L’année humanitaire 2016 avait été marquée en mai par un Sommet humanitaire mondial à Istanbul, et, en septembre à New York, par un Sommet sur les mouvements massifs de migrants et de réfugiés.
La communauté internationale fait en effet face aux plus grands besoins humanitaires de notre époque, la plupart dus à des causes humaines… Et les agences du système des Nations Unies ne reçoivent que la moitié des fonds qu’elles demandent. Devant l’augmentation de ces besoins, la complexité et la difficulté des situations, le nombre d’acteurs augmente : Gouvernements, ONU, organisations régionales et sous-régionales, société civile, économie privée, communautés locales, diasporas, organisations religieuses. Pour faire face, tous ces acteurs doivent privilégier la collaboration et la complémentarité, le partenariat et non la compétition, accepter et rechercher la diversité et non l’uniformité des réponses à ces crises humanitaires. Et mettre la priorité sur la prévention, sur le renforcement de la résilience par des liens entre aide d’humanitaire d’urgence et de assistance au développement. Et aussi et surtout, ne pas oublier les causes de ces crises humanitaires et de ces mouvements massifs de réfugiés et de migrants, dans la plupart des cas des conflits, des guerres civiles ou des conflits internationaux.
2017 a commencé par deux appels à la paix : celui du Pape François et celui du nouveau Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, et par l’amorce et la poursuite de négociations pour mettre fin à plusieurs conflits.
Le mois de janvier 2017 a vu le début de pourparlers de paix à Genève pour la réunification de Chypre, et, le 15 janvier, à Paris, 75 Gouvernements ce sont réunis pour discuter de la paix entre Israéliens et Palestiniens – à vrai dire en l’absence des deux principaux intéressés, essentiellement sur un Plan élaboré par le Secrétaire d’Etat de l’Administration Obama. Fin février verra aussi la reprise à Genève des négociations sur la Syrie tandis qu’en Équateur Gouvernement colombien et le mouvement de guérilla ELN ont entamé depuis peu leur dialogue pour mettre un terme à plus d’un demi-siècle de conflit en Colombie.
Le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, est depuis le 10 février au Proche Orient : d’abord en Turquie, pour discuter de la réunification de Chypre ainsi que de la paix en Syrie, puis dans cinq pays arabes, en Arabie saoudite, aux Emirats arabes unis, à Oman, au Qatar et en Egypte, pour discuter du conflit israélo-palestinien ainsi que ceux en cours en Syrie, au Yémen et en Libye. L’humanitaire ne pourra en effet jamais remplacer le dialogue pour une solution pacifique des conflits.
Si la volonté politique de mettre fin à plusieurs conflits se renforce, tant sur la Colombie, sur Chypre, des tensions nouvelles apparaissent en Asie, entre Chine et Etats-Unis, entre Inde et Pakistan, autour du Lac Tchad, en Libye, entre Grèce et Turquie. Après la bataille d’Alep, celle de Mossoul ; alors que les crises migratoires à travers la Méditerranée s’estompent (phénomène saisonnier ou lassitude médiatique ?), les décisions du nouveau Président américain soulignent, s’il le fallait, l’importance mondiale de trouver les moyens de gérer harmonieusement la migration et les demandes d’asile.
Au Sommet de New York du 19 septembre 2016, les Gouvernements sont tombés d’accord de négocier, d’ici septembre 2018, deux Pactes mondiaux, l’un sur les réfugiés (sous les auspices du HCR), l’autre sur les migrants (mené par l’OIM). Il faut, en parallèle, prendre rapidement des mesures économiques, juridiques, politiques et sécuritaires pour harmoniser ces flots de réfugiés et de migrants. Mesures économiques pour stabiliser les populations sur place ou à proximité. Réglementation des départs, des transits, des entrées, de l’intégration de ceux qui sont admis à rester. Recherche de solutions politiques aux conflits. Sans négliger la sécurité, qui n’est pas seulement des Etats mais aussi celle des populations civiles des zones de conflit, des migrants, des réfugiés, et de prendre les mesures adéquates pour mettre fin à ces formes modernes d’esclavage que peuvent être les trafics d’êtres humains.
La migration fait partie des problèmes qui ne peuvent plus être gérés au niveau national ni même régional mais doivent se négocier sur une base multilatérale, universelle.
Et si les Nations Unies restent le lieu principal du dialogue international, l’ONU n’a pas de monopole sur la diplomatie multilatérale : il faut aussi mettre à contribution les milieux académiques, les experts individuels, les milieux économiques, les médias, les formateurs d’opinion, dirigeants religieux, écrivains, artistes. Genève a une expertise sur la migration, dans sa propre histoire et aujourd’hui, avec l’OIM, le BIT, le HCR, l’OMS, le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme, des « think tanks » et des centres de formation. Au delà des urgences, prendre le temps de rassembler et d’étudier les retours d’expérience (« best practices ») y compris des organisations humanitaires qui doivent garder leur mémoire institutionnelle et conserver vivants leurs réseaux de contacts au sein des Autorités gouvernementales et de la société civile.
