Angela Merkel succédera-t-elle à Ban Ki-moon?

Au rez-de-chaussée du bâtiment du secrétariat général des Nations unies à New York, sept portraits d’hommes sont accrochés au mur.

L’espace n’est pas suffisant pour accueillir un huitième portrait, celui de l’actuel patron de l’ONU, Ban Ki-moon. Encore moins d’une femme. Au cours de ses 70 ans d’existence, l’organisation internationale installée le long de l’East River n’a jamais été dirigée par une femme.

Entre juin et septembre, elle doit pourtant choisir un successeur au Sud-Coréen qui achève son second mandat à la fin 2016. Parmi les sept candidats annoncés dont tous proviennent de l’Europe de l’Est à l’exception du Portugais Antonio Guterres, trois femmes: l’actuelle directrice de l’UNESCO, la Bulgare Irina Bokova, la ministre moldave
des Affaires étrangères Natalia Gherman et la cheffe de la diplomatie croate Vesna Pusic. Le groupe régional est-européen n’a jamais eu de secrétaire général. Il estime que c’est son tour.

Ancienne conseillère fédérale, Micheline Calmy-Rey ne s’exprime pas sur la valeur des candidates en lice. Mais si elle pouvait influer sur le processus, son choix serait vite fait: Angela Merkel. A l’heure où elle traverse une passe difficile, secouée par des scandales d’abus sexuels parmi les contingents de Casques bleus et marginalisée dans le conflit syrien, l’ONU a besoin d’un patron capable de restaurer le rôle et la crédibilité de l’organisation sur la scène internationale.

«Angela Merkel a une expérience de plus de dix ans en tant que chancelière allemande, se confie au Temps Micheline Calmy-Rey. Dans la crise des réfugiés, elle a fait preuve d’une stature morale que peu de dirigeants européens ont démontrée et dont les Nations unies pourraient grandement profiter.»

Même si en Allemagne, la chancelière subit le contrecoup de ses prises de position courageuses, «elle a tenu bon, ajoute l’ex-cheffe du Département fédéral des affaires étrangères. C’est une femme qui montre une vraie volonté de trouver des solutions. Je me souviens d’une scène. En tant que présidente de la Confédération, j’étais assise à table avec elle à Davos. Pour transmettre son message, elle ne restait pas sur sa chaise. Elle allait parler directement aux gens.»

Le problème d’Angela Merkel, poursuit Micheline Calmy-Rey, «c’est qu’elle est une femme forte. Elle peut faire peur». Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, qui ont jusqu’ici toujours sélectionné le secrétaire général dans le plus grand secret, ont souvent choisi, comme le veut la formule, un secrétaire plutôt qu’un général. Or engluées dans leur incapacité de réformer un Conseil de sécurité qui reflète un ordre international dépassé, les Nations unies ont plus que jamais besoin d’un général.

Dans les coulisses onusiennes, Irina Bokova semble la favorite. Mais William Pace, directeur de l’Institut de politique globale et promoteur de la campagne «1 for 7 Billion» en faveur d’un processus de nomination transparent du futur secrétaire général le souligne: «L’Europe de l’Est n’est pas un ensemble monolithique. Il va sans dire que la Russie sera rétive à soutenir un candidat issu d’un pays d’Europe de l’Est qui fait partie de l’UE ou de l’OTAN.»

Un instant intéressée par le poste,Kristalina Georgieva, actuelle vice-présidente de la Commission européenne et proche de George Soros, n’a ainsi pas la moindre chance. Angela Merkel, qui n’est pour l’heure pas candidate, serait en ce sens une prétendante intéressante. Ayant grandi en Allemagne de l’Est, parlant le russe, elle a été une go-between efficace entre Bruxelles et Moscou, notamment dans la crise ukrainienne. Elle est aussi appréciée du président américain Barack Obama. Son accession au poste de secrétaire générale de l’ONU, confirmerait que tant Washington que Moscou souhaiteraient faire de l’enceinte internationale une organisation efficace qui compte davantage.

Un facteur va influer la nomination du successeur de Ban Ki-moon. Pour la première fois depuis 1945, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité ont accepté d’introduire un peu de transparence dans le processus. A l’échelle onusienne, c’est une petite révolution. Sous l’impulsion du président danois de l’Assemblée générale Mogens Lykketoft et de la société civile, les Etats membres ont été priés d’annoncer publiquement leurs candidats. L’Assemblée générale refuse de n’être qu’une chambre d’enregistrement.

Un dialogue informel a eu  lieu à l’Assemblée générale les 12-13 et 14 avril  avec les sept candidats en lice. Responsable du Service onusien de liaison avec les ONG, Susan Alzner le souligne: les citoyens du monde ont été sollicités par Internet et Twitter. «Nous avons reçu plus de 1000 questions à l’intention des candidats. Nous en sélectionnerons trente à l’intention de l’Assemblée générale.»

William Pace ne serait pas surpris qu’il y ait d’autres candidats qui apparaissent entre avril et juin, date où le Conseil de sécurité devrait se pencher sur les candidatures. Le directeur de l’Institut de politique globale ajoute:

«Les Etats membres paraissent aussi très favorable à limiter à six ou sept ans la durée du mandat du futur secrétaire général. Une manière de rendre la fonction plus indépendante par rapport aux grandes puissances.»

Mais la menace du veto demeure. Pour être confirmé, le très populaire Kofi Annan a dû en surmonter onze consécutifs…

Article paru sur le site du journal Le Temps

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