​Idlib: « les civils ne sont pas une cible » rappelle la Croix Rouge

Article paru sur le site RCF le 12/09/2018 par Jean-Baptiste Le Roux

La dernière province syrienne aux mains des rebelles est sous les bombes. A Idlib, les réfugiés fuient en masse le secteur, vers la Turquie.

La situation humanitaire d’Idlib empire d’heure en heure. Les habitants de cette province syrienne, la dernière à être contrôlée par les forces rebelles, sont sous les bombes de l’armée syrienne, et de son alliée la Russie. On estime à 2,5 millions le nombre de personnes vivant dans ce secteur, ravagé par les bombardements aériens.

L’exode des civils d’Idlib a commencé 

Face à cette situation, les civils n’ont qu’une seule solution : fuir. En particulier pour les familles vivant dans le Sud de cette province. Ils se dirigent notamment vers la frontière turque, où existent déjà des camps de réfugiés. Mais pour la plupart de ces personnes, il ne s’agit pas d’un premier exode. En effet, en plein cœur du conflit, beaucoup de Syriens avaient trouvé refuge à Idlib, jusque-là plus ou moins épargnée par les combats. Désormais, ce calme apparent appartient au passé.

Tous fuient l’offensive lancée il y a un mois par les forces du régime de Bachar el-Assad, afin de déloger les derniers rebelles sur place. Une offensive qui gagne en puissance, malgré les messages d’alerte des Nations-Unies, et même des Etats-Unis. L’ONU a d’ailleurs prédit une des pires catastrophes humanitaires du XXIème siècle. Et pour cause, même les secours et les ONG semblent pris pour cible.

Une province vulnérable sur le plan humanitaire

« Rien que durant les derniers jours des combats, au moins deux hôpitaux ont été endommagés au Sud de la province d’Idlib. Il y a au bas mot des milliers de personnes sur les routes qui se dirigent vers la frontière turque où se trouvent déjà des camps improvisés. Il faut bien voir que la poche d’Idlib est un endroit extrêmement vulnérable. On parle de 2,5 millions de personnes dont la moitié sont des déplacés, soit qui ont fuit les combats ailleurs en Syrie ces dernières années, ou des personnes déplacées à l’intérieur d’Idlib au cours des combats des mois précédents. On parle d’une région où les gens sont déjà extrêmement affaiblis. Beaucoup vivent dans des camps de fortune sous des abris insuffisants sans accès à l’eau, à la nourriture, et aux soins » explique Iolanda Jaquemet porte-parole du Comité International de la Croix Rouge au Proche et Moyen-Orient.

« Dès qu’il y a des combats, les gens ont une réaction tout à fait normale. Ils prennent leurs enfants, leur mère âgée, leur famille et ils s’enfuient dans une direction qui leur paraît être plus sûre. Il faut bien voir qu’Idlib a énormément de peine à faire face aux besoins. 60% des structures en eau sont endommagées. Cette poche n’a pas de centrale électrique. Tout dépend des générateurs qui ont besoin de combustible. Il n’y en a pas assez » ajoute Iolanda Jacquemet.

Un fossé entre les besoins des civils et la réponse humanitaire

Actuellement, on estime à 30.000 le nombre de personnes déplacées. L’ONU s’apprête à devoir porter secours à 80.000 personnes. « Le problème, c’est l’accès malaisé pour les organisations humanitaires. Le seul accès qui est ouvert en ce moment, c’est celui de la frontière turque et les moyens y arrivent. En revanche la réponse humanitaire est totalement insuffisante. Plus les besoins augmenteront, plus ce fossé entre les besoins et la réponse humanitaire va se creuser, et c’est ce que nous craignons » lance encore la porte-parole de la Croix Rouge.

Une fois les combats fuis, pour les civils, se posera ensuite la question de la survie dans les camps. « Ces camps ne sont pas des structures de la meilleure qualité en l’état actuel. Plus les gens seront sur les routes, plus ils viendront grossir les rangs des personnes installées dans ces camps de fortune, plus les conditions de vie seront absolument insuffisantes, en particulier pour les personnes vulnérables, les enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées ou handicapées » conclut Iolanda Jaquemet.


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