Article paru sur le site du journal La Croix le 14/12/2018
DÉBAT – Véronique Albanel, philosophe, et Guillaume Le Blanc, professeur de philosophie politique, donnent leur avis sur la question.
Lundi 10 décembre, à Marrakech, a été signé, sous l’égide de l’ONU, le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Signature difficile, tant ce texte, pourtant non contraignant et qui se veut une sorte de guide des bonnes pratiques, a suscité une hostilité de plus en plus forte dans de nombreux pays. Les premiers, les États-Unis se sont désolidarisés du pacte, suivis ensuite par d’autres pays, dont l’Italie, la Pologne, l’Australie ou Israël. En Belgique, le pacte a même provoqué une crise de gouvernement. En France aussi, le texte a été fortement critiqué sur les réseaux sociaux, et présenté par l’extrême droite comme susceptible de provoquer un afflux de millions de migrants sur notre territoire. Preuve, s’il en était besoin, du caractère extrêmement sensible de la question migratoire en Europe, où les populations semblent de moins en moins prêtes à accueillir des personnes venues d’autres pays ou d’autres cultures. Dans ce contexte, quel est l’avenir de la notion d’hospitalité, notion pourtant à la base de notre civilisation ? Car comme l’affirme Guillaume Le Blanc, philosophe, l’hospitalité, sous la forme du droit de visite se retrouve dans toutes les cultures. Mais sans doute faut-il réfléchir l’hospitalité sur la durée, souligne Véronique Albanel, présidente de JRS France – Service jésuite des réfugiés : l’hospitalité ne peut se passer d’un cadre clair et d’un engagement réciproque.
« Il faut sortir du discours du tout ou rien » Véronique Albanel
Philosophe, auteure de La Fraternité bafouée (L’Atelier)
« L’hospitalité me paraît confrontée aujourd’hui à deux difficultés. D’un côté, il y a une hospitalité éprise d’absolu, inspirée de belles intentions, mais en danger d’irréalisme voire d’irénisme. De l’autre, il y a une fermeture de principe, lourde de conséquences, chez ceux qui refusent … » Lire la suite
« Construisons une politique de l’accueil » Guillaume Le Blanc
Professeur de philosophie politique à Paris Diderot
« L’hospitalité est aujourd’hui doublement attaquée. Certains y voient une forme de morale, un peu surannée et entachée de condescendance. D’autres lui reprochent de traiter la misère humaine de manière compassionnelle et non politique. La sauver, c’est d’abord affirmer qu’il s’agit d’une valeur politique, comme le philosophe Emmanuel Kant l’avançait en 1796 dans le Projet de paix perpétuelle. L’accueil d’une personne menacée dans son pays est… » Lire la suite
Hospitalité, une étymologie complexe
Le mot hospitalité vient du latin hospitem, l’hôte. Mais on retrouve la même racine pour hostis, l’étranger, l’ennemi en français. Comment expliquer que deux notions aussi inverses que « hôte » et « ennemi » aient la même étymologie ? Il faut remonter au contexte politique et juridique du monde antique grec et romain qui a forgé le concept d’hôte. À l’origine des deux mots, hospes et hostis, on trouve en effet le verbe hostire, « traiter d’égal à égal », c’est-à-dire « accueillir », mais aussi « compenser », « payer de retour ». Le verbe a donné hostia, la victime, dans le sens de « victime destinée à compenser la colère de dieux », et hostis, « l’ennemi ». L’hôte et l’ennemi ont donc l’un et l’autre pour origine cette importante notion, celle de compensation, de traitement d’égal à égal, acte qui vise à aplanir le statut, a priori hostile, de l’hôte accueilli.
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