Les dirigeants mondiaux se retrouveront à Istanbul pour le tout premier Sommet mondial sur l’action humanitaire afin de trouver des solutions aux crises humanitaires complexes et sans précédent auxquelles nous faisons face.
La souffrance humaine a atteint un niveau inégalé – 125 millions de personnes dans 37 pays ont besoin d’aide humanitaire. Les conflits violents détruisent la vie de millions de personnes et ont entraîné un nombre sans précédent de réfugiés et de déplacés internes. Près de 60 millions de personnes, dont la moitié sont des enfants, ont été forcées de fuir leurs maisons, et ce chiffre ne fait qu’augmenter.
En amont du sommet, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies a appelé tous les acteurs et parties à renouveler leur engagement pour limiter les effets de la guerre sur les civils et les sociétés en recadrant l’action humanitaire en tant qu’acte de solidarité. Il a énoncé des responsabilités-clés pour la communauté internationale qui sont « essentielles pour mieux servir l’humanité ». Elles incluent la responsabilité pour les dirigeants politiques de mettre la compassion et le courage au cœur des prises de décision collectives, et de faire preuve de leadership politique afin de prévenir et faire cesser les conflits. Le secrétaire général Ban Ki-moon appelle les États à respecter le droit international humanitaire et les droits de l’homme, et à poursuivre les criminels. Son rapport souligne également la responsabilité pour les dirigeants de protéger les plus vulnérables en ne laissant personne de côté, et d’améliorer la prévention des crises et des désastres naturels. Enfin, le secrétaire général appelle à augmenter les financements pour répondre à l’impact des crises dans le monde, mais également à plus de flexibilité et d’innovation dans ces financements.
Le message est clair : le monde se trouve à un moment critique où nous devons défendre notre humanité partagée. Les Libanais sont un exemple pour le monde d’un tel engagement. Mais l’exemple du Liban montre également les limites du modèle traditionnel pour la réponse aux crises prolongées.
Au cours des cinq dernières années, le Liban a été au premier rang d’une des pires crises humanitaires de notre temps. Malgré ses ressources limitées et les défis politiques et sécuritaires, le Liban a fait preuve d’un engagement et d’une solidarité exceptionnels, et a ouvert ses portes à plus d’un million de réfugiés qui ont fui la Syrie déchirée par la guerre. Aujourd’hui au Liban, une personne sur trois est syrienne ou palestinienne. Les communautés libanaises ont ouvert leurs écoles, leurs cliniques et même leurs maisons à des centaines de milliers de Syriens qui ont fui leur pays.
Le monde doit énormément aux Libanais et aux autorités libanaises pour leur générosité. Les partenaires internationaux donnent un soutien considérable au pays. Plus de 1,3 milliards de dollars d’aide humanitaire ont été reçus en 2015, et le niveau de financement en 2016 devrait atteindre ce niveau, voire même le dépasser. Cependant, alors que nous entrons dans la sixième année du conflit, le Liban atteint ses limites. Les besoins des réfugiés surpassent la capacité des communautés hôtes à fournir des services adéquats, et la stabilité du pays n’est plus un acquis.
L’expérience libanaise montre que l’aide humanitaire seule ne peut faire face à la crise prolongée qu’est la crise syrienne. Nous avons besoin de réponses innovantes qui ciblent aussi bien les Libanais que les réfugiés syriens. Les réfugiés veulent rentrer chez eux. Mais pendant qu’ils sont déplacés, ils doivent pouvoir vivre avec dignité. Quand ils rentreront chez eux, ils devront pouvoir rapidement contribuer à reconstruire leur pays. En même temps, nous devons aider le Liban à inverser son déclin économique en renforçant les principaux secteurs productifs et en modernisant l’infrastructure du pays. Cela aidera le Liban à gérer l’impact de la crise et en fera un point d’ancrage pour la stabilité et un pilote de la reconstruction dans la région.
Lors de la conférence de Londres en février, le Liban a présenté sa vision pour transformer cette crise en opportunité pour construire un meilleur avenir. Cela passe par l’accès universel à l’éducation pour les Libanais et les réfugiés syriens. Cela implique également de stimuler la croissance économique et créer des opportunités de travail pour les réfugiés syriens aussi bien que pour les Libanais. La communauté internationale a promis son soutien au gouvernement dans cette vision ambitieuse et respecte cet engagement.
Ce Sommet mondial sur l’action humanitaire est l’occasion de promouvoir l’exemple libanais dans sa façon de transformer la réponse humanitaire traditionnelle. Nous devons comprendre le rôle changeant de l’assistance dans les crises prolongées, car le soutien aux communautés et institutions libanaises est la clé de la stabilité.
Le sommet est également l’occasion pour nous tous de montrer notre solidarité et notre soutien envers les 125 millions de personnes en situation de crise immédiate, mais également envers ceux qui sont au premier rang de la réponse, démontrant la force de l’humanité à travers leur engagement aux côtés des personnes dans le besoin.
Avant tout, le sommet représente une chance unique de susciter le changement, d’être solidaires et de montrer que nous n’accepterons pas l’érosion de notre humanité dont nous sommes aujourd’hui les témoins.
Cela sera notre investissement pour une humanité dans laquelle personne n’est laissé de côté.
Philippe Lazzarini est coordinateur résident des Nations unies et coordinateur humanitaire.
Article paru sur le site L’Orient-Le Jour
Source URL: https://diplomatie-humanitaire.org/lecons-apprises-liban-sommet-mondial-laction-humanitaire/
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