Le dialogue est centré sur New York et Genève, mais qui doit aussi être décentralisé.
Le Forum mondial sur la migration et le développement (« Global Forum on Migration and Developement » – GFMD), qui a débuté à Bruxelles, il y a dix ans, va tenir un Sommet en juin de cette année à Berlin. Le flambeau du dialogue sur la migration et le développement a ainsi passé de la Belgique aux Philippines puis à la Grèce, au Mexique, à la Suisse, à Maurice, à la Suède, à la Turquie, au Bangladesh, à l’Allemagne et, en 2018, au Maroc.
L’essentiel est de retrouver la confiance pour dialoguer et construire ensemble, avec des partenariats (impliquant une collaboration horizontale) dans un cercle aussi large que possible d’acteurs (« multi-stakeholders ») et utiliser les moyens technologiques actuels.
Une collaboration entre Nord et Sud, entre Allemagne et Bangladesh, Co-Présidents du GFMD, entre Suisse et Mexique.
Reconnaître les mandats et responsabilités des organisations existantes, comme le HCR et l’OIM respectivement pour les réfugiés et les migrants, et faciliter les coopérations inter-organisations, particulièrement dans des situations où les catégories classiques deviennent floues, où réfugiés et migrants forment des « flots mixtes ».
Et faire le lien entre humanitaire et développment, humanitaire et économie, humanitaire et sécurité, humanitaire et autres approches.
Partager les expériences à travers les civilisations et à travers les générations.
Bâtir des ponts entre pays ayant combattu les uns contre les autres, former des communautés de coopération comme l’avaient fait les fondateurs de l’Europe, Adenauer, de Gasperi et Robert Schuman au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, envisager de nouveaux Plans Marshall au Proche-Orient, en Afrique, en Amérique latine, en Asie.
Reprendre le flambeau des pionniers des normes d’humanité, de Vitoria et de Suarez, deux pionniers du droit international contemporain, pour la défense de la dignité humaine de tous les individus de toutes les races, d’Henry Dunant pour la protection des blessés et du personnel médical et sanitaire, de Beccaria et de Voltaire contre la torture, et des promoteurs de la lutte contre l’esclavage et de la servitude sous toutes ses formes.
Réaffirmer des normes fondamentales comme l’interdiction de la torture, les garanties judiciaires (« habeas corpus »), la liberté de religion.
Les avocats du droit international, des droits de l’homme, du droit international humanitaire sont-ils des naufragés d’une civilisation perdue ? Où sont-ils les gardiens de la mémoire de tragédies collectives comme Solférino pour la Première Convention de Genève de 1864 protégeant les blessés sur le champ de bataille, comme Tsoushima (1905) pour la protection des naufragés, comme la Première Guerre mondiale pour la protection des prisonniers de guerre et l’interdiction des armes chimiques, comme la Seconde Guerre mondiale pour la protection des civils victimes de l’occupation et des bombardements ?
Face a l’érosion du respect du droit international humanitaire et des droits de l’homme, y compris des réfugiés et des migrants, il est essentiel de retrouver les fondements, dans toutes les cultures, du respect de la vie et de la dignité de la personne humaine, de toute personne humaine, en toute situation, de paix, de guerre, d’exil, de migration, de dégager des principes communs pour gérer, dans l’intérêt commun, ces problèmes qui ne peuvent être gérés que sur une base universelle.
Rechercher des formes nouvelles, moins formelles et rigides, pour des lignes directrices qui viendraient compléter de manière concrète les instruments juridiques existants : ainsi les deux Pactes mondiaux (« Global Compacts ») en voie d’élaboration pour les réfugiés et pour les migrants.
Et inclure un cercle d’acteurs plus large que les seuls Gouvernements, organisations internationales, ONG internationales, en consultant et invitant économie privée, communautés locales, réfugiés et migrants aussi, sans oublier les responsables religieux.
Après l’Australie en 2014, la Turquie en 2015, la Chine en 2016, c’est l’Allemagne qui accueillera, probablement cet automne à Hambourg, un Sommet mondial inter-religieux (« Global Interfaith Summit ») consacré au rôle de la religion dans la problématique des réfugiés liée aux conflits et au développement durable.
Michel Veuthey,
Observateur Permanent Adjoint
Mission Permanente d’Observation de l’Ordre Souverain de Malte auprès de l’Office des Nations Unies à Genève
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