devenues rurales.» Outre que le taux de natalité y est le plus faible en Europe, c’est aussi le pays où le taux de vieillissement est l’un des plus élevé du continent. En 2030, un tiers de la population aura plus de 65 ans.

Le gouvernement socialiste souhaite aller de l’avant avec son plan malgré que le pays émerge d’une longue crise économique et que le chômage reste à un niveau élevé (12%). Maria Vicenza Desiderio estime qu’au Portugal, comme dans d’autres pays européens, les réfugiés acceptent les emplois que ne veulent pas les locaux. «Par ailleurs, ajoute-t-elle, l’accueil se fera graduellement.» Pour l’heure, il en a accueilli 150 sur un total de 930 en Europe qui ont été relocalisés à partir de la Grèce ou d’Italie.

Mais les Portugais n’appréhendent-ils pas l’arrivée d’un grand nombre de Syriens, d’Irakiens ou encore d’Afghans? Maria Vicenza Desiderio se veut rassurante. «C’est un pays d’émigrés qui comprend le phénomène migratoire, dit-elle. L’Etat a mis en place le Conseil portugais pour les réfugiés qui est chargé de faciliter l’accueil et l’intégration. Il mène aussi une vaste campagne de sensibilisation auprès des populations rurales qui verront arriver des étrangers.» Selon elle, la coordination entre la société civile et les communes est essentielle.

Reste la question de savoir si les réfugiés veulent s’installer au Portugal. Pour le moment, ces derniers préfèrent les pays de l’Europe du Nord.

Article paru (Ram Etwareea) sur le site du journal Le Temps

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