Les gardes-côtes italiens pratiquent l’euphémisme: «nous avons été particulièrement occupés ce lundi», déclaraient-ils au terme d’une journée marquée par le sauvetage de 6500 migrants en mer au large de la Libye lors de quarante opérations distinctes de secours. Ils ne veulent pas entendre parler de «record», mais c’est bien le plus grand nombre en absolu de migrants secourus en une seule journée. Rarement les opérations de secours dépassent trente par jour, même si 13.000 migrants étaient arrivés en une semaine fin mai et 8300 début août en cinq jours. Dimanche toutefois, 1100 migrants avaient déjà été recueillis dans le même secteur.
Une mer plate et un léger vent soufflant du sud expliquent cela, mais en partie seulement. Force est de constater que les bandes de trafiquants qui pullulent en Libye ne sont contrôlées ni par les forces du gouvernement légal de Fayez al-Sarraj ni par celles de son rival, le général Khalifa Haftar opérant à Benghazi. Le 17 août dernier, des pirates embarqués sur une vedette rapide ont arraisonné en pleine mer, à 24 milles des côtes libyennes, le Bourbon Argos , un navire de secours de l’organisation humanitaire Médecins sans Frontières (MSF), hors des eaux nationales. Ils sont montés à bord et ont perquisitionné le navire tandis que l’équipage s’était réfugié dans une salle de sécurité dans l’entrepont avant de repartir au bout de cinquante minutes, comme ils étaient venus. Évidente provocation.
Des chalutiers surchargés
Lundi 29 toute l’armada des secours qui navigue en Méditerranée est intervenue pour faire face à l’afflux des migrants: gardes-côtes et unités de la marine italienne, unités des forces européennes Frontex et de l’Eunavfor Med, marine irlandaise, vaisseaux des ONG. L’organisation humanitaire catalane Proactiva Open Arms, présente sur les lieux avec l’autre navire de MSF Dignity, a diffusé sur le Web des images impressionnantes d’un petit chalutier bondé de 700 migrants dont plusieurs dizaines se sont jetés à la mer pour gagner au plus vite les unités de secours.
La majeure partie provenait de la Corne de l’Afrique, du Mali, de Côte d’Ivoire, de Guinée équatoriale. De nombreuses femmes et enfants se trouvaient à bord ainsi que plusieurs dizaines de mineurs non accompagnés, toujours plus nombreux. Un nouveau-né de sept jours a été héliporté avec sa mère sur la terre ferme. De même que des jumeaux, nés à leur arrivée à Lampedusa, et dans un état précaire nécessitant leur hospitalisation en Sicile.
Depuis le début de l’année, le HCR compte 112.500 migrants débarqués en Sicile. C’est moins que l’an dernier (116.000 au cours des huit premiers mois de l’année). Mais le beau temps prévu pour les prochains jours fait craindre de nouvelles arrivées en masse. Le nombre des victimes ne cesse malheureusement d’augmenter: 3100 depuis janvier 2016. Une recherche conduite par l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et l’université de New York estime que depuis 2014, onze migrants ont perdu la vie chaque jour en Méditerranée. Sans compter les corps qui n’ont jamais pu être récupérés. La Méditerranée centrale, entre la Libye et l’Italie, est la route la plus meurtrière: elle compte 85% de l’ensemble des morts, bien qu’un quart seulement du million et demi de migrants parvenus en Europe ces trois dernières années ait emprunté cette voie.
Lire l’article sur le site du Figaro
Source URL: https://diplomatie-humanitaire.org/libye-vagues-de-migrants-poussees-paroxysme/
Copyright ©2024 Diplomatie Humanitaire unless otherwise noted.