Cinq rares succès humanitaires de l’année 2016 ( et quelques mises en garde)

Article paru sur le site de l’IRIN le 29/12/2016

S’il est difficile de tirer un bilan positif au terme d’une année aussi tragique que 2016, quelques réussites sont à relever.

Voici quelques-uns des succès enregistrés récemment sur le plan humanitaire, assortis de nos mises en garde :

L’entrée en vigueur de l’accord de Paris

Etant donné que l’année 2016 a battu un nombre de records peu enviables dans le domaine du réchauffement climatique, il semblait judicieux que l’accord de Paris pour la lutte contre le changement climatique, adopté par 195 pays dans la capitale française en décembre 2015, entre en vigueur et soit mis en œuvre sans délai. La première étape, la plus facile, a été franchie de façon étonnamment rapide – un nombre suffisant de parlements l’avaient ratifié avant même que les délégués se réunissent à Marrakech au mois de novembre pour la réunion de suivi de la conférence de Paris, la COP22. Mais en ce qui concerne la mise en œuvre, le diable est dans les détails, et beaucoup dépendra de la mesure dans laquelle les pays respecteront les contributions définies au niveau national et qui sous-tendent l’accord de Paris. Des plans ont été mis en place pour que les pays approuvent un nouvel ensemble de règles qui envisagent de leur laisser la responsabilité de leur progrès à partir de 2020.

Mise en garde : petit problème, un climato-sceptique, Donald J. Trump, a été élu président du pays qui a été le moteur de l’accord de Paris. Et, même si le président Trump ne peut (et/ou choisit de ne pas) torpiller l’une des dernières pièces de l’héritage de son prédécesseur, l’accord pourrait encore être insuffisant et arriver trop tard. Des études montrent que, si les objectifs nationaux sont atteints, la planète se réchauffera quand même de 2,7 degrés d’ici à la fin du siècle – une élévation de température qui aurait des conséquences désastreuses.

L’EI perd du terrain

Les mauvaises nouvelles se sont accumulées cette année, mais le fait que le soi-disant Etat islamique perde le contrôle de zones qu’il tenait auparavant représente une lueur d’espoir pour les populations civiles qui ont vécu sous son règne de terreur. Le groupe a été chassé de ses positions stratégiques en Irak – Ramadi et Fallouja – et a perdu Al-Chaddadeh, dans la province syrienne d’Hassaké, ainsi que Manbij, près de la frontière turque. Les forces libyennes, avec le soutien aérien des Etats-Unis, viennent de reprendre Syrte à l’EI. Le groupe ne contrôle plus de territoires dans le pays, mais certains de ses membres demeurent actifs. L’armée irakienne et ses alliés progressent lentement vers Mossoul, son dernier bastion en Irak – si l’armée sort victorieuse dans cette ville, Raqqa, en Syrie, sera son principal bastion, même si le groupe est toujours présent dans et autour de Palmyre.

Mise en garde : nous répugnons à dire qu’une campagne militaire est « bonne » – l’offensive de l’armée irakienne contre l’EI à Fallouja a donné lieu à un siège éprouvant, et on a signalé des actes de représailles à l‘encontre des populations civiles après la libération (actes souvent attribués aux milices alliées). Il faut également parler des victimes civiles – les individus utilisés comme boucliers humains ou exécutés par l’EI alors qu’ils tentaient de fuir, les personnes tuées dans les frappes aériennes de la coalition, sans oublier les victimes innocentes des bombardements incessants ordonnés par les gouvernements russe et syrien. Autre source d’inquiétude : alors que le territoire contrôlé par l’EI se réduit, le groupe risque de multiplier les actions pour semer le chaos en organisant des attaques telles que celles qu’il mène régulièrement à Bagdad, ou récemment sur un marché de noël à Berlin.

Ceci étant dit, il est difficile d’oublier la joie des populations libérées du joug de l’EI – les femmes qui fument des cigarettes, les hommes qui coupent la barbe qu’ils avaient été contraints de laisser pousser et le retentissement des cloches des églises.

La paix en Colombie ?

Au mois de novembre, le Congrès colombien a ratifié l’accord de paix avec les rebelles de la guérilla des FARC, mettant ainsi un terme à plus de 50 ans de combats – ce que ses partisans espèrent – et permettant au pays d’entamer un processus de guérison. L’accord prévoit le désarmement et la démobilisation des FARC, et l’utilisation de leurs avoirs pour dédommager les victimes. Le groupe formera un parti politique, et se verra attribuer 10 sièges au Congrès. Si l’accord, considéré comme plus dur pour les FARC que la version initiale rejetée dans un plébiscite par les Colombiens deux mois plus tôt, met un terme au bain de sang en Colombie, ce sera une grande victoire pour le pays. Plus de 260 000 personnes, en majorité des civils, ont trouvé la mort dans le conflit, et près de sept millions de Colombiens ont été déplacés.

