Ce déploiement rapide a été considéré comme un signe du rôle croissant joué par la Chine dans les situations d’urgence, mais des voix critiques s’élèvent pour dire que ses contributions humanitaires sont dérisoires au regard de son influence économique et diplomatique. La Chine est la deuxième économie mondiale et possède l’armée la plus nombreuse du monde, mais ses contributions ne correspondent pas aux déclarations officielles sur le rôle croissant qu’elle joue sur la scène internationale.
« Nous nous efforçons de jouer un rôle plus important dans l’ordre international existant », a indiqué Wang Yi, ministre chinois des Affaires étrangères, lors d’une conférence de presse au mois de mars. Le monde est si grand et confronté à de si nombreux problèmes ; la communauté internationale veut entendre la voix de la Chine et étudier les solutions qu’elle propose, la Chine ne peut pas être absente », a-t-il expliqué aux journalistes.
Mais les chiffres démentent ces discours.
La Chine n’a donné que 54 millions de dollars au titre de l’aide humanitaire en 2014, selon Development Initiatives, qui a notamment analysé les chiffres fournis par l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), les Nations Unies et le Fonds monétaire international (FMI). Par contraste, les Etats-Unis ont versé 5,9 milliards de dollars, la Grande-Bretagne 2,3 milliards de dollars et l’Arabie saoudite 755 millions de dollars.
Le service de surveillance financière (Financial Tracking Service, FTS) des Nations Unies, qui recense les flux d’aide humanitaire au niveau mondial, indique que les contributions de la Chine ont baissé et s’élevaient à seulement 37 millions de dollars en 2015.
(Les chiffres présentés ci-dessus ne concernent que l’aide humanitaire et ne prennent pas en compte les subventions et prêts en faveur des objectifs de développement).
Les propres statistiques de la Chine soulignent l’importance relativement faible de l’aide extérieure pour le pays.
Selon un livre blanc sur l’aide extérieure – qui inclut les financements alloués au développement et à l’aide humanitaire – publié en 2014, le ratio budget humanitaire / revenu national brut de la Chine était de 0.07 pour cent sur la période 2010-2012.
Ce ratio est beaucoup plus faible que le ratio moyen de 0.3 pour cent qui correspond aux versements annuels des 29 pays membres du Comité d’assistance au développement (CAD) de l’OCDE, qui inclut les sept pays du groupe des économies avancées et des plus petits pays, comme la Slovénie, la Grèce et la République tchèque.
Dans un récent commentaire, l’Institut de développement d’outre-mer (Overseas Development Institute, ODI) du Royaume-Uni a indiqué : « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités, et la Chine devrait augmenter ses contributions à l’aide humanitaire internationale pour les porter au moins à la hauteur de son PIB ».
Le ministre du Commerce, qui gère l’aide humanitaire allouée par Beijing, n’a pas souhaité répondre aux demandes de commentaires et d’informations complémentaires d’IRIN.
La Chine: une superpuissance, un petit poucet de l’aide humanitaire
Dépenses d’aide humanitaire en 2014 (en millions de dollars)
Des motivations politiques ?
Des observateurs ont également noté que l’aide fournie par la Chine semblait être souvent motivée par des objectifs politiques notamment.
« Les engagements à l’étranger semblent très stratégiques », a dit Kerry Brown, professeur d’études chinoises et directeur de l’institut Lau China du King’s College de Londres.
Il a cité l’exemple du Soudan du Sud qui, en 2011, a obtenu son indépendance du Soudan, un allié de longue date de la Chine. Celle-ci s’est retrouvée dans une situation embarrassante, car elle avait beaucoup investi dans des champs pétroliers qui se trouvent désormais sur le territoire du Soudan du Sud et avait apporté son soutien au gouvernement de Khartoum pendant la guerre, notamment en fournissant des armes.
La Chine a envoyé des soldats de la paix qui ont rejoint la mission des Nations Unies au Soudan du Sud, et a également contribué à l’aide humanitaire.
