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«L’aide humanitaire ne suffira pas à sauver le Yémen»

Article paru sur le site du journal Le Temps le 03/04/2017 par Simon Petite

L’ONU a réuni 2 milliards de dollars pour aider le Yémen. L’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis, qui bombardent le pays, se sont montrés particulièrement généreux

La Suisse et la Suède ont réuni la communauté internationale mardi à Genève au chevet du Yémen, frappé par la pire crise humanitaire du monde. Pour la seconde année consécutive, de nombreux pays ont promis de mettre la main au porte-monnaie. «Un effort de solidarité remarquable», a salué le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. L’ONU a désormais récolté 2 milliards de dollars sur les 3 nécessaires cette année pour couvrir les besoins de la population yéménite, dont les trois quarts dépendent de l’aide humanitaire.

Voilà pour les promesses. Si elles se concrétisent, il restera encore à acheminer l’aide sur place. Une gageure, à écouter Jan Egeland, secrétaire général du Norwegian Refugee Council, l’une des rares organisations humanitaires internationales présentes au Yémen: «J’appelle tous les pays à venir nous rejoindre. Ils se rendront mieux compte de nos difficultés pour atteindre la population. Il y a, par exemple, 74 checkpoints entre la capitale, Sanaa (aux mains des rebelles), et Aden (ville du sud contrôlée par les forces loyalistes).»

L’effort de la Suisse

Si la Suisse n’envisage pas de rouvrir son bureau humanitaire au Yémen, elle a promis 13 millions de francs, notamment pour financer les activités du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Mais, avec 1 milliard de dollars promis, les plus généreux donateurs ne sont autres que l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Soit les fers de lance de la coalition arabe qui combat au Yémen les rebelles houthis, proches de l’Iran honni par Riyad et Abu Dhabi. Antonio Guterres a beau estimer que guerroyer et aider sont «deux choses qu’il faut voir séparément», le malaise est palpable. Car la coalition arabe est largement responsable de la catastrophe yéménite.

Quand ils sont intervenus il y a trois ans au secours du gouvernement yéménite en déroute face à l’avancée des houthis, les avions de la coalition ont visé les infrastructures civiles aux mains des rebelles, comme les stations de pompage ou d’électricité. Résultat: l’immense majorité de la population est aujourd’hui privée d’eau courante et d’électricité. Les hôpitaux dépendent par exemple de générateurs, mais encore faut-il du fuel pour les faire marcher.

Car l’Arabie saoudite et ses alliés maintiennent un blocus de facto sur le nord du pays, encore aux mains des houthis malgré le terrain regagné par les forces loyalistes. Le port d’Hodeida, contrôlé par les rebelles, symbolise les effets collatéraux de l’embargo imposé aux houthis.

Le prix des denrées de base a explosé

Avec le concours de l’ONU, les navires de la coalition arabe disent empêcher les livraisons d’armes aux houthis. Mais la procédure de vérification des cargos freine l’importation des biens essentiels à la population, alors que le pays importait 90% de ses produits alimentaires avant la guerre. Le port fonctionnant en sous-capacité, cela a contribué à l’explosion des prix des denrées de base. D’où la famine qui menace.

Pour sortir de ce cercle infernal, les humanitaires ne peuvent pas tout. «Même si l’aide est distribuée sans entrave, ce qui est plutôt le cas, cela ne suffira pas à sauver le Yémen. Aucun pays ne peut fonctionner qu’avec l’aide humanitaire», explique Alexandre Faite, qui vient de quitter Sanaa, après deux ans à la tête de la mission du CICR sur place. Pour l’instant, les discussions pour desserrer l’étau de la coalition arabe ont été tributaires des soubresauts du conflit. Quant aux négociations de paix, l’ONU se dit «optimiste» trois semaines après des rencontres secrètes entre émissaires saoudiens et houthis à Oman.

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