En signant avec la Turquie un accord destiné à blinder sa frontière extérieure, l’Union européenne (UE) a-t-elle renié ses principes pour tenter de préserver son unité?
Officiellement, selon Bruxelles, l’objectif est de «briser le modèle économique» des passeurs qui alimentent l’émigration illégale entre les côtes turques et grecques. Les mesures pour y parvenir s’inscrivent dans le respect du droit international et européen, insiste la Commission européenne. Le Haut-commissariat aux réfugiés (HCR), qui ne trouvait rien à redire dans un premier temps, exprime désormais son «inquiétude» et précise ne pas être associé à cette démarche. Dans les faits, le marchandage avec Ankara pour stopper le flux des réfugiés pourrait bien être inapplicable pour des raisons pratiques et juridiques.
Les moyens en question
Selon les termes de l’accord, les garde-frontières turcs et grecs vont prendre les mesures nécessaires pour empêcher les «migrants irréguliers» d’atteindre les côtes européennes. Mais, est-il précisé, il n’y aura pas de renvoi automatique ou collectif, chaque demande d’asile sera étudiée sur une base individuelle. Pour rappel, tout candidat à l’asile a droit à deux niveaux de recours en cas de refus de sa demande, l’un administratif, l’autre juridique, stipule la Cour européenne des droits de l’homme.
«C’est une contradiction, souligne Vincent Chetail, directeur du Centre des migrations globales à l’Institut de hautes études internationales et du développement (Iheid). D’un côté, on dit que tous les migrants irréguliers seront renvoyés et de l’autre que l’on va procéder à un examen individuel. Comment la Grèce pourrait-elle y parvenir alors que cela fait des années qu’elle s’en est montrée incapable?»
La réponse de l’UE?
4000 personnes vont renforcer le dispositif grec: un millier d’agents de la sécurité ou soldats; 1800 policiers; 600 experts de l’asile; 400 traducteurs; une soixantaine de juristes. Il en coûtera 280 millions d’euros pour les six prochains mois, une facture payée par Bruxelles.
L’Europe en question
Aujourd’hui, certaines voix dénoncent un accord germano-turc imposé à l’Europe par Angela Merkel pour sauver la fin de son règne au moment où elle est de plus en plus contestée du fait de sa politique généreuse envers les réfugiés. Un mauvais procès. Si c’est bien la chancelière allemande qui est une nouvelle fois à la manœuvre, cela ne fait que souligner un peu plus la faillite des élites politiques des autres grands pays européens. Berlin a été la seule capitale, avec Stockholm, à appliquer de façon cohérente le principe de protection affiché par l’UE.
La crispation des Européens face à l’arrivée des réfugiés du Proche-Orient ne peut s’expliquer par la seule question du nombre. En 2015, l’UE a enregistré 1,2 million de demandes d’asile, selon Eurostat. En admettant qu’elles soient toutes acceptées, cela représenterait 0,2% de sa population totale alors que dans le même temps un quart de la population du Liban est composé de réfugiés.
L’origine musulmane d’une majorité des demandeurs d’asile actuels, en pleine vague d’attentats terroristes justifiés au nom de l’islam, nourrit le malaise.
«Il faut retrouver son sang-froid, sortir de l’urgence, il n’y a pas d’invasion, estime Vincent Chetail. En se focalisant sur les migrants, le monde politique et médiatique joue un jeu dangereux pour la démocratie.»
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