Article paru sur le site du Figaro Santé le 14/01/2018 par le Professeur Francis Chaise
Le Pr Francis Chaise est spécialisé dans le traitement des séquelles de la lèpre sur les membres. Il est directeur bénévole du programme lèpre à l’Ordre de Malte France.
Avec 210.000 nouveaux cas en 2017, la lèpre est une maladie encore répandue et difficile à contrôler. Le Pr Francis Chaise*, chirurgien orthopédiste, explique pourquoi.
Un nouveau cas de lèpre dans le monde toutes les deux minutes: contrairement aux idées reçues, cette maladie multiséculaire n’est pas éradiquée! L’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui avait décrété en 2005 que la lèpre n’était plus un problème de santé publique compte tenu de la réduction de la prévalence de la maladie, a dévoilé en avril 2016 une stratégie mondiale de lutte contre la lèpre 2016-2020. Or plus de 210.000 nouveaux cas sont répertoriés cette année encore selon l’OMS, dont près de 20 % d’enfants de moins de 15 ans et 20 % à 30 % avec des infirmités lourdes.
Dans le monde, on compte encore près de 3 millions de lépreux avec des infirmités ou des mutilations. Mais ces chiffres globaux cachent une réalité bien plus contrastée: il existe encore des zones fortement endémiques qui représentent à elles seules plus de la moitié des cas.
Causée par une mycobactérie très particulière (bacille décrit par le norvégien Hansen en 1873) qui se transmet par les voies respiratoires, la lèpre est une maladie infectieuse stigmatisante connue depuis l’Antiquité.
Elle s’attaque d’abord à la peau puis aux nerfs et finit, si elle n’est pas traitée à temps, par provoquer des paralysies et mutilations des membres ainsi que des atteintes oculaires pouvant aller jusqu’à la cécité. La transmission se fait par la salive et probablement par les contacts cutanés répétés et prolongés.
Une maladie difficile à contrôler
Le bacille de Hansen, aujourd’hui mieux connu, est responsable d’une maladie qui reste difficile à contrôler: son évolution étant extrêmement lente, l’incubation peut durer jusqu’à vingt ans, période pendant laquelle le patient est contagieux. Le traitement, fondé sur un protocole recommandé par l’OMS, est connu sous le terme de PCT (polychimiothérapie). Malgré cela, des réactions immunitaires violentes peuvent survenir à n’importe quelle étape de la maladie. La destruction rapide des nerfs périphériques entraîne alors des paralysies sensitives et motrices des yeux, des mains et des pieds, avec des conséquences très invalidantes, sources d’exclusion: infirmités, mutilations… Une intervention chirurgicale est toutefois souvent possible, pour libérer le ou les nerfs comprimés. Le dépistage précoce de la maladie est donc un enjeu majeur.
« L’Ordre de Malte France développe des partenariats avec les ministères de la Santé des pays touchés et participe activement aux programmes nationaux de lutte contre la lèpre (PNLL) »
L’Ordre de Malte France développe des partenariats avec les ministères de la Santé des pays touchés et participe activement aux programmes nationaux de lutte contre la lèpre (PNLL) pour définir des stratégies adaptées à chaque pays, à sa culture et à ses croyances. Les équipes sont mobilisées sur le terrain depuis plus de vingt ans en Afrique et plus de trente ans en Asie: dépistage précoce, soins et prévention des infirmités, chirurgie de réhabilitation, protection des extrémités et du visage, et projets de réinsertion sociale et de lutte contre les discriminations. La formation du personnel de santé reste, quant à elle, un élément clé dans la lutte contre la lèpre dans la durée.
Apprendre à détecter les premiers signes
La situation au Congo illustre parfaitement la singularité de la lèpre. De nombreux cas ont été diagnostiqués dans la région la plus reculée du pays, la forêt tropicale, où vivent les populations autochtones de la Likouala. Isolément, manque d’hygiène et promiscuité ont favorisé le développement de la maladie, qui connaît une recrudescence. Dans cette région où les populations souffrent d’une grande pauvreté et d’un manque d’accès aux soins, l’Ordre de Malte France, en partenariat avec l’Agence française de développement (AFD) et soutenu par le Global Fund for Forgotten People (GFFP), a lancé en 2017 un programme de «soutien des populations autochtones de la Likouala». Apprendre au plus grand nombre et en particulier au personnel de santé sur place à détecter la maladie dès les premiers signes est devenu un enjeu majeur.
De nombreux progrès, soutenus par l’Ordre de Malte France, ont été accomplis depuis une décennie: mise au point d’un vaccin en cours de validation, décodage du génome du bacille, étude de protocoles de traitement systématique par les antibiotiques des sujets ayant été en contact avec une victime de la lèpre, recherche systématique des signes cliniques de la maladie chez des patients dans l’entourage d’un malade connu… mais le tableau dressé reste préoccupant.
En continuant à dédier des fonds et des moyens humains, à développer sans cesse de nouvelles synergies avec les États, à soutenir les programmes nationaux de lutte contre la lèpre et à aller au plus près des populations isolées, il n’est plus utopique de rêver à l’éradication définitive de cette maladie ancienne de la pauvreté. La nomination par les Nations unies en novembre 2017 d’un rapporteur spécial dédié à l’élimination de la discrimination des personnes atteintes de la lèpre et des membres de leurs familles s’inscrit dans cette logique d’un dispositif global dans lequel chacun a un rôle à jouer.
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