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«Perte du sacré»

Editorial publié sur le site du Journal Le Figaro le 28/03/2019 par Étienne de Montety

Près de trois profanations d’églises par jour en France, le chiffre est saisissant. L’image du sympathique pilleur de tronc, véhiculée par le film de Mocky Un drôle de paroissien (Bourvil pêchant les pièces avec un caramel), est bien éloignée de la réalité. Aujourd’hui les édifices religieux sont la cible facile et fréquente des voyous, vandales et autres satanistes. Ce sont des individus isolés ou des bandes organisées qui sévissent.

Évidemment, l’histoire souvent très ancienne des cathédrales et autres chapelles leur vaut de détenir aujourd’hui d’admirables objets, plus ou moins précieux d’ailleurs. Avant même de parler de valeur, il faut reconnaître que le beau fait partie de la liturgie, d’où la présence d’ostensoirs magnifiques, de calices et de ciboires ouvragés, qui sont autant de joyaux d’orfèvrerie. Or ces lieux de culte ne sont pas équipés de caméras ou de systèmes de sécurité, ils ne sont pas gardés: une église n’est pas un musée. C’est même l’inverse, c’est la maison du peuple de Dieu, dépositaire d’un trésor vivant, ouverte à tous.

Cette situation qui s’installe a quelque chose de préoccupant. Fracturer un tabernacle pour en dérober ou en répandre le contenu, ce comportement va au-delà d’un délit sanctionné par un article du Code. Pour les catholiques, c’est le cœur de leur foi, le Christ réellement présent, qui est attaqué. Pour tous les hommes de bonne volonté, ces faits sont scandaleux, ils témoignent d’un processus inquiétant de perte du sacré. Notre société devrait s’interroger sur ce qu’elle transmet à ses enfants. Leur a-t-elle assez dit ce que l’histoire et le patrimoine de notre pays doivent à l’Église catholique?

Dans ce climat d’amnésie et d’ignorance, deux maux aggravés par la dérision contemporaine et hélas aussi parfois par la haine, que représente une église pour des profanateurs? Un bâtiment ordinaire, comme un hall ou une salle de concerts, ou au contraire un sanctuaire où se niche, au-delà du sujet de la foi, une part de l’âme d’un peuple?

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