Pour une OSCE de l’espace méditerranéen

Article publié sur le site du journal Le Temps le 15/03/2017 par Miguel Angel Moratinos, Benita Ferrero-Waldner, Carlo Sommaruga et Alain Clerc

Un groupe de personnalités expérimentées et reconnues sur le plan international propose la conclusion d’un nouveau «Partenariat Euro-Méditerranéen-Arabe de Coopération et de Sécurité» (PEMACS) pour répondre aux défis qui pèsent sur l’avenir de la région au sud de l’Europe.

S’il faut tirer une conclusion de la Conférence sur la sécurité de Munich, c’est le désarroi des Européens face aux bouleversements qui secouent le monde aux portes de l’Europe que ce soit sur la frontière Est avec les défis russes, ou au Sud, avec la situation en Turquie, les conflits religieux dans le monde musulman, les inquiétudes relatives à la mise en œuvre de la solution à deux Etats au Moyen-Orient, la guerre en Syrie, en Libye et au Yémen et les incertitudes sur l’avenir de l’Algérie, sans oublier les interrogations que suscite, outre-Atlantique, l’arrivée au pouvoir d’un Président populiste. Ce malaise s’exprime par un attentisme prudent et de fortes frustrations au moment où l’Europe a besoin d’engagements concrets pour s’extraire d’une crise politique, morale et économique qui la paralyse et peut conduire à son éclatement.

Car s’il est juste de souligner comme l’a rappelé Sigmar Gabriel, le nouveau ministre des Affaires étrangères allemand, que le modèle européen reste la forme la plus aboutie de développement, le dire ne suffit pas. Ce modèle ne pourra survivre que s’il est constamment conforté et revivifié. De même, la main tendue suggérée par le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Marc Ayrault, est salutaire mais encore faut-il avoir des propositions constructives à proposer.

Il en va ainsi du dernier Sommet de Malte, il ne suffit pas d’opter pour une Europe à plusieurs vitesses pour sortir des impasses actuelles que ce soit en matière de défense ou de politiques économiques et étrangères.

Le danger venu du Sud

Les menaces s’accumulent de toute part. Sur le plan intérieur, avec la crise institutionnelle et économique ainsi qu’avec l’élection de gouvernements autoritaires en Europe de l’Est et, sur le plan extérieur, avec l’afflux de migrants et l’absence de propositions concrètes pour répondre aux défis résultant de l’instabilité affectant de nombreux Etats aux marges de notre continent.

Aujourd’hui, le principal danger pour l’Europe provient du Sud. Il résulte de l’incapacité de plusieurs de ces pays d’assurer une croissance qui réponde aux attentes de leurs citoyens. Il en découle diverses formes de précarité qui stimulent les insatisfactions et contribuent à la montée de l’intégrisme. Un fondamentalisme qui nourrit simultanément en Europe l’émergence d’un populisme susceptible de contaminer tout le continent si nous ne prenons pas rapidement les mesures qui s’imposent. C’est désormais l’existence même du modèle européen, de nos régimes démocratiques et de la liberté de la presse qui est en jeu.

C’est dans ce contexte qu’un groupe de sages, des personnalités expérimentées et reconnues au niveau international, a proposé la conclusion d’un nouveau «Partenariat Euro-Méditerranéen-Arabe de Coopération et de Sécurité» (PEMACS) pour répondre aux défis politiques, économiques, sociaux, culturels, religieux et environnementaux qui pèsent sur l’avenir de cette région. Mais ils ne se sont pas limités à proposer une nouvelle initiative – par ailleurs la première depuis les printemps arabes – ils ont tracé, en s’inspirant des expériences du Processus de Barcelone et de l’Union pour la Méditerranée, les modalités précises qui permettront d’assurer le succès de cette nouvelle négociation. Leur démarche s’écarte de la négociation traditionnelle en impliquant pour la première fois, tout au début du processus, la société civile et le monde universitaire des deux côtés de la Méditerranée et en engageant simultanément tous les Etats à dessiner les contours d’un nouvel Accord Euro-Méditerranéen-Arabe de Coopération et de Sécurité.

Marché de 800 millions d’habitants

Ils ont anticipé en ce sens les attentes exprimées par le nouveau Secrétaire Général des Nations unies, Antonio Guterres, qui insiste sur l’importance d’accroître la coopération internationale pour aborder les causes profondes des tensions actuelles afin de parvenir «à un développement durable et inclusif en investissant dans la cohésion sociale de sociétés qui deviennent multiethniques, multireligieuses, multiculturelles et en renforçant le rôle des Etats, des institutions et des sociétés civiles».

Cette initiative qui vient d’être saluée par le Secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée, Fatallah Sijilmassi, a déjà reçu le soutien de plusieurs Etats du Sud et du centre de la Méditerranée dont notamment le Maroc, la Tunisie, le Liban et Malte. Elle renouvelle profondément les mécanismes de la diplomatie traditionnelle en ouvrant de surcroît la voie à de nouvelles méthodes de négociation qui correspondent aux exigences d’une société privilégiant au XXIe siècle les réseaux sociaux et la transparence.

Outre qu’elle ouvre la voie à un marché de près de 800 millions d’habitants et qu’elle assure une croissance pour tous les Etats concernés, elle offre à l’Europe la possibilité d’apaiser les tensions qui pèsent sur son flanc sud et d’apporter une solution pérenne aux flux de migrants en mettant un terme au spectre intolérable de milliers de morts recensés chaque année sur les voies de l’émigration.

Opportunité pour la Suisse

Pour la Suisse, en particulier pour la Genève internationale et académique ainsi que les organisations internationales, la négociation sur le «Partenariat Euro-Méditerranéen-Arabe de Coopération et de Sécurité» représente une extraordinaire opportunité d’investir dans un nouveau champ de la négociation internationale en consolidant et structurant la contribution de la société civile et du monde universitaire dans le développement des relations internationales. C’est l’occasion unique de dynamiser des institutions qui ne répondent plus aux attentes des citoyens, notamment des jeunes, et suscitent de plus en plus la critique des Etats.

La réussite du PEMACS représente la possibilité de démontrer que les institutions internationales ne sont plus ce «machin» obsolète pourfendu par des hommes aussi différents que le général de Gaulle et le nouveau président américain. Le PEMACS, une vraie «main tendue», le pari mérite d’être relevé.


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