« Nous avons constaté la même chose au Costa Rica en 2007 lorsque la Chine a acheté 300 millions de dollars de bons du Trésor et versé 130 millions de dollars d’aide pour garantir la reconnaissance diplomatique de la Chine plutôt que de Taipei», a expliqué M. Brown.
Courbe d’apprentissage
Certains experts disent qu’il faudra du temps à la Chine pour renforcer ses actions humanitaires à l’étranger. Mais la Chine, qui est l’un des pays les plus touchés par les catastrophes naturelles au monde, pourrait partager sa grande expérience des secours en situation de catastrophe.
Par exemple, les agences internationales n’ont joué qu’un petit rôle lorsque la province du Sichuan a été frappée par un séisme – le pire de ses 30 dernières années – en 2008, et la Chine a été louée pour sa réponse. Le gouvernement a lancé une action d’ampleur avec le déploiement de troupes pour secourir les personnes piégées sous les décombres, apporter de l’aide et organiser les évacuations.
Mais des voix critiques expliquent aussi que les « lois draconiennes » appliquées par la Chine entravent les efforts humanitaires des organisations non gouvernementales (ONG) chinoises.
« La Chine est peut-être une grande puissance aujourd’hui, mais elle doit apprendre à se comporter comme telle, particulièrement dans le domaine de l’aide humanitaire », a dit Xu Guoqi, professeur d’histoire chinoise et de relations internationales à l’université de Hong Kong.
M. Xu a dit que la Chine comptait très peu d’ONG proportionnellement à sa population, et que celles-ci cherchent encore un moyen d’intervenir en Chine et à l’étranger.
Un ancien membre – il a demandé à garder l’anonymat – d’une ONG chinoise qui vient de suspendre ces activités car elle n’avait plus accès aux bailleurs de fonds internationaux, a dit à IRIN : « Bon nombre d’ONG chinoises dépendaient des financements étrangers, car il y a encore peu de philanthropes en Chine. Alors que le gouvernement se montre encore plus sévère à l’égard de la société civile, les ONG se demandent comment elles vont faire pour survivre, et non pas pour étendre leurs opérations à l’étranger ».
L’inégalité entrave l’action caritative
Malgré une croissance économique rapide, les dons privés ne décollent pas.
« Malgré l’apparition de de nombreux nouveaux riches, l’action caritative n’est pas aussi développée que dans bon nombre de pays occidentaux », a dit M. Xu.
Sur Weibo, célèbre site Internet considéré comme le Twitter chinois, les critiques fusent contre les dirigeants qui versent des financements aux pays étrangers dans les discussions liées à l’aide humanitaire fournie par le pays. Les commentateurs pensent que l’argent de la Chine devrait être utilisé en faveur de ses citoyens.
L’inégalité des revenus est particulièrement importante en Chine. L’indice de Gini relatif à la répartition des revenus était de 0,49 en 2012 en Chine, selon un récent rapport de l’université de Pékin. Un chiffre supérieur à 0,40 révèle une forte inégalité des salaires.
« Une partie de la population se dira, ‘il y a beaucoup de régions pauvres en Chine – pourquoi [les Chinois] devraient-ils contribuer à l’aide étrangère’ ? Mais les esprits commencent à changer », a dit à IRIN une employée de la fondation pour la réduction de la pauvreté en Chine (China Foundation for Poverty Alleviation, CFPA).
Depuis 2003, cette ONG de Beijing soutenue par le gouvernement a mené des opérations de secours lors de catastrophes en Indonésie, en Haïti, aux Etats-Unis, au Myanmar, au Népal et en Equateur pour un montant total de 13,7 millions de dollars.
L’employée de la CFPA a dit que la notion d’action caritative pourrait être en train de gagner du terrain à en juger par les récentes collectes de fonds.
« Par exemple, bon nombre de personnes ont fait des dons de plus de 1 000 yuans (150 dollars) au fond Nepal earthquake relief, et au cours des 24 premières heures de la campagne de collecte de fonds pour la lutte contre le virus Ebola, nous avons recueilli 1,21 million de yuans (182 747 dollars) de dons auprès de la population », a-t-elle expliqué.
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