Mise en garde : si les partisans de l’accord ont agité le drapeau à la signature de l’accord — et le président Juan Manuel Santos a gagné le Prix Nobel de la paix avant le vote « non » — tout le monde n’est pas satisfait. Le leader de l’opposition et ancien président Alvaro Uribe a affirmé que la Colombie laissait les rebelles s’en tirer à bon compte. Il a quitté le Congrès avant le vote. Derrière la politique, il existe de réelles inquiétudes en matière de justice : les combattants qui ont reconnu avoir commis des crimes de guerre ne seront pas emprisonnés. De plus, les FARC ayant promis de rompre leurs liens avec le trafic de drogue, les producteurs de coca colombiens, qui affirment qu’ils font ce qu’ils peuvent pour survivre, craignent que leurs moyens de subsistance soient menacés. Et l’histoire colombienne a montré que la réintégration était tout sauf simple.

Les Canadiens parrainent des réfugiés

En septembre 2015, l’image d’Aylan Kurdi, un petit Syrien de cinq ans retrouvé mort sur une plage de Turquie, a galvanisé la population canadienne. Le programme de parrainage mis en place par le Canada en 1979 permet à des groupes de Canadiens de financer la réinstallation de groupes spécifiques de réfugiés. Outre l’engagement financier, les parrains offrent un soutien pratique et émotionnel aux réfugiés qui s’établissent dans leur nouvelle vie. A la fin de l’année 2015 et au début de l’année 2016, le programme a été étendu pour respecter l’engagement pris par le Premier ministre Justin Trudeau lors de la campagne électorale d’accélérer la réinstallation de 25 000 Syriens au Canada avant la fin de février 2016. Alors que l’Europe a renforcé ses frontières et que M. Trump a promis de limiter la réinstallation des réfugiés aux Etats-Unis, le gouvernement canadien s’est efforcé de trouver et d’étudier un nombre suffisant de dossiers de réfugiés éligibles à la réinstallation pour répondre aux propositions des parrains volontaires. Le modèle de parrainage privé du Canada a inspiré l’Initiative mondiale de parrainage de réfugiés lancée à Ottawa au mois de décembre. Plusieurs autres pays, dont le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et la Nouvelle-Zélande ont établi leur propre programme de parrainage et l’intérêt pour ces initiatives ne cesse d’augmenter.

Mise en garde : le financement, privé ou public, de la réinstallation des réfugiés est assuré pour une année seulement, mais bon nombre de personnes ont besoin de plus de temps pour s’intégrer et acquérir une autonomie. Un comité de sénateurs a appelé le gouvernement de M. Trudeau à donner la priorité à l’allocation de ressources supplémentaires.

Un vaccin « 100% efficace » contre Ebola

Cette annonce est arrivée en fin d’année, peu de temps avant les fêtes, et a été éclipsée par les gros titres consacrés au décès de plusieurs célébrités, alors vous l’avez peut-être manquée. Le 22 décembre, le journal médical The Lancet a publié les conclusions d’un essai d’un vaccin expérimental contre le virus Ebola sur 11 000 personnes en Guinée. Pas une seule des personnes vaccinées n’a contracté le virus Ebola et il a été établi que le vaccin était bien toléré ; il en offre en outre une réponse humanitaire rapide après l’injection d’une seule dose. L’étude a également souligné l’importance de montrer que des essais comme celui-ci, baptisé « Ebola, ça suffit », pourraient être menés durant la période difficile qui suit une épidémie et être efficaces. L’épidémie d’Ebola qui a touché l’Afrique de l’Ouest a fait plus de 11 300 victimes, principalement au Liberia, en Sierra Leone, et en Guinée, entre 2013 et 2016. « Si ces résultats convaincants arrivent trop tard pour ceux qui ont déjà perdu la vie dans l’épidémie d’Ebola qui a frappé l’Afrique de l’Ouest, ils montrent que face à la prochaine flambée de cette maladie, nous ne serons pas sans défense », a déclaré Marie-Paule Kieny, Sous-Directeur général pour les systèmes de santé et l’innovation à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) , et principale responsable de l’étude.

Mise en garde : il n’y en a pas (c’est juste une bonne nouvelle).

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