À l’occasion du Sommet humanitaire mondial, des leaders mondiaux et des représentants des Nations Unies se réuniront pour améliorer la réponse internationale aux crises. Quelles seront les priorités lors de cette rencontre ? D’après Jan Egeland, Conseiller spécial de l’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie, le secteur humanitaire ne parvient toujours pas à protéger les civils contre les violences en dépit de récentes améliorations dans la fourniture de l’aide.
Les trois P – protection, principes et proximité – représentent à la fois le plus grand défi et le plus grand échec des travailleurs humanitaires d’aujourd’hui.
Le Sommet humanitaire mondial des Nations Unies a comme ambition de marquer un nouveau départ pour le système humanitaire international. Or, pour que l’événement soit considéré comme un succès, nous devons réussir, d’ici la fin du Sommet, à élaborer des outils qui passent le « test d’Alep ou du Kivu ». L’événement doit en effet permettre d’améliorer notre capacité à intervenir là où nos interventions sont les plus faibles.
Voici ce que nous devons nous demander : comment pouvons-nous rester en première ligne et venir en aide aux civils pris entre deux feux qui sont largement laissés à eux-mêmes face aux attaques menées par de cruels hommes armés ? Sommes-nous prêts à prendre certains risques pour défendre nos principes humanitaires d’impartialité, de neutralité et d’indépendance alors que les combattants, les gouvernements hôtes et même les bailleurs de fonds tentent de donner une dimension politique, sécuritaire ou militaire à nos actions ? Sommes-nous prêts à quitter le confort de nos sièges sociaux et de nos capitales pour nous déployer en force et en nombre sur le terrain, là où les besoins sont les plus criants et où l’insécurité est la plus forte ?
« Les organisations humanitaires ont nettement amélioré leur capacité à fournir une aide dans plusieurs domaines (eau et assainissement, abris, logistique, etc.). Dans la plupart des zones de conflit et de catastrophe, on observe une diminution des taux de mortalité et de malnutrition et une amélioration du contrôle des maladies et de l’éducation. La protection des femmes et des enfants vulnérables n’a cependant connu aucune amélioration au cours de la dernière décennie. »
En 2005, alors que j’étais Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, j’ai lancé une réforme majeure de la coordination humanitaire dans le but d’améliorer les capacités, le financement et le leadership sur le terrain. Ces éléments faisaient en effet cruellement défaut dans la réponse à la crise au Darfour. Depuis lors, les organisations humanitaires ont nettement amélioré leur capacité à fournir une aide dans plusieurs domaines (eau et assainissement, abris, logistique, etc.). Dans la plupart des zones de conflit et de catastrophe, on observe une diminution des taux de mortalité et de malnutrition et une amélioration du contrôle des maladies et de l’éducation.
La protection des femmes et des enfants vulnérables n’a cependant connu aucune amélioration au cours de la dernière décennie. Les civils qui sont aujourd’hui coincés dans les zones de conflit sont toujours traités comme de simples pions dans des luttes géopolitiques menées depuis les airs. Les guerres modernes se caractérisent toujours par un mépris choquant pour la vie humaine. Au Soudan du Sud, les meurtres délibérés, les viols massifs et les incendies volontaires de foyers semblent être des pratiques courantes dans l’histoire de la jeune nation. Au Nigeria, il n’est pas rare que des hommes armés kidnappent toutes les jeunes filles d’un village.
En Syrie, des civils sont délibérément affamés et privés des soins et des médicaments dont ils ont besoin pour survivre. L’armée syrienne a récemment empêché l’accès d’une mission d’évaluation humanitaire à la ville de Daraya. La mission, qui avait pourtant obtenu toutes les autorisations nécessaires, visait à acheminer des vaccins, des fournitures de santé et du lait maternisé pour venir en aide aux enfants malades et malnutris. Six des 18 zones assiégées n’ont obtenu aucune aide cette année. À Daraya, les distributions de fournitures humanitaires aux civils ont été interrompues au début du siège, en 2012, et n’ont pas repris depuis.
Les lieux de refuge universellement reconnus, comme les écoles, les hôpitaux et les temples, sont devenus des cibles, et ce, en dépit de la protection dont ils bénéficient en vertu du droit international humanitaire. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et Médecins Sans Frontières parlent d’ailleurs d’une épidémie d’attaques contre les établissements de santé. Pour de trop nombreux acteurs armés, « le médecin de mon ennemi est mon ennemi ».
S’ils souhaitent réussir à mieux protéger les populations les plus vulnérables, les participants au Sommet d’Istanbul doivent prendre trois engagements :
Tout d’abord, les hommes politiques et les diplomates doivent cesser de négliger les causes sous-jacentes des conflits. La responsabilité de prévenir et de résoudre les conflits incombe aux gouvernements nationaux et aux autres parties aux conflits. Les travailleurs humanitaires peuvent réduire les souffrances, mais ils ne peuvent pas mettre un terme aux guerres.
Ensuite, les États doivent s’engager à mettre en oeuvre des mesures spécifiques pour mettre fin à l’impunité pour les auteurs de violations des droits de l’homme ou de crimes de guerre. Chaque jour, le droit international humanitaire est ouvertement bafoué. Les factions belligérantes qui commettent des atrocités doivent être tenues responsables.
Enfin, les organisations d’aide humanitaire doivent s’engager à faire de la protection une priorité au moment de déterminer comment, quand et à qui fournir une aide. Nous devons travailler plus étroitement avec ceux que nous servons et les protéger en assurant une présence physique sur le terrain. Nous devons en outre travailler aux côtés des habitants des communautés isolées des pays comme l’Afghanistan, le Nigeria, la République démocratique du Congo (RDC) et le Yémen afin d’attirer l’attention du monde sur la situation désespérée dans laquelle elles se trouvent. Ce n’est qu’alors que nous pourrons donner une voix à ceux qui n’en ont pas et défendre les plus faibles contre les abus des puissants.
Jan Egeland est Secrétaire général du Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC) et Conseiller spécial de l’Envoyé spécial des Nations Unies pour la Syrie. Il a également occupé le poste de Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires au sein des Nations Unies.
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